Retour aux billets

France 2015

Mûrissement au jardin

Par une magie analogue à la touche d’une baguette de fée, en m’atteignant, les rayons du soleil, commenceront bientôt à me parer des couleurs qui me rendront si attrayant. Solidement accroché, bien entouré de mes semblables, comme dans un cocon de verdure, je me sens bien, il reste au temps à parfaire son œuvre. Déjà, mes formes s’affinent, ma chair, en se gonflant, accentue le sillon de mes lèvres closes. De jour en jour, tandis que ma pulpe s’amollit et s’affine, mes couleurs vertes tournent au jaune avant de tirer sur l’orangé. Le moment est venu où je me complais à attirer le regard et à aiguiser la concupiscence des passants en me dodelinant tranquillement au gré de la brise. Le caractère éphémère de cet état m’engage à en jouir pleinement.

Ah ! J’allais oublier, je m’appelle Ab, un nom dont la forme trahit les origines. Elle m’aurait, dit-on, été attribuée à la suite d’un long périple dans le temps et dans l’espace depuis que certains de mes ancêtres ont quitté l’Asie centrale. Je ne partirai pas sans vous présenter quelques membres de ma famille. Un cousin, Ha, long et tout vert aime se balancer à l’ombre. Bien que nous ne nous rencontrions jamais, nous nous savons proches. Il arrivait même que nous nous fassions un bout de route ensemble sur le dos de ce pauvre Bour que, trop bruyant à notre goût, nous avions laissé au loin où il est en charge de portage.


Ab Ricot*


* peu avant de passer à l’état de crumble