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Turquie 2012

Appel à la prière

Quelques semaines de voyage en Turquie donnent un aperçu du chant des muezzins. C’est d’autant plus vrai qu’il est arrivé que nous nous soyons installés vraiment tout près voire au pied d’un minaret.

Le muezzin lance son appel plusieurs fois par jour. Certains ont pu se demander si le son émis par les haut-parleurs avait une origine humaine. Je peux l’attester dans au moins un cas ayant personnellement vu l’officiant à l’action. Le jeune homme se trouvait comme perché sur un escalier au-dessus de la cour de la mosquée, le micro à la main et le son était relayé par les haut-parleurs placés haut sur le minaret. La chance a voulu que ce muezzin fût un bon chanteur, agréable à entendre et que le son retransmis fût d’assez bonne qualité. La scène avait un élan mystique indéniable et l’on se pressait déjà dans la cour. Est-ce l’exception ? Est-ce la malchance due au hasard de notre présence ? Je ne sais. Toujours est-il que dans la plupart des cas, la qualité n’est pas au rendez-vous. Je ne peux pas juger du chant, je ne le comprends pas, ne sachant même pas en quelle langue il est dit. Mis à part le mot Allah qui dure mais qui doit être le même dans bien des langues, je ne comprends rien. Cela me rappelle le train de nuit du Massif Central et les haut-parleurs de la SNCF. Vers le milieu de la nuit, on entendait « Vierzon, Vierzon, deux minutes d’arrêt », on ne comprenait rien tant qu’on avait pas pris ce train une quinzaine de fois. Pour moi, cela avait toujours été comme une langue étrangère, la langue SNCF qui petit à petit, avec l’expérience d’autres lieux, s’était étendue en langue de haut-parleurs sans rien gagner en clarté. Je l’avais un peu oubliée et la retrouve en Turquie à une grande échelle. C’est qu’ils ont fait les choses en grand. Des haut-parleurs décorent les minarets, certes, mais d’autres se trouvent sur les toits des maisons dans les bazars, dans les rues… on n’y échappe pas. Dailleurs, les horaires étant variables, on a parfois tout le loisir d’écouter d’autant plus que c’est incontournable.

C’est ainsi qu’on est amené à quelques remarques.

La première concerne la durée de l’appel.

Je ne l’ai jamais mesurée, mais l’habitude révèle des exagérations, dans les deux sens. À se demander si le muezzin ne s’est parfois pas complètement laissé prendre par son chant et sa proximité avec le ciel. Ce n’est heureusement jamais arrivé à la prière du matin, vers les 4-5 h.
En d’autres lieux, la brièveté du chant laisse penser que le chanteur avait autre chose à faire, d’où nos réflexions : « remboursé ! » mais nous n’avons pas payé, « il se moque de nous celui-là », etc.

La deuxième concerne la multiplicité des appels.

Le même appel est retransmis par de nombreux haut-parleurs, mais la technique mise en œuvre a ses limites et le décalage entre différents haut-parleurs est perceptible. D’un point de vue purement physique, cela donne lieu a des phénomènes d’interférences. Celles-ci sont hélas limitées par la piètre qualité du matériel mais ajoutent des tremolos que bien des musiciens aimeraient produire.
Dans la plupart des villes, les mosquées sont nombreuses et nous nous trouvons face à deux cas de figures : ou bien il n’y a qu’un muezzin, on retrouve le cas précédent avec des décalages plus importants qui ne peuvent alors plus engendrer ces phénomènes d’interférences, ou bien ils sont plusieurs et c’est rapidement la cacophonie parce qu’ils n’ont pas tous les mêmes paroles ni le même rythme ni tout à fait la même heure. Nous nous en sommes amusés, installés à peu de distance d’une petite mosquée dans une très grande ville, nous entendions, dans le lointain, petit à petit les différents muezzins entonner leur chant et nous nous disions : « Écoute, le nôtre va bientôt commencer ». Encore quelque secondes et il commençait !

La troisième est un peu un retour à la question du début : « Y a-t-il quelqu’un derrière un micro ? »

Bien sûr la réponse est positive. Ce qui est moins certain est la présence d’une personne derrière le micro au moment de l’appel. Le tout début de l’appel et surtout la fin, après l’appel, sont peuplés de bruits qui évoquent trop l’enregistrement pour être affirmatif. Le plus frappant est d’arriver à reconnaître des sons liés au système d’exploitation Windows de certains ordinateurs ou des bruits de lignes des téléphones portables. Le muezzin a fait confiance à la technologie !

La dernière est liée à la portée.

Installés dans un coin de campagne plus ou moins près d’habitations, sans mosquée visible, nous avons tantôt eu la surprise d’entendre l’appel comme s’il était tout proche tantôt d’avoir un calme absolu qu’aucun appel ne venait troubler.