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Inde 2013

Vol en vol

Ce matin, l’air est pur et la petite brise qui vient de l’océan(1) est presque fraîche(2). Depuis mon poste d’observation, tous ces poissons frais aux reflets d’argent sous le soleil levant, tous plus appétissants les uns que les autres retiennent mon attention, ces petites sardines par exemple ou ces adorables daurades rayées ou encore ces tout petits espadons à la gueule en forme de dard ; on les dirait presque vivants - d’ailleurs ce petit thon là-bas a les ouïes encore actives. Et puis, ce doux parfum de marée du matin, un régal olfactif ! Posés, rangés en parallèle par étal sur des sacs, délicatement saupoudrés du sable fin du sol, régulièrement rafraîchis d’un peu d’eau claire, tous attendent preneur, j’en suis, et avec quelle envie ! J’en soupire déjà d’aise rien qu’à l’idée d’en dépecer un ou plusieurs, n’importe lesquels en dépit de mes préférences, hmm ! Ce n’est pas comme plus loin, ces ridicules choses vertes, jaunes ou violettes sans intérêt, des fruits, des légumes dit-on. Aucun intérêt, passons pour revenir à ces beaux poissons. Des choix s’imposent : le poisson, choix cornélien, pour l’étal, c’est plus simple puisqu’ils se ressemblent et que le plus proche fera l’affaire, et le moment, un choix crucial qui peut avoir une incidence sur le premier. Chaque marchande est occupée, l’une à éventer sa présentation pour en écarter les mouches, une autre remet un peu de sable, une autre prépare la marchandise et la découpe à la demande d’un client, plus loin, on asperge un peu d’eau, on rend la monnaie, on s’époumone à vanter la marchandise pour attirer le chaland, toutes ont un œil sur la concurrence (des voisins) et sur les quelques corneilles pataudes qui ne se contenteraient pas des abats. Bizarres ces corneilles soit dit en passant, elles ont des ailes et ne volent pas trop mal quoique sans grâce et de façon désordonnée mais une fois au sol, elles sautillent en écartant un peu les ailes, c’est d’un ridicule ! Et dire qu’on appelle cela des oiseaux, ce doit être dû à ces ailes justement. Et leur bec, un bec énorme, tout droit et disgracieux au possible. Je m’égarerais si la bonne odeur de poisson frais ne me maintenait pas en éveil et aux aguets.

Hop ! Ça y est ! En un éclair je m’élance, ceux qui me regardent doivent avoir l’impression d’une chute, une chute toutefois bien contrôlée. En 2 m, je suis à presque 100 km/h et à 20 cm du sol. Un passage éclair sous le bras de la vendeuse visée, j’ouvre les serres et saisis la sardine convoitée. Il ne reste plus qu’à regagner mon poteau télégraphique pour déguster la prise. Pas de doute, c’est plus facile ici que dans la lagune, quel dommage que le marché ne dure pas toute la journée.

L’aigle pêcheur, Rameswaram, le 26 octobre 2013

1 Océan Indien

2 32 °C