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Kirghizistan

Jeudi 26 juillet 2007, début d’après-midi, poste frontière tadjik de Kizil Art (nord du Pamir)

Le minibus kirghize attend, le guide kirghize est là aussi. Les démarches de sortie du territoire tadjik étant terminées, nous pouvons partir, en route…

La route commence par monter pour passer le col Kizil Art (4 280 m) qui sépare le Tadjikistan du Kirghizistan. Ensuite, toute la descente, défoncée et visiblement peu utilisée, a été gravement endommagée par les orages des derniers jours obligeant à plusieurs reprises notre chauffeur à des prouesses pour traverser des coulées de boue. La pente est raide, le paysage sauvage et nettement plus verdoyant que du côté tadjik. Les habitations sont rares. Les seuls « habitants » semblent être les marmottes qui courent de tous côtés et dont nous entendons les cris stridents.

Une heure plus tard et une trentaine de kilomètres plus loin, un peu avant d’arriver au poste frontière kirghize, un arrêt de quelques minutes à un endroit où la route a été complètement emportée est bien venu.

Le poste est grand et, en comparaison du poste tadjik, nettement mieux aménagé. L’attente commence : première barrière, palabres ; parking, palabres... Au bout d’un bon moment, nous apprenons que les visas ne sont pas là et que nous ne pouvons entrer dans le pays ! En fait, le guide kirghize aurait dû les avoir lorsqu’il est venu nous attendre au poste frontière tadjik. Que faire ? Au poste frontière, pas de téléphone, aucun moyen de contacter l’agence qui devait s’en occuper. Nous y sommes pour longtemps.

Le guide kirghize part en ville, à Sary Tash, pour se mettre en rapport avec les personnes compétentes et essayer de comprendre ce qui s’est passé. La ville n’est pas trop éloignée, de nouveau une trentaine de kilomètres, mais l’état de la route oblige à compter une heure, une heure pour aller et une heure pour le retour, un trajet qu’il fait dans la voiture d’un policier qui n’oublie pas de se faire payer. Au retour, les nouvelles ne sont pas bonnes. Seule consolation, il nous rapporte une thermos de thé chaud, des gâteaux et de la confiture.

Jeudi 26 juillet 2007, soirée

À un moment, les policiers décident de nous autoriser à aller passer la nuit à Sary Tash. Nous sommes bien évidemment accompagnés d’un militaire. Comme la halte à Sary Tash était prévue, deux pièces nous sont réservées, une pour les femmes, l’autre pour les hommes. Il fait déjà nuit noire lorsque nous découvrons les lieux et nous installons : repas dans une grande yourte, pour le lavabo, des robinets à l’extérieur, et, grand luxe, lumière dans les toilettes. Température fraîche, nous sommes encore à près de 3 000 m d’altitude, mais ce n’est guère important, la journée a été longue, l’incertitude fatigante et les épaisses couvertures fournies nous permettrons de passer une bonne nuit.

Vendredi 27 juillet 2007, matin

Le soleil est déjà levé, le ciel est clair, laissant voir vers le sud les monts Transalaï qui marquent la frontière avec le Tadjikistan. Le départ était prévu à 8 h. Le temps de prendre le petit déjeuner dans la yourte-salle à manger et nous sommes déjà en retard. Notre accompagnateur militaire s’impatiente modérément, nous laissant le temps de nous dégourdir les jambes dans quelques rues de la ville. Même si l’on peut voir quelques yourtes, les maisons sont bâties en dur, laissant pas mal d’espace entre elles. Pas d’arbre mais beaucoup de verdure ce qui frappe le plus après le séjour dans le Pamir.

Retour au poste frontière. Pendant ce temps le guide kirghize continue les démarches.

Journée du vendredi 27 juillet 2007

Là, nous sommes consignés dans le minibus, juste autorisés à nous rendre aux toilettes. Dommage, la journée est belle. Nous la passons à lire, jouer, bavarder, nous reposer de rien… Les allers et retours en ville de nos guides ne font rien avancer. Toute la matinée à attendre près du téléphone pour rien puisqu’il n’y a pas d’électricité ce matin-là par exemple. Le seul point positif de la situation est à l’avantage du policier propriétaire de la voiture puisque la situation lui rapporte ! Nous profitons de notre situation pour observer les activités du poste : corvée de désherbage pour les jeunes militaires, repas, va-et-vient, quelques véhicules qui passent. L’arrêt au poste est toujours assez long et, en marge des démarches, pour les Kirghizes comme pour les Tadjiks, les militaires prélèvent quelques litres de carburant dans les réservoirs !

En fin d’après-midi, le ciel s’obscurcit et un peu plus tard les premières gouttes commencent à tomber, d’abord très fines puis plus fournies. À la tombée de la nuit, la température dans le minibus n’est plus que de 10° et à l’extérieur, les flocons ont remplacé les gouttes. Bien sûr, la neige ne tient pas, ah ! mais si, elle commence à blanchir l’herbe.

Vendredi 27 juillet 2007, soir

La nuit est maintenant noire, il neige tient bien et les militaires viennent de nous autoriser à aller passer la nuit dans une maison d’hôtes non loin de là. Le minibus s’enfonce donc dans la nuit et les phares ne laissent rien percer de ce qui nous entoure, le regard ne perçoit que la neige qui tombe et tient maintenant partout, route comprise.

La maison, rustique, est tenue par une famille de cinq personnes, père, mère et trois enfants. Aucune communication n’est possible sans passer par nos guides, les adultes parlent kirghize et russe, les enfants kirghize seulement. La pièce d’entrée est grande et presque vide hormis le poêle et du bois ramassé on ne sait où, nous pouvons y déposer nos sacs. Une seconde pièce que le poêle hâtivement mis en marche commence à réchauffer nous est ouverte, nous nous y installons et c’est là que nous prenons nos repas et dormons. Les toilettes ? N’importe où dehors. L’eau ? Aux torrents qui coulent partout. Il ne fait pas un temps à traîner.

Ici encore, on étend des matelas par terre et les épaisses couvertures font oublier la neige qui continue à tomber.

Samedi 28 juillet 2007, matinée

Ce matin, surprise, il fait un temps radieux, le ciel est d’un beau bleu pur, sans un nuage. Les sommets, dont le plus haut de la région, le Pic Somoni au Tadjikistan, ancien point culminant de l’URSS qui le nommait alors Pic Communiste, commencent à être illuminés par les premiers rayons de soleil. Superbe !

Petit déjeuner et l’attente reprend. Nous ne retournons pas au poste frontière. Liberté – nous pouvons déambuler sur le tronçon de route et de part et d’autre, à moins d’un kilomètre au nord se trouve le poste, vers le sud la frontière tadjike, à l’est des escarpements dissuasifs et à l’ouest coule la rivière – liberté relative, mais liberté. Le paysage, la flore, l’activité à la maison avec la traite du troupeau de yacks, le barattage du lait, l’obtention de la crème et du beurre… ont du mal à nous faire oublier l’attente qui s’éternise.

Les allers et retours sur la route sont aussi l’occasion de rencontres improbables comme celle de ce couple de Néerlandais partis à l’assaut du Pamir en vélo et pickniquant avant d’attaquer la montée au col.

Samedi 28 juillet 2007, milieu de journée

Vers midi et demi, repas : les pâtes façon pilaf sont excellentes, crème fraîche et beurre frais sont au menu. Nous sommes une dizaine et la maison ne possède que cinq cuillers, mais l’altitude donne de l’appétit et, malgré notre problème, nos hôtes se donnent la peine de nous traiter au mieux !

Environ une heure plus tard, les yeux rouges, notre guide kirghize entre dans la pièce. Il a enfin les visas. Nous avons été retenus pendant une quarantaine d’heures, une expérience, sans doute, sans elle nous n’aurions pas connu cette maison, pas vu le lever de soleil… un peu longue toutefois.

Le guide avait les yeux rouges par manque de sommeil. Après nous avoir quitté, il s’est en effet rendu à un autre poste frontière avec la Tadjikistan où il devait rencontrer une personne venue de Dushanbe lui apporter un double des visas qui y avaient été émis. Ils s’y sont retrouvés, mais trop tard, le poste ferme le soir et ne rouvre que le lendemain. Une nuit à attendre, chacun de son côté de la frontière. Et cet autre poste n’est pas tout près.

Samedi 28 juillet 2007, fin de journée

À partir de là tout va vite, à la mesure du pays s’entend. Nous finissons notre repas avec les nouveaux venus, nous prenons congés et partons… pour le poste. On nous rend les passeports qu’on nous avait confisqué, nous passons tous les contrôles requis et partons. Nous sommes attendus à la frontière ouzbèke en fin de journée. Encore un petit arrêt à une yourte au fond de la vallée sur la route, avant Sary Tash, pour prendre une bouteille de lait de jument fermenté, un court arrêt à Sary Tash pour y déposer notre guide kirghize et nous voilà partis à pleine vitesse en direction d’Osh. Vu l’état de la chaussée et le relief, la pleine vitesse laisse le temps de regarder le paysage. Des paysages dans l’ensemble beaucoup plus verdoyants qu’au Tadjikistan, les montagnes ont elles aussi changé d’allure. Nous ne pouvons hélas pas nous arrêter, pas même pour visiter Osh et son fameux bazar.

Nous atteignons la frontière aux derniers rayons de soleil et n’en ressortons qu’à la nuit noire.