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Cambodge 2016

Massage

Jeudi 20 octobre

Bangkok. 3 h 10, la montre sonne. Lumière, debout. 3 h 15, appel de la réception « Good morning », oui, good morning ! good mais tôt. Il fait nuit, bien sûr. Nous avons rangé tout ce qui pouvait l’être hier soir. Nous devons être avoir quitté la chambre ¼ h avant le départ et le départ, c’est 4 h, l’heure à laquelle nous devrions en théorie être à l’aéroport, mais… premièrement, pour un décollage à 6 h ½, il n’y a pas le feu et, deuxièmement, le premier départ de la navette est à 4 h. Évidemment, à cette heure-là, nous n’avons pas prévu le petit déjeuner à l’hôtel ; leur resto a beau afficher 24 h/24, nous avons bien fait, le cuisinier de nuit dort si profondément contre une table qu’il lui aurait fallu un peu de temps pour être prêt. 4 h moins 25, nous sommes en bas, à force de se dépêcher et de se préparer, on est efficace. La réception a ainsi tout le temps nécessaire pour aller vérifier que tout est laissé intact, leur liste de coûts en cas de détérioration qui fait un peu plus d’une page n’en omet aucune. La navette est un pick-up dont l’arrière couvert comporte deux banquettes longitudinales, nous sommes seuls, un peu à l’air libre mais, ici, l’air libre à 4 h du matin est à 29°, pas de souci, il est juste un peu plus « frais » que celui de la chambre.

Comme indiqué, à 4 h 20, nous sommes à l’aéroport où le chauffeur a le bon goût de nous déposer aux départs et non à leur espace aux arrivées. Nous avons vite fait de rejoindre l’espace d’enregistrement que nous avons repéré hier après-midi. Les bagages passent l’inspection avant leur dépôt. Ensuite, longue queue aux guichets 1 et presque personne aux 2. Le préposé aux 1 nous dit que ce n’est pas ici mais aux 2. Par prudence, nous nous séparons, je vais aux 2. Un préposé aux 1, deux aux 2, 1 pour la foule et 2 pour personne, nous ne sommes pas ici pour des commentaires. Aux 2, on est formel, ce n’est pas ici parce que nous sommes à moins de 2 h du départ, no comment non plus. Notre brève séparation est une réussite : la file a bien avancé et nous finissons par être les premiers pour être appelés à l’un des 8 ou 10 guichets 1. Réception cordiale de l’employée qui parvient à donner l’impression que nous sommes les premiers et qu’elle nous attendait. Peu à faire puisque tout a été réglé depuis près d’un mois par internet. D’ici, il faut évidemment aller au contrôle policier, pas de file d’attente, passeports, fini, nous voici dans la zone duty free. Un peu plus d’une heure d’attente inutile. Heureusement, le porte 24 est loin ce qui permet quelques allers-retours. Ensuite, visite des magasins et des kiosques. Les premiers se partagent entre l’international (parfums, alcools, bijoux…) et le local avec de jolis sachets de fruits exotiques séchés et des produits à l’identification moins aisée tandis que d’autres sont tournés vers la restauration simple, locale et appétissante. Le temps de bien observer, de renverser par inadvertance deux bocaux de je ne sais quoi séché et de déguster un banh bao et nous allons nous installer porte 24. Il n’y avait personne tout à l’heure, ce n’est pas la foule mais il y a du passage. Tout se met en place doucement. Au premier appel, on se lève mais seuls les prioritaires sont concernés. Une file s’est formée qui remonte bien plus loin que nos fauteuils, il va falloir resquiller, c’est facile, nous nous levons et prenons place là où nous sommes. Embarquement simple, sans bousculade. Nous sommes au rang 15 où nous nous trompons de côté.

Départ prévu à 6 h 30, à 6 h 20, l’avion est déjà en mouvement. La buée qui recouvre le hublot et le rend opaque va nous empêcher de profiter des premiers rayons de soleil. Par chance, vers 200 km/h, tout disparaît et nous décollons en admirant la campagne autour de Bangkok inondée de soleil sous un beau ciel bleu pur. Les constructions ont une organisation différente de chez nous avec la multiplication de couples de deux rues droites et bien parallèles dont l’espace qui les sépare est pris par des maisons en continu sur les rues et avec des jardins entre les deux rangées. Partout ailleurs, des champs ou des canaux. Au bilan, de longs rectangles construits entourés de verdure. Demi-tour au-dessus de la baie et cap à l’est. Pendant le vol, petite collation remise contre signature ; elle représente en effet un supplément librement choisi à l’achat des billets. Le temps reste beau et les nuages apparus plus bas sont loin de masquer tout le paysage.  À un moment, sur la gauche, apparaît le Tonlé Sap, très vaste lac qui se poursuit vers l’est par son déversoir du même nom. Là, surprise parce que, si l’on s’attend à une vraie rivière, on ne s’attend tout de même pas à une telle ampleur. De l’eau, de l’eau, de l’eau, tellement d’eau que son cours sinueux ne s’en détache que par sa continuité. Des routes devraient se détacher du plan d’eau, il ne commence à en apparaître qu’à l’approche du Mékong d’autant plus faciles à voir que l’avion a déjà amorcé sa descente. La rive est moins touchée par l’inondation que la plaine alentour ce qui facilite la perception du grand fleuve.

Atterrissage sans problème à Phnom Penh bien que la pose des roues manque de souplesse. Débarquement rapide et sans souci. Le contrôle policier est pratiquement réduit à la prise d’une photo, une coutume qui se répand. Petite pause pour changer un minimum, histoire de ne pas ne rien avoir en sortant et malgré un taux aéroportuaire assez défavorable, passage à la douane où il suffit de tendre le papier remis et complété dans l’avion et nous voici dehors. C’est décidément un aéroport miniature !

Dehors, deux choses, non, trois : trouver un coin tranquille sans rabatteurs, ils sont d’ailleurs peu insistants, puis trouver un plan et le tarif des tuk-tuk pour la ville avant d’acheter une carte SIM locale. Tout est facile mais c’est un peu le bazar aux kiosques de téléphonie. Il faut le reconnaître, nous ne sommes pas des clients bien intéressants avec notre vieux téléphone sur lequel les packages 3G-4G ou autres sont inopérants et pour lequel un forfait réduit suffit. Avant le départ pour les trois pays à visiter, nous avions établi nos préférences et, pour ici, au Cambodge, notre choix s’était porté sur Metfone. Nous avions sans doute bien choisi il y a foule à ce comptoir tandis que les autres, quasi vides, hèlent les clients potentiels à grands renforts de gestes et de tarifs hissés ou donnés. Nous finissons par aller chez les voisins qui nous équipent. Un point reste obscur, celui de savoir comment appeler l’étranger !

Selon le guide, pour se rendre en ville, les tuk-tuk sont moins chers que les taxis et les tuk-tuk de la rue moins chers que ceux de l’aéroport. Il ne reste donc plus qu’à aller à la rue, une rue presque normale, avec son trafic, pas de ces échangeurs autoroutiers qui ornent les autres aéroports. Est-il cependant possible d’aller jusque-là sans être repéré ? Non, bien sûr. Sitôt sorti, on est rattrapé par un chauffeur de tuk-tuk. Combien ? 9 $, c’est le tarif, cher mais ce tarif est écrit sur les papiers officiels. OK. Les bagages et nous embarquons sur le frêle esquif à l’assaut d’une circulation déjà vive. Nous ne connaissions que les tuk-tuk indiens, petits véhicules à trois roues dans le genre scooter triporteur d’antan mais avec des sièges transversaux et une place à l’avant pour le conducteur, de quoi prendre 4 personnes à l’aise bien que cela puisse aller jusqu’à une douzaine pour les ramassages scolaires par exemple. Si le principe des sièges est le même ici avec ses deux banquettes se faisant face, celui du véhicule est fort différent puisqu’il s’agit en fait d’une moto semi-remorque : le chauffeur est motocycliste sur sa moto sur l’arrière de la selle de laquelle un gros boulon retient la remorque pour les passagers. Nous avons vite fait de constater que la suspension arrière de la moto a été renforcée et que ce type de véhicule a été étendu à tous types de transports. Des motos sont ainsi attelées à des remorques énormes tout en longueur qui doivent prendre au moins une tonne de charge. En fait, de nombreuses remorques sont spécialisées. Toujours est-il que nous partons ainsi à la vitesse d’au moins 30 km/h dans la relative fraîcheur matinale. Petit à petit, les voies qui s’encombrent mènent à des bouchons qui laissent tout le temps pour détailler la circulation sans arriver, pour l’instant, à en saisir les éventuelles règles. Autre constat, soit il  n’y a pas de trottoir, soit il s’agit des rebords en terre de la route, soit ils sont encombrés des dépôts des magasins, ils sont donc difficiles à emprunter et, le moment venu, il faudra marcher dans la rue. Pour traverser, aucun doute, c’est comme en Inde, il suffit de se lancer, personne n’ayant bien entendu intérêt à bousculer ou à écraser un piéton. Pour éviter des bouchons, notre chauffeur ne cesse de tourner à droite et à gauche. Nous n’avons aucun repère puisque le plan de la ville ressemble au quadrillage d’un cahier et que ni la rivière, ni le fleuve ne sont visibles. Tout à coup, nous nous arrêtons pour de bon, nous sommes arrivés, garés devant l’hôtel où nous avons réservé pour les trois premières nuits. Comme nous le pressentions, le chauffeur n’a pas la monnaie sur 10 $ !

Tout sourire, deux jeunes femmes à la réception où tout se passe comme si nous étions attendus malgré le problème que nous leur posons puisque, attendus certes, mais pas si tôt. On ne nous en dit pas un mot et pas une ride n’apparaît sur leur front qui marquerait un souci. Tout sourire donc, on nous attribue une autre chambre. Nommée King avec deux grands lits doubles, elle doit être bien plus cher mais, là non plus, pas un mot, sourires. C’est au second. Escalier étroit et très pentu, nos bagages sont portés et, en plus, ce sont quatre escaliers qu’il faut escalader pour atteindre le deuxième étage.

La terrasse devant la chambre domine un carrefour animé où les flux d’écoulement d’un trafic à des moments intenses force l’admiration. Les arrêts sont rares, le débit baisse parfois, on se faufile où on peut. Sans exclure les tuk-tuk, les voitures, les camions ni les bus, l’essentiel du trafic est celui de scooters et de motos. Il est étonnant de constater que, par exemple, une moto dont le conducteur est au téléphone et les (au pluriel) passagers s’occupent d’autres choses arrive à traverser le flot perpendiculaire entre plusieurs autres sans ralentir ou de voir une écolière à scooter en train de retourner son sac à dos pour en extraire un livre sans plus ralentir… le spectacle est permanent et sans cesse renouvelé, un délice ! Le bruit est supportable puisque depuis la chambre, nous n’y prêtons pas attention. En face, des appartements moyens.

Il fait beau, frais sans doute pour le pays, déjà très chaud pour nous, nous partons après avoir demandé comment nous rendre à la rivière, à gauche au premier carrefour puis tout droit. Comme nous venons de le remarquer en route, l’espace sur les trottoirs est plus que réduit quand il n’est pas absent, il suffit de marcher sur la chaussée. Les niveaux 0 de chaque petit immeuble – 2 à 3 étages – sont occupés par des commerces et, à l’approche de la rivière, par des restaurants et des bars voire des magasins de souvenirs. Deux blocs plus loin, la rue débouche sur la large avenue qui longe la rivière. Entre la rive et la circulation, une très jolie allée avec son espace vert fleuri et planté de palmiers invite à la promenade. Nous nous laissons faire et partons à la découverte vers l’amont. Une vaste place, une pagode, nous verrons plus tard pour la visite. Plus loin, deux pirogues, des pêcheurs qui, au vu de l’installation, doivent vivre sur l’eau. L’une d’elles ayant accosté, nous allons voir. La pêche est loin d’être miraculeuse, les acheteurs sont peu nombreux et tout part rapidement. N’ayant pas l’intention de remonter jusqu’à la source, nous finissons par faire demi-tour et prenons la direction du confluent avec le Mékong qu’on aperçoit plus loin, derrière l’île. Nous  descendons toute la promenade ce qui conduit à passer devant le Palais royal et la Pagode d’argent, tous deux en retrait derrière une autre vaste place dont seule la partie boulevard que nous longeons est ouverte à la circulation. Nous allons voir et on a tôt fait de nous dire que c’est fermé et que cela ne rouvre qu’à 14 h 30 ce qui nous est égal puisque, ce matin, nous ne visitons rien. Une photo avec un des gardes, nous longeons le mur d’enceinte puis repartons en direction du rivage. De ce côté, hélas, seul subsiste le boulevard et rien ne reste de l’agréable allée que nous venons de suivre. Elle est remplacée par des bâtiments officiels et des hôtels luxueux qui laissent peu d’espoir d’aller se promener derrière.

Quoiqu’il en soit, nous sommes sur le pont depuis 3 h du matin, il est midi passé, il s’agirait de trouver un endroit où manger. Question délicate pour un premier repas, que choisir en effet tant l’offre est large et abondante entre la charrette-cuisine, les cantines… jusqu’aux restaurants plus ou moins chics dont les salles ouvrent largement sur le boulevard et la rivière et qui soit parfaitement compatible avec des estomacs du monde occidental aseptisé ? Aucune idée. Selon les lectures préalables, il semblerait que rien ne soit à éviter. Essayons le milieu de gamme, genre restaurant populaire mais assez bien installé. Nous en avons vu plusieurs en venant à la rivière, retournons-y. Pour faire plus simple, vu le plan de la ville, inutile de retourner à la même rue, prenons une parallèle puis une perpendiculaire. Cela conviendrait parfaitement si ce n’est que nous ne retrouvons pas la rue en question et que, pour pimenter la situation, j’ai oublié de prendre le GPS qui nous aurait redonné le chemin ! Pas grave, par ici les restaurants ne manquent pas non plus.

En voici un justement. Des tables de jardin avec des fauteuils en plastique rouge à cinq mètres de la rue, un coin sombre qui doit être la cuisine, des ventilateurs, parfait. Le tour de la carte est vite fait et la commande passée. L’attente commence, c’est un peu long ce qui est tout à la fois encourageant et inquiétant, encourageant parce que cela peut vouloir dire qu’il y a une réelle préparation et inquiétant en ce sens que s’il n’y avait pas d’avance c’est que les clients sont peu nombreux donc le débit peu important ce qui pose la question de la fraîcheur des denrées . Nous verrons. En attendant, c’est vrai que sans être la foule, nous ne sommes pas seuls. Les clients sont pour l’essentiel des hommes occidentaux aux cheveux blancs. Tiens, quelqu’un est passé derrière moi et commence à me masser la base du cou. Sans me retourner, je fais un geste et cela cesse aussitôt. Cela nous est parfois arrivé en Inde, dans la rue, ils commencent par prendre une main, parlant de bien-être, baratinent si l’on veut et, si on les laisse faire, cela finit par la demande d’un bakchich s’il n’y a pas un acolyte par derrière qui regarde dans le sac à dos ! Fin de l’incident, un bien grand mot d’ailleurs pour caractériser cette situation. Je n’ai pas cherché à savoir qui était passé derrière, plus intéressé par les va-et-vient, l’air du ventilateur tout proche et notre bouteille d’eau fraîche. Comme l’attente se prolonge, nous commençons à percevoir ce qui se trame ici. Un Occidental s’installe, parfois deux, commande une boisson, puis vient une Asiatique qui s’installe à son côté, boit quelque chose, repart et est remplacée par une autre ou reste. L’Occidental se laisse par exemple caresser la tignasse ou bavarde un peu, d’autres femmes passent à l’écart… Au vu et au su de tous, cela ne semble pas aller plus loin. Par contre, il arrive qu’un couple s’éloigne…

Qu’on se rassure, nous avons mangé, correctement, pour pas cher et nous sommes repartis ensemble comme nous étions arrivés ! Ce fait qui nous a paru patent par la suite nous a cependant ouvert les yeux alors que nous aurions mis du temps à le constater ou que nous serions complètement passés à côté dans ce quartier central au moins. Maintenant, nous voyons des Occidentaux retraités aux terrasses seuls ou à plusieurs, des hommes, aucune Occidentale, dans les rues ou au restaurant. Sur la promenade, la vue d’un Occidental aux cheveux blancs accompagné d’une jeune Asiatique que nous ne dirions pas mineure mais pas loin ne nous étonne plus, donnant à voir un type de vie qui nous échappe et qui pose la question de l’amour, de la dignité, de la solitude, de la vacuité…

Afin de ne pas en rester sur ce triste aspect des relations, je dirais que le reste de la journée a été tout à fait agréable et intéressant avec, tout d’abord, la visite du Palais, sa pagode et ses jardins très courus sur le plan touristique mais tellement dépaysant qu’il aurait été dommage de ne pas y aller. En ressortant de l’enceinte, nous apercevons du monde à l’autre bout de l’esplanade devant le Palais, allons voir. Un groupe de jeunes moines tout vêtus de leur fameuse tenue safran est en train de se prendre en photo avec des téléphones dernier cri haut de gamme, sans doute plus chers que ce que rapporte la mendicité quotidienne. Plus loin, des familles et des enfants jouent, des petites carrioles d’en-cas ou de ventes de jeux. C’est très joyeux et très vivant, les enfants qui courent au milieu des pigeons renforcent l’animation. Nous naviguons tranquillement dans ce gentil charivari lorsque tout à coup quelques grosses gouttes que dis-je d’énormes gouttes s’écrasent un peu partout comme une sorte d’alerte immédiatement comprise par la foule qui court se mettre à l’abri vers les quelques maisons et magasins, nous embarquant dans leur flot. Aucune attente, une belle pluie tropicale dont nous regardons le rideau depuis notre petit abri, l’avancée d’un toit au-dessus d’une entrée d’un garage hélas fermé. Un bel orage tropical à cette saison ne dure pas, les trombes d’eau sont remplacées par des gouttes « normales » qui vont en se raréfiant. Les foules se dispersent rapidement, quelques tuk-tuk qui ont repris leur service font le plein. Nous avançons en direction de l’hôtel mais juste après avoir tourné au coin de la place, la pluie reprend et c’est en courant que nous atteignons un abri déjà occupé par une dizaine de personnes. L’abri en question est une sorte d’auvent dépliable qu’utilisent les cafés et les restaurants pour protéger leurs clients des ardeurs du soleil ou de ce type de pluie. Une dizaine de mètres sur 2. Dépliable mais non déplié. Les roulettes du dispositif nous servent déjà à le déplacer pour mieux nous protéger au lieu d’abriter le mur le long duquel il a été remisé. Pourquoi ici d’ailleurs ? Pas de bar, pas de restaurant… l’heure n’est pas aux questions. Les quelques rafales de vent ont pour effet de soulever la bâche dont le contenu se déverse aux extrémités. Oh là ! Bon en arrière et tous rient.  On rit, certes, mais cette fois-ci, cela dure et dure. Par chance, nous sommes sur un trottoir, l’eau commence en effet à monter dans la rue. Nos voisins qui ont appelé des connaissances au secours partent en voiture. L’eau arrive maintenant au niveau supérieur de la partie inférieure des pneus de voiture, il faudrait le double pour arriver à nos pieds. L’ennui est que nous sommes cernés, un mur derrière, de l’eau partout ailleurs, il va falloir prendre une décision.

Un ou deux tuk-tuk sont passés, un signe de la main pour faire comprendre que nous ne ferons pas appel à leur service, et de toutes manières, comment l’attendrions-nous sans plonger les pieds dans le lac ? Finalement, un autre se présente auquel nous répondons positivement en lui montrant le lac qui nous sépare. Une savante manœuvre et il réussit à s’approcher de l’espace hors d’eau où nous nous trouvons, à un peu moins d’un mètre, juste ce qu’il faut pour atteindre son marchepied. Le chauffeur, entièrement revêtu de plastique transparent – sur ses vêtements, bien évidemment – avait dû prendre le soin de dérouler les rideaux étanches avant la pluie parce que l’intérieur est sec. Nous lui donnons le nom de l’hôtel, son air trahit de suite sa pensée mais il n’en dit rien, il est évident qu’il ne le connaît pas et comme nous ne pouvons lui indiquer parce qu’il ne parle pas anglais et que nous ne savons pas exactement par où passer, nous le laissons à ses interrogations. C’est donc sur un geste vague dans la bonne direction qu’il met les gaz. Il faut dire que nous sommes partis vite, sans le GPS donc, et surtout sans demander à la réception de nous écrire le nom et l’adresse de l’hôtel en khmer. Nous le saurons. En attendant, le geste a suffi pour le lancer sur une longue remontée à contre-sens d’un sens unique ce qui ne perturbe personne. Nous devons aller un peu loin par rapport à notre vague souvenir. Un signe pour aller à droite et hop ! Une autre rue, etc. jusqu’à ce qu’il demande à un collègue qui a dû le mettre sur la voie puisque l’hôtel arrive. Il voudrait 5 $ mais il ne faut pas exagérer, la course devrait être à 1, maximum 2 $. J’en tends 3 parce que ce n’est pas de sa faute s’il ne connaissait pas et que la course a été plus longue que nécessaire et puis, pour un peu à peine exagéré, ne nous a-t-il pas sauvé de la noyade ! À 3 $, il accepte tout de suite ce qui confirme mon sentiment qu’un ou deux au grand maximum devait suffire.

Longue et passionnante journée au final. La pluie a cessé, la nuit est tombée, tôt et brutalement, nous avons pu finir au resto au sec.