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France 2020

Confinement

Parti de confinement, me voici rendu dans mon enfance, nous y revenons tout de suite après. Le mot confinement, ou mieux, confiné se prête bien à un découpage par syllabe, je ne fais pas de dessin. Il n’en fallait pas plus pour que des images de sombres couloirs de voie du métro parisien se rappellent à mes souvenirs. Enfant, pendant un temps, nous avons habité dans la banlieue nord et, parfois, nous allions à Paris, pas en voiture bien sûr, il n’y en avait pas à la maison, non, en train. Jour de sortie, nous étions tous proprement vêtus et après un bus, nous allions attendre sagement le train, une belle et grosse locomotive à vapeur ne tardait guère à faire son entrée en gare et ma mère nous faisait reculer au maximum pour ne pas être salis. C’est sale, ça fume, ça sent mauvais, mais quel spectacle ! Et puis, à l’époque, le mot pollution n’avait même pas encore été inventé, alors autant profiter de cet instant magique de l’entrée du monstre avec ses cheminots noirs comme des mineurs et de son cortège de wagons ! Les paysages urbains défilent mais interdiction de toucher à la fenêtre ou aux parois, la couche de suie aurait sali nos vêtements. Après le train, que j’aurai le plaisir de reprendre au retour, le métro, ces vieilles caisses métalliques rouges ou vertes, bruyantes et brinquebalantes, aux banquettes de bois dures. Pas de fumée, pas de suie, une impression de propreté, j’ai le droit de coller mon nez sur la vitre. Station, voie souterraine, station, voie souterraine, etc. et, de temps en temps, des bandeaux publicitaires égrainent DUBO DUBON DUBONNET, peints sur le bas des voûtes noircies et illuminées par notre convoi lancé vers la station suivante au milieu de gerbes d’étincelles.

Je ne m’explique pas l’association avec le mot confiné. Toujours est-il qu’il a immédiatement déclenché CON CONFIT CONFINÉ. Autant la publicité pour l’apéritif avait-elle du sens autant mon invention en est dépourvue, mais elle sonne bien et me plaît. Nul besoin de plus de justification que je serais obligé d’inventer. Dans cette mesure, confiné passe ainsi par con et par confit.

CON (s. m. et adj.), mot d’usage courant. En règle générale mais non sans exception, il désigne ou caractérise une autre personne. La diversité des situations d’utilisation en fait un concept difficile à cerner, bien que chacun s’accorde sur son universalité, sa large répartition et ses multiples degrés. Le sujet est si vaste qu’il a fait l’objet d’études et de livres. Je n’ai pas cette prétention et, la tâche est trop importante pour prétendre en faire la tour dans un simple billet. Un autre point me gêne et me bloque : n’est-on pas toujours le con de quelqu’un ?

CONFIT (p. p., adj. et s. m.), un dictionnaire donne « Viande cuite et conservée dans sa propre graisse ». Avez-vous déjà regardé un bocal de confit de canard ? Oui, bien sûr, et vous avez dû vous surprendre à ne plus regarder les parties émergées de la viande, sa couleur, son éclat du même œil. Le regard devient gourmand et fait saliver. Les interrogations et les idées pour la cuisiner vous projettent dans le proche avenir où elle aura rejoint votre assiette. Si vous y prenez garde, vous devez déjà, et malgré le bocal, en humer le fumet. C’est puissant un confit !

CONFINÉ (p. p. et adj.), ce que nous sommes. L’impression est bizarre. Je ne suis pas à plaindre, l’espace est limité mais pas petit et il est ouvert sur l’extérieur. Il arrive que nous restions à la maison plusieurs jours et, pourtant, jamais nous n’avons eu la même impression d’enfermement. Cette étrangeté doit être due à une réduction de notre liberté, liberté qui doit avoir un caractère bien plus subjectif que je ne le supposais. L’idéal révolutionnaire de l’universelle liberté prend un vieux coup !

Alors, en attendant, préparez-vous des lasagnes au confit ou du confit sur un lit de petites pommes de terre grillées au four ou … et n’oubliez pas que dans le même ordre d’idée, on trouve aussi confire, ce n’est pas la saison, mais les fruits confits et les confitures se trouvent à toutes les périodes.

Imaginez, vous le savez, mais il existe des lieux officiels de confinement, les prisons et, réfléchissez bien, l’un de ces établissement s’appelle la Santé. Avait-on besoin de meilleure preuve ?