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France 2022

Le voyage 870008

Toulouse, gare de Matabiau, samedi 21 mai, environ 13 h 45

Le train Toulouse-Rodez est affiché, maintenant en première position, avec la mention « à l’heure », parfait sauf qu’il manque le numéro de quai. Le départ n’étant programmé que pour 14 h 11, pas d’urgence. De fait, peu avant 14 h,  le numéro 11 apparaît. Étonnant, la plus grande partie de la foule qui attendait les yeux rivés sur le tableau d’affichage s’ébranle sans tarder.

L’escalier puis le couloir d’accès sont aussitôt remplis, le pas est rapide. Une longue attente est palpable. Plus loin, le quai est vite plein, d’autant plus rapidement que la foule est dense et nombreuse et que de nombreuses barrières ont été installées pour fermer les accès souterrains réduisant ainsi l’espace disponible. Du côté droit, ce quai est le 11, le bon, du côté gauche, c’est le 10. Peu importe, c’est plein de bord à bord. Incertitude toutefois puisque nul ne semble savoir quelle sera la longueur du train pour l’instant invisible ni où il s’arrêtera.

Communication au haut-parleur : le train sera garé entre les limites ? et W. J’ai mal entendu et met plusieurs minutes avant de trouver un de ces repères, le V. Cela ne m’avance à rien. Peu de mouvement, la foule a dû se mettre à peu près où il fallait.

Cette foule est principalement constituée de jeunes. Nul besoin d’être devin pour penser qu’ils doivent être collégiens, lycéens ou étudiants et quittent Toulouse pour le week-end, des habitués. Presque tous ont un sac à dos, quelques-uns un sac un peu plus gros et, disséminés, quelques vélos retenus par leur propriétaire. D’autres futurs passagers sont là aussi, quelques familles par exemple, avec poussettes, bébés et matériel indispensable. Les inévitables portables qui servent d’ordinaire de refuge où s’isoler ont été rangés. Des oreillettes, d’autres bavardent un peu malgré l’incertitude sur l’emplacement des portes lorsque le train sera là et le fait que tous sentent qu’une partie seulement des personnes pourra monter à bord. Entre les conversations perce l’information que le train précédent a dû être annulé en raison d’un accident ce qui expliquerait le nombre de passagers pour celui-ci.

L’arrivée du train est haut-parlée avec quelques autres paroles dont la qualité du son de notre compagnie nationale ne permet pas de tout saisir. L’homogénéité géographique de cette qualité sur le territoire a ceci de remarquable que son étude permettrait peut-être de mieux réussir d’autres installations qui la requièrent.

Le train, deux voitures seulement, arrive, ralentit, s’immobilise sans que personne ne sache sans doute comment les voyageurs qui descendent y parviendront en raison de la croissance de la densité au bord du quai numéro 11. Je suis en retrait, à l’abri en quelque sorte, mais aussi plus éloigné d’une porte qui, quoi qu’on fasse n’arrivera pas à engloutir tous ceux qui s’y pressent. Le conducteur du train a ouvert sa fenêtre. Il vient voir le spectacle de haut. Comme aucune porte ne se trouve là, je m’enhardis à lui demander ce qui va advenir : une autre rame de deux voitures va arriver et sera couplée à la sienne.

Parfait, il est donc inutile de chercher à entrer ici, d’ailleurs, ça ne bouge plus, signe qu’il ne doit pas rester beaucoup de centimètres carrés libres à l’intérieur. Comme le quai s’est un peu dégagé, aucune difficulté pour aller un peu plus loin, là où viendra la rame suivante. Je ne suis pas seul mais, ici, la densité de la population n’a rien à voir avec la précédente.

Attente, un nouveau message des haut-parleurs annonce 10 minutes de retard.

Une rame arrive, identique à la première. Elle s’arrête, la conductrice en descend disant qu’elle ne peut laisser personne monter à bord tant que l’accouplement n’a pas été réalisé. L’affaire de quelques minutes. Ensuite, les portes s’ouvrent et c’est la ruée. Je ne suis pas dans les premiers mais trouve une place en montant, je ne vais pas chercher plus loin pour ne pas avoir la surprise de ne pas en trouver et que celle-ci soit alors occupée.

Il n’y a plus qu’à attendre le départ.  À ce moment, nous n’avons que 17 minutes de retard. La partie dans laquelle j’ai pris place est pleine, espace entre les portes compris. Je ne vois aucun voyageur debout, ce doit être différent dans la première rame.

Ici, les haut-parleurs ont un son plus clair que sur le quai. Après un premier message de bienvenue énumérant la longue liste des arrêts, en vient un autre précisant qu’en raison de l’accident le train devra parfois s’arrêter ou rouler au ralenti. Je commence à me demander si j’arriverai à temps au terminus pour sauter dans le bus. En théorie, j’aurais dû avoir 29 minutes. Moins 17, il n’en reste que 12. Il faudrait qu’il ne s’arrête pas trop et ne roule pas trop doucement, le bus suivant, c’est demain !

Premier arrêt à la sortie du tunnel de Castelmaurou, à droite de grands acacias, à gauche de grands acacias. Message, ne pas ouvrir les portes, ne pas descendre… Le train repart et passe le passage à niveau à très petite vitesse. Est-ce le lieu de l’accident ? Pas sûr puisqu’après avoir un peu repris de vitesse notre convoi ralentit à nouveau avant d’accélérer, etc. Quelques gares passent, le flux de passagers descendant de la première rame passe sous ma fenêtre pour rejoindre la sortie. Nouveaux ralentissements, nouvelles accélérations. Un voyage dont le rythme étrange n’est pas sans évoquer celui des bouchons roulants des périphériques, un rythme qui toutefois réduit les 12 minutes qui me restaient.

Message : la seconde rame, la mienne si on veut bien me pardonner cette appropriation, continuera seule après Carmaux. Aux gares suivantes, des passagers de la rame qui ne continuera pas viennent prendre des places ici. Nouveau message : recommandation est faite de ne pas changer de rame aux arrêts suivants parce que ces changements retardent les départs, le temps d’arrêt à Carmaux sera suffisant pour permettre les autres changements, temps d’arrêt qui réduira encore le reste des 12 minutes, ça va être de plus en plus difficile. À l’une des gares - il y en a plein, un vrai omnibus - le contrôleur s’arrête à mon niveau faute de pouvoir avancer. J’en profite pour lui demander si la correspondance à Rodez pourra être assurée. Il ne sait pas mais va demander. Nouvelle annonce pour savoir combien de personnes sont concernées par cette correspondance. Le contrôleur passe et compte. Plus loin, il vient me voir pour me dire qu’il a joint la gare de Rodez où personne ne sait et qu’ils vont appeler Toulouse pour savoir. J’apprends là que les bus SNCF comme celui que je dois prendre sont affrétés par la SNCF mais appartiennent à des entreprises privées dont il n’est pas certain qu’elles n’aient pas d’autres impératifs qui leur interdiraient de retarder leur départ, comme l’utilisation du même bus juste après son arrivée à destination. La situation se tend un peu pour moi. Je n’ose même pas lui demander combien de retard nous avons maintenant. À quoi bon ?

Carmaux, tout se passe comme prévu. Comme beaucoup de passagers sont descendus avant, notre rame prend sans difficulté ceux qui restent de l’autre. Je dispose de deux sièges, c’est commode pour les affaires.

Ensuite, les gares sont un peu plus espacées et, à certains moments, le train semble rouler normalement. Le contrôleur revient me dire que le bus attendra. Tout espoir n’est donc pas perdu. Luc-la-Primaube, onzième et avant-dernier arrêt avant le terminus, encore un message : 10 minutes d’attente ; la voie est unique, nous devons attendre l’arrivée d’un train venant de Rodez. Le bus attendra-t-il encore ? Le train attendu arrive avant les 10 minutes, le nôtre reprend sa route.
Peu avant Rodez, j’ai rassemblé mes affaires et je vais prendre place derrière la porte pour être le premier à sortir. Mon déplacement a pour effet de déclencher un mouvement analogue. Tant pis. J’avais un doute sur le côté de sortie, formidable, c’est le bon. Appui sur le bouton d’ouverture, remerciement rapide au contrôleur qui se trouve là et m’apprend que nous sommes cinq dans le même cas, je m’élance, fendant la foule qui s’écoule du reste du train pour atteindre le bout du bâtiment et voir, oh miracle ! que le bus est bien là-bas. La cour est vite traversée. Remerciement au chauffeur qui a attendu, plein de places libres. Nous partons…

Au total, je n’ai pas réussi à lire posément plus de quelques pages.