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Voyage de 2014

Semaine 1, France et Italie

Lundi 31 mars

route jusqu’à Die (photos)

10 h, nous sommes prêts, départ. Le temps est correct, partiellement ensoleillé, sans plus. La route, bien connue, est tranquille. Même dans la vallée du Rhône, le printemps est à peine perceptible. Sur les rives de la Drôme, aucune couleur ne pare les arbres. Juste après le centre-ville de Die, nous prenons place non loin de camping-cars installés dans l’herbe en bas d’un parking et partons faire un tour en ville. Le soleil est au rendez-vous. Nous avons une démarche à faire aujourd’hui, une des raisons de cet arrêt plus tôt que d’habitude. Il s’agit en effet de trouver une carte SIM pas trop désavantageuse pour téléphoner de l’étranger vers la France. L’autre raison est l’interdiction de passer la nuit au saut de la Drôme ce qui obligerait à aller plus loin comme nous l’avions fait il y a deux ans en partant.

Trouver une carte n’est pas difficile, la question est plutôt celle de son intérêt et de ses limites dans notre cas. Cette question demeure toujours aussi épineuse, les comparaisons étant rendues presque impossibles en raison de durées différentes ou de prix variables selon les pays. Il reste l’achat un peu au hasard en se disant qu’il n’est peut-être pas le pire. Nous sommes reçus et servis par un jeune homme à la fois sympathique et habile dans les manipulations techniques indissociables de ce type d’achat. Nous apprécions beaucoup qu’il prenne son temps pour que tout fonctionne pour le mieux. Nous ne trouvons hélas rien qui corresponde à la durée présumée de notre périple, durée que nous estimons à au moins trois mois, sans plus de précision. Pour un coût qui nous semble raisonnable, nous voici équipés d’une carte et d’un forfait limité mais intéressant pour les SMS à défaut de l’être pour les appels voix quel qu’en soit le sens. Nous passons le reste du temps à parcourir des rues du centre. La ville est un peu morte, nous sommes lundi, aucune zone scolaire n’est en congé et l’hiver a pris fin depuis peu. Nous ne connaissions pas cette partie de la ville, il faudrait y revenir aux beaux jours ou lorsque les arbres commencent à se parer de leurs couleurs d’automne.


Mardi 1er avril

passage des Alpes (photos)

Quelques voisins sont partis tôt. Le soleil est là lorsque nous prenons la route vers l’est. Bien que nous ne soyons pas repassés ici depuis le dernier voyage, cette route semble appartenir à la routine. Nous avançons donc tranquillement sans nous arrêter, nous contentant d’admirer les paysages et de voir les sommets enneigés approcher lentement. Ce n’est qu’au barrage de Serre-Ponçon que nous prenons un peu de temps, tout d’abord au pied du barrage et surtout ensuite au-dessus du bras qui correspond à la vallée de l’Ubaye. Le bleu du ciel a teinté le lac dans les mêmes tons, renforçant ainsi le contraste naturel de la découpe du plan d’eau sur les versants. Nous n’étions pas passés ici la fois précédente, il y a donc longtemps que nous ne sommes pas venus. Si la nature offre toujours les mêmes paysages, ceux-ci évoluent à leur rythme. Nous notons quelques traces de forte érosion due à des torrents ou, ailleurs, le développement de la forêt. Arrêt à Barcelonnette pour des achats et la recherche d’une loupe, un oubli. La ville que nous avions connue a bien changé avec la mise en place d’une zone piétonne bien plus agréable que la rue encombrée de voitures que nous connaissions. Le fond de montagnes enneigées des alentours donne beaucoup d’allure à de belles demeures. Il fait frais et les passants sont rares, pourtant, la balade est agréable.

La neige n’est pas loin, nous allons jusqu’au carrefour de la montée au col de Larche pour voir si la route est praticable avec un camping-car chargé et peu apte à monter sur route verglacée. Heureusement, la route construite sur l’adret de la vallée de l’Ubayette a bénéficié d’un ensoleillement suffisant pour que les engins de dégagement arrivent à maintenir une chaussée parfaitement libre et sèche. Les tas de neige dans le village de Larche ne manquent pourtant pas, la vallée du Lauzanier est d’un blanc immaculé et la route finit sa montée entre deux murs de neige. Nous atteignons le col sans difficulté. Le beau soleil clair sur la neige incite à traîner un peu pour profiter du spectacle.

La descente du côté italien est aussi facile que la montée bien que la vallée, plus resserrée, laisse moins de place au soleil. Nous passons les premiers villages et nous arrêtons à Pontebernardo à la recherche d’un emplacement pour la nuit. Il fait encore bien jour et même grand soleil, mais dans cette vallée, il ne tardera pas à se coucher et, nous le savons pas expérience, la vallée s’élargit ensuite assez rapidement, l’agriculture occupe beaucoup de place et les villages sont plus compacts. Premier arrêt juste après la superbe vue sur l’église, son clocher et les toitures couvertes de neige. Un espace, près de l’arrêt des bus, conviendrait si nous ne trouvons pas mieux. Il semble qu’un petit parking soit aménagé en bas du village, le mieux est d’aller voir. Effectivement. Bien que les places à l’horizontale soient rares dans le village, dans ce parking, à cet égard, celle du bas convient d’autant mieux qu’elle est plus longue. Nous ne sommes installés que depuis peu de temps lorsque le soleil plonge derrière la montagne. La température s’en ressent de suite, la nuit va être fraîche.


Mercredi 2 avril

Plaisance (photos)

Comme prévu, la nuit a été fraîche et calme. Nous quittons notre petit parking pour descendre la vallée. Le soleil qui n’est pas encore levé au fond de la vallée illumine déjà les crêtes. La rivière nous accompagne dans la descente, une descente assez rapide entre des montagnes qui limitent la portée de la vue et rapprochent singulièrement l’horizon. Encore un peu endormis, les villages se succèdent ensuite rapidement. Un peu plus bas, tout à coup, les montagnes s’ouvrent pour laisser place à la plaine, nous entrons dans Coni (Cuneo). Comme nous ne connaissons pas la ville et bien que nous souhaitions aller visiter Plaisance (Piacenza) aujourd’hui, nous allons essayer de trouver une place pour parcourir quelques avenues à défaut de plus. Au lieu de prendre le contournement, nous partons tout droit. L’avenue est large et rectiligne. De belle facture, les bâtiments qui la bordent donnent un ensemble harmonieux et une perspective agréable. Ce n’est hélas pas suffisant pour trouver une place sans s’aventurer dans d’autres rues. Nous nous contentons donc de descendre le Corso Nizza tranquillement en voiture et sans trop de regret dans la mesure où le temps reste gris. Par contre, il faudra prévoir d’y revenir ou, si nous repassions, de prendre le temps de nous arrêter. La suite n’est guère intéressante, une campagne sans relief, une nature encore au point mort et un ciel qui ne parvient pas à se dégager. Ce n’est guère que dans l’après-midi qu’arrivent les premiers rayons de soleil. À l’approche de Plaisance, le ciel a eu le temps de bleuir. L’entrée en ville presqu’au début de l’après-midi ne pose aucun problème. Des places sont libres un peu partout, nous prenons sur la gauche avant d’entrer dans la vieille ville, commençons par nous garer le long d’un trottoir avant de constater que la rue se termine par un grand parking. Il est grand, mais pas loin d’être complet. Il est « géré » par une équipe de noirs. Le premier à venir nous conseille d’aller prendre place un peu plus loin parce que c’est gratuit, puis il aide à la manœuvre. Nous parlons un moment avec lui. L’équipe est constituée de jeunes immigrants africains qui parlent anglais et sans doute un peu italien. Nous ne posons pas la question de leur statut. Comme beaucoup en ce moment, ils ont rêvé d’une vie meilleure et ont tenté l’aventure. Pour l’instant, elle n’est pas terminée, ils restent satisfaits malgré leur sort peu enviable. Cela ne les empêche pas de continuer à rêver. L’un d’eux parle français couramment, c’est avec lui que nous en apprenons le plus. Lui se voit footballeur dans une équipe importante. Quel tremplin peut faire passer de gardien improvisé de parking à un contrat de footballeur ? Content de rencontrer des gens qui parlent français et qui l’écoutent, il aurait sans doute volontiers passé tout l’après-midi à cela, nous devons écourter un peu. Pas de souci pour le camping-car, il y veillera très certainement.


Jeudi 3 avril

aventures à Parme (photos)

Aujourd’hui, lever plus tôt que les jours précédents. Il s’agit en effet d’arriver à Parme pas trop tard pour que le stationnement ne relève pas du parcours du combattant. En attendant, le parking est calme et presque vide. Le jour se lève à notre départ, l’un de « nos » Sénégalais nous fait des grands signes d’adieu, les autres ne sont pas encore arrivés.

Le ciel est maussade mais le temps est sec. Bien que la recherche de l’issue à la sortie d’une ville ne soit pas toujours simple, la vitesse à cette heure de circulation intense laisse le temps de prendre des décisions aux carrefours et aux ronds-points. Nous poursuivons sur la trace romaine de la Via Emilia. En route, arrêt à Fidenza où nous avons le culot d’entrer jusqu’au centre - c’est parfois risqué en camping-car pour des raisons de gabarit inadapté à celui des rues - mais, ici, tout va si bien que nous y trouvons même une place de stationnement si rapidement que ce n’est pas encore l’heure de payer et que nous pouvons partir à la recherche de la cathédrale. La vue d’un clocher au bout de la rue nous amène à une église, certes, mais pas la bonne. En prenant une rue parallèle en sens inverse, des panneaux touristiques indicateurs montrent que le choix est bon. Le centre piéton est agréable, on s’y promène déjà, des magasins ont ouvert leur porte, dommage que le gris uniforme du ciel contrarie le tableau, non que ce soit joli, mais c’est agréable et vivant. Bon ! La cathédrale, la voici, l’abside se profile au bout d’une ruelle. Beau bâtiment de briques. Vu du côté de l’abside, pas de portail ; il est là, sur la façade ouest. Effectivement, le guide nous avait prévenus, un élégant portail et un fronton supporté par deux fines colonnes dressées sur le dos de deux lions couchés décorent cette façade. Coup d’œil à l’intérieur, juste par curiosité et pour pouvoir se dire que ce n’était pas indispensable ! Au retour, petit arrêt dans une boulangerie, elle n’est pas la première à attirer notre attention et notre manque d’enthousiasme dû à la pâleur des pains exposés mais, d’une part, il faut bien goûter et, d’autre part, tous ne sont pas pâles à cette enseigne, et puis, tout frais… Le choix se porte sur une boule aux céréales appétissante à défaut d’être dépaysante. Nous ne traînons pas, l’heure de payer au parcmètre approche et il reste quelques kilomètres.

La route est un peu moins chargée et le ciel qui s’éclaircit progressivement ne laisse toujours ni passer de rayon de soleil ni entrevoir de trouée bleue. C’est donc sans encombre que nous parvenons en proche banlieue de Parme et, là, comme ailleurs, contournement autoroutier oblige, nous sommes happés par le flux. De deux choses l’une : ou bien la sortie pour le centre est indiquée, cela arrive, ou bien nous en prenons une au hasard, plus ou moins inspirés par l’orientation ou simplement parce que son numéro nous convient et allons chercher les précieuses indications plus loin. Ici, c’est indiqué, parfait, il suffit de suivre jusqu’à ce que les indications disparaissent signifiant que nous y sommes, supposition renforcée par la présence de nombreuses rues moins larges interdites à la circulation. Une parenthèse à ce sujet : une rue interdite à la circulation est une rue à l’entrée de laquelle se dresse un panneau rond et blanc bordé de rouge, toute personne qui a un jour passé le permis le connaît. Ces rues ne se reconnaissent absolument pas à l’absence de circulation, du moins dans cette région. Un secteur piéton dûment identifié est un secteur où se trouvent des piétons qui, s’ils souhaitent traverser, prennent les précautions d’usage. Bref, nous y sommes. C’est amusant parce que, si nous savons que nous sommes sans doute assez proches du centre historique, nous n’avons aucune idée de notre position par rapport à celui-ci ni de son éloignement. Arrêt le long d’un grand parc, un bon indice pour Parme, il y a des chances pour que ce soit le Parco Ducale. Le parking est payant, pas trop cher, et les places libres ne manquent pas. Il reste à savoir si c’est bien ce parc et, si oui, sur lequel de ses quatre côtés nous nous trouvons. C’est facile, il suffit, comme d’habitude, de descendre de la voiture avec notre mini-plan sur le guide et d’attendre un piéton plutôt jeune dans l’espoir qu’il ne parle pas qu’italien. Cheveux mi-longs d’un parallélisme absolu, voici une jeune femme bien mise, tout de noir vêtue hormis un fin liseré rouge – du rouge et du noir, à Parme, un signe –, de grandes lunettes dégradées du noir au transparent, beaucoup de recherche. Un peu surprise lorsque je l’aborde pour lui demander si elle parle anglais, elle répond « un peu ». Bilan de notre entretien boîteux, nous sommes bien placés, ce jardin est bien celui que nous pensions et nous savons maintenant sur quel côté nous sommes ; deux possibilités pour rejoindre le centre à pied, dix minutes selon elle, passer par le jardin ou par l’avenue parallèle, la première étant plus agréable, puis la rivière et, sur l’autre rive, la vieille ville. Merci, un de la demi-douzaine de mots que je connais dans cette langue chantante, et elle repart aussi fièrement. Je rentre dans la voiture et la voici qui revient ! Elle a oublié quelque chose d’important et qui dépasse un peu ses connaissances d’anglais mais que des gestes en remplacement des mots manquants aident à comprendre : il ne faut surtout pas entrer en ville au risque de déclencher un flash qui aboutira à une contravention. Et, contente d’elle, elle finit en me faisant une tape sur le bras.

Si intrigants
Parce qu’absents
À jamais ses yeux demeureront embrumés
Par l’écran de ses lunettes à demi fumées.

Tout va bien, il reste à nous préparer, payer le parking, fermer et c’est parti.

Nous choisissons l’avenue pour son animation et ses magasins. Au bout de l’avenue, un pont enjambe la rivière. Une information à ce sujet : la petite rivière s’appelle Parme aussi. Elle aurait donné son nom à la ville à moins que ce ne soit le contraire. Après le pont commence la ville ancienne, nous y pénétrons au hasard, tout droit, sage décision puisqu’arrivés sur une grande place, nous découvrons le bureau d’informations touristiques et qu’à partir de là nous saurons ce que nous voyons et où aller. Ici, des panneaux établissent une subtile distinction établie entre les zones piétonnes (area pedonale) et les zones d’accès limité (zona traffico limitado), la réalité est moins subtile et ressemble plus aux observations générales évoquées plus haut. Les rues, bien achalandées, bordées de magasins, sont remplacées par des murs plus austères et la foule a changé de physionomie avec de très nombreux groupes scolaires au milieu desquels naviguent des touristes. De beaux bâtiments et des visites intéressantes, la cathédrale et le Baptistère ; derrière la cathédrale, l’église Saint-Jean-l’Évangéliste est ouverte, au contraire des cloîtres fermés sans explication. Nous parcourons ensuite quelques rues commerçantes sans autre but que d’aller par où bon nous semble jusqu’à la Madonna delle Steccata puis, surtout, au Palazzo della Pilotta. Côté ville, cette haute bâtisse en briques percée de peu d’ouvertures pourrait être une prison. Par ici, de nombreux noirs essaient de vendre des lunettes de soleil, de petits bracelets, des colliers ou des ceintures aux touristes. Nous souhaitons visiter le palais pour les trésors qu’il renferme, le Théâtre Farnese et la Galerie nationale. Le premier est une construction admirable tout en bois. Datant du XVIIe siècle, il est inspiré de celui de Vicence que nous avions vu il y a maintenant bien longtemps. La galerie, quant à elle, fait la part belle aux artistes locaux, il en est de célèbres comme le Corrège (Antonio Allegri, 1489-1534) et le Parmesan (Francesco Mazzola, 1503-1540) qui ne se sont pas contentés de grandes fresques dans les églises visitées. À nos yeux, tout est digne d’intérêt et d’attention, nous y prenons notre temps d’autant plus qu’au moment du départ, j’étais dans la lecture d’un livre sur l’histoire de la perspective et que je trouve, ici en vrai, des exemples de recherches de représentations en perspective ou des exemples de perspectives partielles. Sortie du palais du côté de la rivière. Un pont la traverse et donne directement sur l’entrée principale du parc. Les pelouses sont uniformément couvertes de pâquerettes et le frêle feuillage de printemps des grands arbres atténue le soleil qui brille, oui, le printemps est bien arrivé et il fait bon traverser le vaste poumon vert de la cité. Sur le lac, nagent toutes sortes d’oiseaux aquatiques, des petits canards colorés aux grosses oies marron. Nous approchons puisqu’au-dessus du mur le toit du camping-car dépasse. Un petit crochet par l’épicerie pour acheter de grosses oranges juteuses et nous rentrons.

Le moment est venu de dire que, si Parme était bien connue pour son jambon, son fromage et le fameux peintre depuis longtemps et à juste titre, bien connue aussi pour le séjour qu’y fit Stendhal, elle ne l’était pas, du moins n’était-ce pas parvenu jusqu’à nos oreilles, pour ses vols et pourtant ! Tiens, nous avions tiré les rideaux ? Nous n’en avons pas l’habitude. Eh bien, oui, quelqu’un est passé qui a tout mis en désordre, les lits sont défaits, des affaires ont été sorties des placards. Oh, tiens ! La porte du chauffeur n’est pas fermée à clé. Tour de la voiture pour constater que cette serrure est un peu de travers et que la clé n’y entre plus. Au second essai, elle ferme à clé de l’intérieur, mais la poignée d’ouverture a du mal à fonctionner. Au moins, nous pouvons fermer et sortir ou entrer par une autre porte, tout n’est pas désespéré. Le voleur a dû passer très peu de temps à l’intérieur, juste ce qu’il faut pour explorer sous les matelas, dans les placards et les tiroirs. Il ne semble même pas avoir soulevé les coussins ni les trappes du double plancher. Reste à savoir ce qui manque et, avant, faut-il remettre en place ou la police doit-elle dresser un constat ? Les surprises se succèdent : il manque un sac à dos dans la penderie, et, pourtant, nous en avions l’expérience, hélas, il ne faut pas faciliter ou accélérer le travail du voleur donc ne laisser aucun sac. Aucun doute, il a pris le sac et l’a rempli de n’importe quoi de facile, des vêtements, là aussi erreur, nous avons tendance à emballer pour éviter la poussière lors d’un long voyage, à éviter. Ayant en vue un voyage au long cours, nous avons pris des affaires et des affaires, nous n’en avons aucune liste et n’arrivons pas à savoir ce qui manque à part le contenu des sacs manquant.

Que faire ? Je reste à l’extérieur, nous sommes sur une contre-allée d’une rue très passante, il finira bien par passer des policiers. De fait, cela ne fait pas dix minutes que je suis là et je vois une voiture de police arriver. Je fais signe, ils s’arrêtent, un jeune homme d’une stature impressionnante et une jeune femme. Il fallait s’y attendre, ils ne parlent qu’italien mais le policier a la solution, il sort son téléphone et je m’attends à communiquer avec une personne qui parle une autre langue, mais je suis naïf en matière de technologie : il me demande de parler, donc dire ce qui a motivé le fait de les arrêter, et il lit ensuite la traduction en italien, je ne savais même pas que c’était possible. Et voilà, maintenant, ils savent, sortent de la voiture et viennent voir. Ils terminent en parlant à leur téléphone en italien puis en me le tendant pour lire la traduction en français. Ce n’est pas de leur ressort, ils sont policiers municipaux et je dois m’adresser aux carabiniers. Utilisation imprévue du plan de l’Office du tourisme, c’est à l’autre bout du parc. Avant qu’ils s’en aillent, je leur demande « Fiat? » en faisant un mouvement avec la clé et ils nous montrent où trouver le lieu sur le plan. Belle efficacité. Poignée de mains et ils repartent. Je prends mes papiers et ceux du camping-car en plus du plan bien sûr et retraverse le parc en sens inverse. La caserne des carabiniers est à l’endroit indiqué. Au bureau d’accueil, ce sont des personnes qui attendent qui m’ouvrent. Le préposé, grand, fin et élégant dans son bel uniforme ne tarde pas. Je lui demande s’il parle français, allemand, anglais ou espagnol, non, italien, mais n’ayant pas progressé dans cette langue dans le domaine du vol vu l’organisation des échanges avec les policiers, je dois faire une tête qui incite à faire quelque chose. Il me fait signe de venir près de l’autre porte en verre qu’il ouvre de l’intérieur pour m’inviter à entrer puis referme. Il parle un peu anglais mais devait avoir honte devant d’autres personnes ! C’est suffisant. Il me demande de retourner dans l’entrée et d’y attendre, comme les autres. Je me dis qu’il n’est pas encore 2 h et qu’à cette heure-là, la personne qu’il faut sera présente. Il disparaît. En l’attendant, j’observe le petit crucifix placé en haut à droite de la vitre, un petit crucifix comme il en existait lorsque j’étais enfant, une croix de bois clair auquel l’âge a donné quelque teinte, un Christ blanc ivoire dont la pâleur est telle qu’elle en arrive presque à effacer les traits et, au-dessus de sa tête, le traditionnel panneau INRI. Pour être bien placé au-dessus des personnes et de la vitre, il a été accroché à une hauteur à laquelle le nettoyage le soustrait, les fils de toile d’araignée noircis de poussière tirés entre sa main gauche et la couronne d’épines en sont la preuve. Lorsque le préposé revient, il me demande d’approcher. Par la fente de l’épaisse vitre blindée, il fait passer un formulaire et montre un stylo qui attend sur le petit comptoir. Quatre pages multilingues de déclaration. C’est simple à l’exception de l’objet du vol que je saisis mal encore et du coût des objets dérobés. Une fois complété, retour de l’autre côté de la vitre avec ma carte d’identité pour la quatrième page. Il part, sans doute pour faire viser le tout à une autorité, revient, tamponne le visa et me rend le tout en me faisant comprendre que c’est fini, je peux partir. Merci. Retour par l’avenue de l’autre côté du parc qui ne présente aucun intérêt.

Rangement rapide, nous avalons une tranche de pain et partons au plus vite au garage. L’atteindre même en sachant où il se trouve n’est pas facile, à un moment, il est impossible de ne pas se laisser embarquer sur une bretelle de raccordement à l’autoroute de contournement. Il suffit de ressortir à la suivante et, de fait, cela marche ! Nous tombons sur la Via Emilia, sans doute pas loin du garage. À droite ou à gauche ? La décision à prendre est d’autant plus urgente que nous ne sommes pas seuls. À droite. En quelques kilomètres les enseignes de bon nombre de constructeurs automobiles se succèdent, mais pas de Fiat. Demi-tour. Fiat n’était pas loin, un grand établissement. J’entre. Premier hall d’exposition, personne et pas de trace d’atelier. Deuxième de même. Troisième, toujours aussi grand, des personnes regardent des voitures d’occasion, ce sont manifestement des clients potentiels, et toujours rien qui ressemble à un atelier, puis enfin quelqu’un qui vient du fond, heureusement, c’était le dernier hall et je n’aurais pas su où aller. Il parle français. Cela facilite les explications au demeurant simples : je cherche à faire réparer une serrure cassée, cela ne nécessite, à la limite, même pas de parler la langue. Je ne suis pas au bon endroit, je m’en doutais. Nous ressortons, l’atelier est un autre bâtiment et il faut que je vienne avec le camping-car. Ici, on ne parle qu’italien mais le problème leur a été transmis. Il semblerait que la solution soit délicate puisqu’on nous explique qu’il faut attendre la venue de quelqu’un qui parle anglais. Cela ne dure pas plus d’un quart d’heure. C’est compliqué : chez Fiat, l’ensemble démarreur-serrure est codé et le changement de l’un de ces éléments implique d’en faire la demande à Fiat et de changer tous les autres. La démarche prend trois à quatre jours. Nous sommes jeudi après-midi, cela amène donc à mardi ou mercredi. La pose n’est pas longue. Tout ceci veut dire que si nous entreprenons la démarche, il faudra rester pas trop loin et revenir. Que faire ? Nous ne voyons pas. Pas trop loin, c’est par exemple entre ici et la mer du côté de Rimini ce qui finit par faire de la route ou bien du côté de Florence mais la Toscane vaut un voyage à elle seule, pas une simple incursion pour tuer le temps. Nous décidons finalement d’avancer un peu en direction de Bologne, mieux placée pour cela tout en ayant conscience que la recherche du bon garage Fiat dans une aussi grande ville risque d’être plus problématique.

Nous partons donc et tout d’abord en arrière d’un petit kilomètre parce qu’un panneau indiquait une aire pour camping-cars. C’est fermé, le parking voisin, très grand, est entièrement occupé par les camions et caravanes d’un cirque ambulant et le tout est sale. En route, sans regret. Nous passons Reggio nell’Emilia et nombre de villages donc certains avec des parkings qui pourraient convenir. Nous ne sommes pas difficiles, il suffit d’un endroit plat et propre qui donne l’impression de n’être ni bruyant ni mal fréquenté, à la limite ou dans un quartier résidentiel… ce n’est pas le mouton à cinq pattes et, d’ailleurs, nous ne nous précipitons pas sur le premier qui vienne. Pas bruyant signifie évidemment pas au bord de la route, nous cherchons par conséquent l’inspiration de vue dans les rues qui y débouchent. À un moment, il s’en présente un à 100 ou 200 m, campagne d’un côté, pavillons cossus de l’autre. En voir un, c’est bien mais c’est toujours trop tard et il faut aller faire demi-tour plus loin et revenir. Nous sommes peut-être les champions du monde dans la construction de ronds-points, les Italiens doivent nous talonner de près. Allons au suivant, et, comme un fait exprès, il n’en vient pas et nous continuons. Plus loin, dans Rubiera, nous partons à l’aventure par une rue. Sur la droite, des entrepôts sans activité notoire, sur la gauche, des maisons impeccables à trois étages et, tout à coup, un parking. C’est là ! La place est suffisante pour 50 à 100 voitures et elles ne sont que quatre. L’herbe des terre-pleins n’a pas encore été coupée. Nous nous installons et observons. L’usine, au bout, n’a pas d’entrée de ce côté-ci. Devant, comme c’est amusant, c’est le commissariat du village, ce devrait être tranquille. Derrière, aucun mouvement et des allées nous séparent de la rue. Un curieux manège nous intrigue. Une sorte de kiosque, apparemment ouvert sur le côté opposé, semble attirer du monde. On y vient en voiture, en vélo, à pied avec une poussette ou un landau, on y reste un peu et on repart. De quoi peut-il bien s’agir ? Un seul moyen pour le savoir, aller voir. Trois robinets automatiques délivrent d’une eau que l’on vient chercher avec par casiers entiers de bouteilles en plastique vides. À l’un d’eux elle est gazeuse. La source doit être renommée pour alimenter ce va-et-vient incessant qui ne prend fin que tard le soir. Une nuit d’un calme profond illuminée par les lampadaires du parking.

Vendredi 4 avril

au garage et route jusqu’à Ravenne (photos)

Il s’agit de partir assez tôt pour trouver le garage que nous avons repéré dans le guide Fiat du camping-car et grossièrement repéré sur le plan d’ensemble de Bologne (Bologna) qui se trouve en cartouche sur la carte. La circulation est aussi dense qu’hier. Le temps gris des matins précédents s’est assombri, la pluie est intermittente et le vent s’est levé. C’est dire si l’ensemble est agréable et donne envie de chercher un garage dans la banlieue proche d’une grande ville ! Bien entendu, nous sommes à plusieurs reprises détournés de la voie romaine rectiligne pour prendre des contournements que nous quittons immédiatement afin de reprendre une transversale qui y ramène avec, à chaque fois, le retour en arrière indispensable pour s’assurer d’avoir tout parcouru. Cette méthode est la bonne, puisque nous tombons assez rapidement sur l’établissement recherché. Ce n’est pas une grande concession… allons voir. D’ailleurs, inutile d’entrer, je contourne l’établissement et me rends directement à l’atelier, à l’arrière. À la réception, l’employé est occupé avec l’une des personnes qui attendent. À mon tour, je lui pose la question habituelle sur les langues et perçois dans sa réponse quelque chose comme solo italiano, sur quoi il me désigne le sofa et me fait signe d’attendre avant de s’occuper la personne suivante. Ici, l’attente est de courte durée, un mécanicien arrive et s’adresse à moi en anglais. Entre temps, il s’est mis à pleuvoir sérieusement. Constat et verdict : ils ne peuvent pas le faire. Je demande de nous indiquer une concession plus importante où ce serait possible, mais demander un concurrent est demander l’impossible, une autre solution doit être trouvée ! La recherche se passe au téléphone et dure. On s’inquiète de mon assurance, il s’agit d’une autre entreprise… cela reste vague tant que l’on ne nous a rien expliqué. Quelqu’un d’une entreprise partenaire va venir, il a des personnes compétentes pour réparer une serrure, il prendra des photos de la serrure cassée pour l’assurance, d’où leurs inquiétudes de tout à l’heure, et fera le nécessaire.

Dix minutes plus tard, il pleut toujours et il est là. Jeune, cheveux longs touffus, sympathique et parlant français, il est venu avec un technicien. Coup d’œil à la serrure, c’est bon, nous les suivons. Pendant un temps, au garage, ils avaient entrepris de m’expliquer comment y aller, heureusement qu’ils n’ont pas poursuivi dans cette voie, il avait dit au troisième feu à gauche et c’est à droite au quatrième ! Je n’avais même pas retenu la suite ni même s’il y avait une suite, cela aurait été autrement plus compliqué. Avec un guide, peu importe qu’il pleuve, aucun problème. Nous arrivons à un grand atelier, celui d’un carrossier, c’est écrit en gros. Trois personnes en plus des deux qui sont venues y travaillent. Deux peaufinent des reprises sur des voitures assez haut de gamme et le troisième, un petit homme plus âgé en blouse grise a une tâche mal définie. On nous annonce cinquante euros plus la TVA pour laquelle les Italiens ont une longueur d’avance sur nous avec leurs vingt-deux pour cent. D’accord ! Je comptais quatre à six cents euros pour le changement complet. Le démontage, la rectification de la carrosserie autour de la serrure et la minutie du travail dans la serrure prennent plus de temps que prévu, il va être midi et ils se dépêchent pour terminer avant. Pendant ce temps, nous n’avons pas grand-chose à faire, impossible d’aller faire un tour, il pleut sans arrêt. Nous restons donc là à observer sans déranger. Beaucoup de minutie et professionnalisme accompagnent leurs gestes à toutes les étapes. Au bout du compte, la facture est de 85,40 euros TVA comprise ce qui est tout à fait correct ; la serrure refonctionne comme avant. Au passage, nous avons appris que l’homme plus âgé est le père de celui qui est venu nous chercher et que ce dernier attend avec impatience les vacances de printemps pour partir en famille avec son camping-car en direction de la Bosnie. À midi cinq, nous avons salué tout le monde et sommes dehors. Dans ce quartier un quart résidentiel et trois-quarts en ateliers, nous prenons une fois à gauche, une fois à droite puis encore une fois chaque avant de trouver un espace vide, un terrain de sport dont l’herbe a tellement cru qu’il ressemble à un pré. Ce sera notre paysage pour la pause de midi, la sono est assurée par la pluie sur le toit. Cette réparation rapide modifie encore une fois nos vues pour les jours à venir. Lorsque j’ai demandé s’il y avait, à Bologne, un parking sûr pour la visite, la moue du patron aurait suffi pour que nous comprenions sans qu’il ait besoin d’ajouter que Bologne était devenue Naples !

Décision rapide : cap à l’est pour aller visiter Ravenne (Ravenna). Le temps s’améliore, au point où nous en étions, il ne pouvait en être autrement. Les grandes lignes bien droites entrecoupées de virages serrés à 90° qu’aucun relief n’explique rendent la route de Bologne à Ravenne bizarre. Des canaux ou d’anciens canaux, des propriétés ? Peu à faire, peu à voir par ici. La nécessité de remplacer une partie des objets volés, le temps encore incertain et l’éloignement de Ravenne nous incitent à nous arrêter dans un bazar, aucun autre nom ne caractériserait mieux le supermarché de Bagnacavallo, des vêtements bon marché, des fleurs en matière plastique, des valises quelconques, de la papeterie ordinaire, des babioles, etc, en un mot, du bazar. Ce n’est guère satisfaisant, au moins, c’est original et il y avait longtemps que nous n’avions rien vu de tel, c’est déjà ça ! À Ravenne, nous tournons un peu pour nous rendre compte des lieux avant de déboucher sur une vaste place où des installations et des emplacements sont réservés aux camping-cars. Il s’en trouve un aux installations techniques, vite ! Le chauffeur parle anglais. LA question est de savoir si le lieu est sûr et tranquille. Sans problème, ils viennent d’y passer vingt-quatre heures et tout s’est bien déroulé, les centres d’intérêt sont proches, à une dizaine de minutes, on peut y aller ou par la rue, tout droit, ou par le chemin parallèle à éviter toutefois la nuit parce qu’il est mal éclairé et, n’en ayant plus besoin, ils nous donnent leur mini plan. La place est plutôt propre, mais vide ce qui a motivé nos questions, l’expérience incite à la prudence !

Sans perdre de temps, nous prenons place non loin du kiosque-casse-croûte, payons et partons visiter ce que nous pouvons. Le temps restant incertain, nous promenons le parapluie. C’est facile, tout droit vraiment. À neuf cents mètres, nous tombons sur l’église Saint-Vital. Ici, on se fait arrêter à l’entrée pour vérification des tickets alors qu’on s’attendrait plutôt à ce qu’on nous en propose. Non, les tickets, ce n’est pas ici, c’est dans la rue, à droite après le café. Sur place, la caissière qui parle français n’est pas aimable, n’anticipe pas les interrogations des clients et se contente de répondre brièvement aux questions posées. On peut imaginer qu’ils offrent – le mot est amusant, ce n’est pas bon marché – une dizaine de tarifs pour les cinq sites à deux niveaux de prix en tenant compte des différents combinaisons, les questions sont naturelles et une autre suit immédiatement : quelle est la durée de validité des billets ? Une autre encore : autorisent-ils plusieurs visites du même lieu ? Pas facile et un peu agaçant lorsqu’on sait qu’on ne vient pas là pour un guichet mais pour admirer des trésors très anciens. Ces trésors se trouvent donc répartis sur plusieurs sites en ville. Nous avons choisi la basilique Saint-Vital, le tombeau de Galla Placidia, la basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf, le Musée de l’archevêché et le Baptistère néonien. Ces restes d’une capitale d’empire sont extraordinaires, le summum de l’art de la mosaïque. Nous prenons notre temps, les lieux sont petits et les billets ne permettent pas de revenir. Les teintes dominantes varient selon les lieux, les décors aussi. On pourrait y rester des heures et, à chaque instant, faire de nouvelles découvertes ou avoir d’autres impressions. Pour cette fin d’après-midi, nous nous contentons de trois sites, le reste demain. Les yeux éblouis, nous rentrons en longeant une partie des anciens remparts. Le soir, déplacement du camping-car de quelques places pour rendre inaudible la musique qui s’échappe du kiosque et que la pluie aurait couverte. Au fil de la soirée, des voisins arrivent et s’installent.

Samedi 5 avril

de Ravenne à la côte (photos)

Le ciel garde son aspect mitigé mais il ne pleut plus. Nous constatons que nous avons ce matin bien plus de voisins qu’hier soir. Le quartier a finalement l’air bien sûr, nous en jugeons par l’allure des passants, plutôt âgés, très bien mis promenant des petits chiens de luxe ridicules ou des petits enfants… Nous repartons compléter notre tour, non sans repasser par des rues et des places parcourus hier comme la belle Piazza del Popolo. Partout l’animation a redoublé, est-ce dû au temps plus clément ? au fait que nous sommes samedi matin ? Qui sait ? Visite au bureau d’informations touristiques, très bon accueil et les indications détaillées pour trouver la basilique Saint-Apollinaire à Classe, en marge de la ville. Si nous avions trouvé ce bureau hier, nous aurions certainement eu toutes les informations sur les différentes possibilités de visite ! L’enchantement de la veille se poursuit avec le Baptistère des Ariens puis avec le Musée de l’archevêché qui, a priori pourtant, des cinq, est celui qui nous attirait le moins. Il faut dire qu’il possède deux trésors incomparables, la chaire de l’archevêque Maximilien et la chapelle archiépiscopale. Qu’un prélat du VIe siècle se soit fait faire ou ait accepté un siège entièrement en ivoire est absolument inouï et, à notre entendement du XXIe siècle, parfaitement incompréhensible, mais le résultat est là avec des sculptures d’une finesse indescriptible. La suite n’est pas à la hauteur : retour au camping-car, vidanges, remplissage, pas à la hauteur mais indispensable.

Puis en route pour Classe. Tout ce qui nous a été indiqué pour y arriver convient. La grandeur de l’intérieur de la basilique est, comme pour d’autres, renforcée par le fait qu’on en a retiré tout mobilier. Bien que les mosaïques se trouvent en haut, elles sont bien visibles. L’absence de mobilier permet de plus de s’amuser à reculer pour les faire apparaître entre des piliers de marbre qui séparent la nef des bas-côtés. La visite de cette basilique complète les autres, les mosaïques y sont fort différentes. De plus, la belle lumière extérieure qui filtre les met en valeur. De nouveau, la suite n’est pas à la hauteur avec la visite d’une galerie marchande d’un grand centre commercial récent, histoire de compléter ce qui a été dérobé. Nous la parcourons intégralement, grande surface comprise dans le but de ne pas recommencer trop souvent mais en vain parce que, sans être hors de prix, ce que nous voyons est trop chic et mal adapté à un voyage, même les magasins de sport sont plus orientés vers la gymnastique, surtout en salle, que vers les activités de plein air. Puisque c’est ainsi, nous reprenons la route en mettant le cap au nord, sans but précis, avec la question de Venise. Nous n’avons pas l’intention de nous y arrêter, mais nous savons que c’est un nœud routier et autoroutier important et que cela nous fera traverser une zone peu appropriée à une nuit calme pendant un bon moment.

La route qui suit la côte à peu de distance mais n’offre aucune vue sur la mer traverse de nombreux canaux. À l’approche de la lagune de Comacchio, sur plusieurs d’entre eux sont installés de grands filets carrés, prêts à être descendus dans l’eau et donnant de beaux reflets sur fond de soleil bas. Pouvons-nous continuer à rouler ici alors que des panneaux indiquent des plages sans discontinuité sans aller y jeter un coup d’œil ? Ce ne serait pas raisonnable, nous tournons à droite à l’une d’elles sans prêter attention à son nom, peu importe. Nous ne nous attendions pas à des miracles, craignant beaucoup de béton, nous ne sommes donc pas déçus. Les premières constructions sont de petits immeubles bien faits et bien alignés, des rues propres, un ensemble assez haut de gamme. En avançant vers le rivage, la densité augmente, les constructions, agrémentées de beaux pins parasols, restent agréables. Rond-point, nous atteignons le centre-ville. L’activité, le taux d’occupation ne doit pas dépasser un pour cent, est plus importante puisqu’il y a quelques voitures et que des magasins sont ouverts. Le bilan reste positif, nous pourrons nous installer n’importe où, dans n’importe quelle rue et passer une nuit d’un calme absolu. À ce rond-point, comme à tous les autres, il faut décider d’une sortie ; pas la moindre indication, nous faisons deux fois le tour pour trouver l’inspiration, sans gêne pour la circulation, nous sommes seuls, pour apercevoir quelques camping-cars au bout de la rue de gauche. Allons voir. Cette présence est peut-être le signe de la présence d’une aire de stationnement. De fait. Elle est limitée à quinze places, ils sont au moins cinquante ! Du coup, nous continuons à droite, vers la mer. Les constructions sont moins belles, le béton ressort mieux. Au bout de la rue, d’autres camping-cars en face, à droite et à gauche garés dans du sable recouvert d’herbes courtes, c’est le début de la plage bien que la mer ne soit toujours pas visible. Nous y allons et prenons place. Je fais un petit tour, trouve un groupe de quatre personnes confortablement installées dans leurs fauteuils adossés à leurs camping-cars et demande si l’une d’elles parle anglais. Non, mais français oui. C’est tranquille, aucun bruit la nuit, et sûr. Merci. Il n’est finalement pas bien tard, largement le temps de faire une balade le long de la mer. Disons pour commencer que d’un côté de la rue parallèle au bord de mer, c’est le royaume des blocs de béton à l’esthétique douteuse entassés et de l’autre, côté mer, celui des installations liées aux plaisirs des vacanciers et aux affaires des tenanciers des restaurants, des bars, des parkings, des parcs d’attraction, un vrai concours de laideur dans lequel le choix du gagnant serait difficile. L’intérieur de ces établissements est certainement bien fait et agréable pour attirer et retenir les utilisateurs, ce qu’on en voit de l’extérieur est épouvantable sur les trois côtés qui ne servent pas à attirer le chaland : des palissades mal faites derrière lesquelles sont entassés tous les matériels qui ont servi ou qui peuvent servir au bien être des clients et qui ne se voient pas de l’intérieur puisque placés derrière les « murs » des installations. Entre ces camps, des ruelles de sable mènent à la plage. Ces établissements, loin d’être de petites paillottes, font de un quart à un hectare. Nous passons par les mini dunes à côté du camping-car et marchons tout droit vers la mer que nous longeons un bon moment. De sable fin gris noir, la plage doit faire dans les 250 m de large et continue à perte de vue. Les promeneurs ne sont pas foule et personne ne va à l’eau. Une bise fraîche nous pousse vers le sud. À cette saison, la plage est encore naturelle : du bois échoué et des détritus apportés par la mer. Des employés ont fait des tas, des milliers de coquillages jonchent le sol, peu d’enfants ont dû passer ! Belle balade à condition de diriger le regard vers la mer ou, à la limite, droit sur la ligne que marque le haut de la vague sur le sable. Bonne bouffée d’air frais ! Nous revenons par la rue, juste pour pouvoir nous dire que nous l’avons vue. Sur la fin de la journée, les camping-cars débarquent à un rythme régulier, on vient passer la soirée et le dimanche en famille ou entre amis à la mer. Bien que la place ne manque pas, les arrivants semblent attirés par ceux qui sont déjà là, c’est tout à fait contraire à nos habitudes, nous avons du mal à le comprendre. C’est ainsi que nous soupons devant deux enfants qui nous observent et dont nous entendons ensuite les consoles électroniques.

Dimanche 6 avril

du delta du Pô à Trévise (photos)

À l’heure à laquelle nous nous levons, presque personne ne bouge chez nos nombreux voisins, une seule exception, les joggeurs. Nous partons par des routes de campagne dont la complexité du plan doit être due à celui des canaux. Première étape : Comacchio. On y accède en suivant une grande étendue d’eau, la lagune, de forme presque circulaire d’une douzaine de kilomètres de diamètre. Le gros bourg, percé de canaux, est une sorte de Venise en miniature et sans palais. La spécialité de la région est la pêche à l’anguille. Les canaux d’hier, bordés de maisons sur pilotis devant lesquelles sont suspendus des filets carrés par leurs quatre coins, en donnaient un premier aperçu. Un mécanisme que nous ne voyons pas et dont les commandes doivent se trouver dans la maison permet sans doute de descendre le filet pour l’immerger et de le remonter à volonté. N’en ayant vu aucun en cours de fonctionnement malgré leur nombre, la question de l’extraction de la pêche du filet reste entière d’autant plus qu’au repos, le filet fait un creux en son centre. Ce matin, au bord du vaste bassin, à l’extrémité ouest de la ville, même spectacle, le soleil en moins. C’est d’ailleurs cette absence qui nous empêche de profiter des canaux urbains malgré quelques belles perspectives.

Nous ne restons pas et reprenons des routes de campagne étroites et mal indiquées. L’étape suivante est l’abbaye de Pomposa. Vaste parking où il est interdit de passer la nuit mais dans lequel, vers dix heures du matin, les occupants des camping-cars présents ne semblent pas avoir commencé à bouger. Au bout du parking et dans les mêmes proportions, des toilettes qui attirent comme des aimants les passagers des autocars de touristes. Le tout se termine par des magasins de souvenirs ou de restauration simple. Aucun intérêt, mais une belle organisation. On en ressort par une allée bordée de grands arbres à la limite de la campagne pour prendre la direction de l’abbaye. Fondée au VIe siècle, son éclat date de la période de Guido d’Arezzo, au XIe siècle, pas celui du magasin de musique en ligne, celui de la gamme. Le réfectoire présente des peintures murales qui à elles seules mériteraient le détour. L’intérêt du site les dépasse cependant : tant l’église que son campanile retiennent aussi notre attention. La montée de ses neuf étages, maintenant que plus aucun nuage n’obscurcit le ciel, s’impose. Seul bémol à tout ce tableau, l’interdiction de faire des photos, interdiction scrupuleusement observée et réprimandée par les préposés fort occupés avec les groupes.

Depuis des kilomètres déjà mais plus encore à partir d’ici, nous nous trouvons dans le delta du Pô. Nous faisons un détour pour aller jusqu’à la mer dans la partie sud du delta proprement dit. Ce sont de grandes étendues vouées à l’agriculture ne présentant aucun intérêt et dont nous aurions pu nous passer. Aux endroits où il y a peut-être quelque chose à voir, des canaux ou un bout de côte, s’élèvent des digues si hautes que seule leur escalade permettrait de savoir ce qu’elles masquent et, comme aucun emplacement ne permet l’arrêt, nous passons et retournons à la route principale où nous traversons le fleuve qui, à cette saison, roule des quantités importantes d’eau. Ensuite, les densités – habitations, industries, routes, trafic – augmentent et arrive un moment où il faut se laisser prendre par les réseaux de voies rapides et autres contournements en prenant, bien sûr, soin de suivre les directions, pour nous, Mestre puis Trévise (Treviso) ce qui se fait aussi simplement et en douceur que la dernière fois bien que les directions soient différentes, sans doute le fait de passer un dimanche après-midi aide-t-il. Sur la route de Trévise, nous repérons les parkings, on ne sait jamais. Le trajet est court, presque exclusivement urbain.

À Trévise même, les rues qui mènent au centre sont toutes barrées et la circulation est si serrée que nous avançons à peine en suivant tout d’abord le flot détourné du centre-ville et, par la suite, des panneaux indicateurs d’une aire pour camping-cars. De plus, la circulation est ralentie par la quantité de voitures arrêtées dans un désordre inimaginable et les vagues de piétons qui se rendent au centre. Il faut se rendre à l’évidence : il se passe quelque chose. En attendant d’en savoir plus, nous atteignons le parking dans les allées duquel il reste juste assez de place pour le passage. Dans le coin réservé aux camping-cars, le stationnement automobile est aussi anarchique qu’ailleurs, aucun espace libre. Par chance, un camping-cariste nous fait comprendre qu’il s’en va et c’est donc du premier coup que nous aurons trouvé et le parking et l’emplacement. Je lui demande si son départ est dû à un problème, non, c’est juste qu’un match de foot vient de se terminer. Parfait ! C’est vrai que nous sommes passés entre des immeubles pour parvenir à cet endroit et que ceux-ci ont masqué le stade, une fois arrêtés, nous en percevons les clameurs. Un stade, cela fait pas mal de monde et pour déplacer ce monde, il faut pas mal de voitures, ce qui n’explique toutefois ni toute cette circulation ni toutes ces voitures, ni la fermeture du centre-ville, ni les foules qui s’y rendent. Quant aux matches de foot, pas de souci, les matches d’après-midi ne doivent être que des parties amicales entre clubs de jeunes de la région et s’arrêter avant la soirée. Pour le reste, une seule solution : aller voir. Pas besoin de savoir par où passer, il suffit d’entrer dans le flot et de se laisser porter par le courant. Quelques affiches aident à saisir au moins globalement la cause de ces déplacements massifs : les 5 et 6 avril, hier et aujourd’hui, fête Fior di Città, des fleurs donc, des animations, des stands, nous n’en avons encore vu aucun, proposeraient des activités variées… Tout ceci en plus des sites à visiter. Nous ne l’avions pas planifié, c’est une bonne surprise. En ville surtout bien que ce soit en général le cas, les Italiens s’habillent de façon distinguée alors, pour des festivités de week-end, vu la foule, on a cherché le raffinement. C’est donc dans cette foule endimanchée marchant en rangs serrés que nous progressons comme nous le pouvons. Les cafés font terrasse comble, les glaciers voient leur file d’attente s’allonger. Nous prêtons finalement plus d’attention aux personnes qu’aux monuments et, pourtant, la Piazza dei Signori vaut le coup d’œil. Entre cette place et celle de la cathédrale, la rue, bordée de hautes maisons, est plus étroite, et, avec une atmosphère et un décor différents, on s’y presse comme à la station de métro-RER Châtelet aux heures de pointe… On finit toutefois par arriver à l’autre bout. La progression est d’autant plus lente que la rue est régulièrement barrée par les files d’attente devant les glaciers, que les groupes font du lèche-vitrine, que des poussettes sont arrêtées tandis qu’on s’occupe des bambini, que d’autres sortent des magasins, la plupart ayant opportunément choisis de ne pas baisser rideau un jour de pareille affluence. Du côté de la cathédrale, l’esplanade est plus ouverte. On y trouve à la fois des kiosques d’activités comme la décoration de pièces montées et des étals de vente de toutes sortes d’objets comme sur un marché de Noël, les plantes vertes et les fleurs sont largement représentées. Rapide coup d’œil dans la cathédrale où, comme on pouvait s’y attendre, nous tombons sur une messe, c’est tout de même dimanche ! Du coup, nous repartons dans une autre direction, celle de l’église Saint-Nicolas qu’un panneau indique et qui est mentionnée dans le guide. Un panneau, pas plus ou alors ils nous échappent parce que nous sommes de nouveau dans la foule au milieu d’étals de matériel de jardinage puis de plantes et de fleurs. Dans l’axe de la rue, le soleil donne de très beaux éclairages sur les chalands et sur cette marchandise multicolore. Ici, il est de bon ton de se promener, une plante empotée plus haute que soi dans les bras. Tout attire l’œil tant et si bien que nous ratons l’église, la cherchions-nous vraiment ? Quelques stands plus sérieux, d’aspect s’entend, proposent des énergies plus propres, renouvelables, des méthodes de chauffage… ils attirent moins de monde. À force de traîner, le temps passe et nous tournons les talons. Nouvel arrêt à la Piazza dei Signori où le soleil n’éclaire plus que les hauts de façade et retour par d’autres rues, pour varier et admirer, plus ici qu’à l’aller, le gros torrent qui traverse la ville et le mobilier urbain dont on l’a paré. À la sortie des remparts, il s’est formé un petit attroupement sur le pont qui enjambe la douve. On regarde et on prend des photos d’un castor en train de manger une tranche de pain que les canards qui tournent autour aimeraient bien lui chaparder. Du côté du stade, plus aucun bruit. Au parking, des places se sont libérées. Sur le tard, plusieurs camping-cars arrivent sans aucun bruit.

Suite du voyage de 2014

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