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Inde 2013

Au restaurant

Le choix de sa table est une question d’une finesse insoupçonnée lorsqu’on n’est pas occupé. Il ne saurait être dicté par quelque serveur ou planton de service. Tiens, deux étrangers se trouvent là-bas, une aubaine, si nous allions à la table d’à côté, juste par curiosité. C’est à peu près ce qui doit passer de façon plus ou moins consciente par la tête de tout Indien entrant après nous. Je me suis même parfois demandé si notre présence n’augmentait pas momentanément le chiffre d’affaires de l’établissement. La discrétion n’étant pas la première qualité des sympathiques habitants de cette région, les regards sont ostensiblement braqués et le moindre de nos gestes amplement commenté, nul besoin de comprendre les idiomes locaux, le kannada nous est aussi hermétique que le tamoul, le konkani ou le malayalam. Ce soir, même le serveur s’en est mêlé à plusieurs reprises et il a fallu que je l’arrête au moment où il plongeait les deux mains dans mon plat pour me montrer comment faire ! On s’y fait en s’amusant des observateurs-commentateurs et en limitant les prérogatives de l’agent de service, d’ailleurs, à part ce dernier*, les autres finissent toujours par s’occuper d’autre chose et vient alors le temps d’inverser les rôles sans plus de gêne et dans une langue que nul ne comprend et dont on ne soupçonne même pas l’existence. Je l’ai déjà dit, on mange à la main. La première conséquence en est la main sale en fin de repas et tout restaurant a plusieurs lavabos à disposition de ses clients dans un coin de la salle. Ils s’y rendent avant et après les repas, pour nous seulement après parce que nous avons l’habitude d’arriver à table les mains propres. Bref, cela fait partie des usages tellement ancrés que c’en est devenu habituel et irréfléchi. Ce soir, tout à notre observation, notre voisin de droite nous a donc un peu surpris (ils étaient trois ensemble à cette table) en prenant sa timbale d’eau et en se la versant alternativement sur les mains au-dessus de son plat et en finissant par se passer le reste d’eau sur tout le visage. Manifestement, nous étions les seuls surpris, surpris mais pas de façon visible, nous avons du savoir-vivre !


*Souvent, il n’est pas seul, tous les autres personnels viennent aussi au spectacle, nous en avons eu jusqu’à onze autour de la table !