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France 2015

Visite chez M. Laury Gnacien (1)

Il fait beau, il fait chaud. Après quelques centaines de virages, nous nous retrouvons en pleine garrigue, chênes verts, buis, cailloux et rochers. C’est là, au milieu de nulle part que vient de s’établir M. Laury Gnacien. Nous ne le connaissions pas mais nous avons été agréablement surpris par son installation. Il a vu les choses en grand. Cela commence par une grande barrière et c’est toujours aussi surprenant de trouver une barrière dans la garrigue puisqu’on sait bien qu’après la barrière, c’est comme avant. Sans doute parviendra-t-il ainsi à se préserver une certaine tranquillité. Si l’on en juge par le nombre de visiteurs qu’il recevait aujourd’hui par exemple, on peut toutefois sérieusement en douter. Ce soudain engouement est d’ailleurs étrange. Il était paisiblement fixé un peu plus bas, à mi-hauteur de la vallée, la jolie vue qu’il en avait de chez lui devait le combler chaque soir lorsqu’il s’asseyait devant sa modeste demeure. Mais non, il ne pouvait rester là. Sa renommée s’étendant rapidement, il fallait s’attendre à ce qu’il reçoive beaucoup de visites et les lieux ne s’y prêtaient pas. Des édiles se sont réunies, d’autres l’ont été, et il a été décidé que, moyennant quelques aménagements, la garrigue conviendrait mieux aux circonstances nouvelles. En un sens, eu égard à la superficie de garrigue dans cette zone, l’installation a une taille modeste. Considérée pour elle-même, elle l’est moins.

Revenons-en au portail. Une fois franchi, vous avez, sur votre droite, l’espace réservé aux autocars et aux camping-cars, parce que, c’est vrai, je n’ai pas assez insisté en parlant du nombre de visiteurs, les agences de voyage de tous niveaux pressentant l’attrait que ne manqueraient pas d’exercer cette nouvelle situation, sa célébrité croissante depuis une vingtaine d’année et cette installation récente n’ont pas traîné dans la réorganisation de leurs services. La stupeur, la stupéfaction, l’étonnement… sont à leur comble si l’on songe qu’il a pendu la crémaillère il y a cinq jours seulement. Personne n’imaginerait rivaliser avec lui quant à la croissance fulgurante de sa notoriété. On ne s’y est pas trompé en haut lieu puisque même le Président est venu lui rendre visite. On ne sera donc pas surpris non plus de la présence d’un parking dont la vaste taille ne suffisait déjà plus dans l’après-midi. Vient qui veut, mais n’entre pas qui veut. Il est sans doute plus simple de faire sa demande par internet en choisissant lorsqu’il en reste, un créneau libre, mais vous pouvez aussi vous faire annoncer à votre arrivée si c’est encore possible. Ceux qui espéraient, en lisant créneau libre, avoir la possibilité d’une rencontre en tête à tête avec M. Laury Gnacien vont être bien déçus. Non, il reçoit par groupe d’une trentaine de personnes à la fois. Alors là, en toute franchise, force est de reconnaître que les visiteurs n’ont pas tous la correction voulue.

Pour ne rien cacher, M. Laury Gnacien, du temps où il travaillait encore – il a maintenant pris une retraite bien méritée depuis quelques années – était peintre, spécialiste d’art pariétal, une spécialité obsolescente dont les représentants doivent se compter sur les doigts d’une main. Eh bien, imaginez que bon nombre de visiteurs viennent voir ses œuvres et ne passent même pas voir leur auteur ! Cette attitude irrespectueuse dépasse le manque de correction. Ses peintures se limitent, comme cela se faisait beaucoup il y a quelques temps, presque exclusivement à des animaux familiers, familiers au sens d’habituel, pas de compagnie. Son geste artistique a beaucoup de finesse et d’intelligence. Toute son habileté à tenir compte des irrégularités du support ingrat qu’il a choisi, sa maîtrise technique dans le relief et la perspective qu’il a donnés aux différentes scènes, son sens de l’observation de la nature et sa capacité à la restituer de mémoire sont partout perceptibles. La vie qui se dégage de ses œuvres est admirable et surprend. À défaut de pouvoir nous entretenir avec lui, il semble être sourd, nous sommes passés le voir. D’après ce que nous avons vu, nous dirions qu’il n’exerce maintenant plus que des activités simples de la vie quotidienne. Disons pour en finir avec ces quelques mots, que le personnel qui l’entoure est tout à fait sympathique et que les extérieurs sont aménagés de façon agréable, les belles allées dans la garrigue arrivent même de temps en temps à donner l’impression d’être seuls. Ah ! J’allais oublier, on connaît les noms de ses trois premiers visiteurs, ce sont Mme Brunel ainsi que MM. Hillaire et Chauvet. Il paraîtrait même que leur première visite se serait limitée à celle des œuvres, mais, vous le savez bien, les gens sont mauvaises langues (2).


1 À prononcer lo ri nia sien (le prénom semble d’origine étrangère, mais c’est du français et cela se prononce comme du français)

2 Pour plus de renseignements sur les lieux, suivre le lien et, sur l’aurignacien, le lien