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Voyage de 2014

Semaine 2, Italie, Slovénie, Croatie et Bosnie-Herzégovine

Lundi 7 avril

Udine (photos)

Très beau temps, bien clair. À la sortie de la ville, arrêt dans un supermarché. Il est remarquable. Il est tellement rare que ce soit agréable que cela mérite d’être souligné lorsque c’est le cas. Rien n’y est organisé comme d’habitude, la taille est raisonnable, les rayons ne masquent pas l’horizon intérieur et l’éclairage est très bien fait. En fin de matinée, nous passons devant un centre commercial dont l’une des enseignes est Decathlon. Demi-tour pour chercher l’entrée ; peu occupé, le parking semble tout neuf. Nous nous engouffrons par les portes les plus proches, une des deux allées intérieures. Peu de monde, à l’image du parking, des magasins propres, des prix qui restent corrects et quelques idées d’achats de remplacement mais pas de Decathlon. Nous arrivons à le repérer sur le plan, il faut ressortir, il a sa porte d’entrée à lui, donnant sur l’extérieur. Le magasin est petit, nous devons toutefois acheter un sac à dos, une serviette de toilette à séchage rapide, des chaussettes pour remplacer ce qui a été volé. Le choix est limité, c’est appréciable. Nous en repartons avec ces achats pour un tour dans la galerie marchande afin d’acheter ce que nous avions vu et que nous décidons finalement de ne pas prendre ! Pour terminer un petit tour dans le supermarché, plus par curiosité que par nécessité puisque nous en sommes au deuxième aujourd’hui. Nous ne prenons rien non plus. En sortant, l’alarme se déclenche, on nous appelle, nous devons attendre l’agent de la sécurité. Le fautif est le sac à dos neuf qu’ils ont oublié de passer dans l’appareil à désamorcer. Le vigile nous conseille judicieusement de retourner pour le faire si nous ne voulons pas être embêtés à chaque portique, tout ceci fort heureusement en anglais. Les magasins et les supermarchés, c’est intéressant à l’étranger pour découvrir des objets ou des denrées que nous ne connaissons pas, mais un voyage ne saurait se résumer à cela, avançons. Le but est Udine, tout droit.

Sur place, nous tournons un peu et prenons une place dans une rue tranquille sans savoir si nous sommes loin ou non du centre historique, dont la Piazza della Libertà. Un jeune passant dit que c’est à moins de dix minutes mais se perd un peu dans les explications pour y arriver. Cela ne fait rien, j’en retiens le temps qu’il faut mettre au parcmètre et la direction générale. Petit arrêt à un distributeur d’une agence bancaire ouverte, un choix qui nous est resté d’une mésaventure croate deux ans plus tôt où la carte qui devait se trouver si bien à l’intérieur qu’elle y était restée ! Une grande place assez jolie, des arcades, une église, ce ne doit pas être celle-ci, d’ailleurs elle ne porte pas ce nom. Question à trois jeunes qui connaissent le nom de cette place mais pas l’autre, ils ne sont pas d’ici – disent-ils – et on peut supposer qu’ils préfèrent les nombreuses terrasses de celle-ci aux monuments de l’autre. Nous continuons donc au hasard. Ce n’était pas loin. Très beau bâtiment qui rappelle des palais vénitiens. La place est en pente et une ruelle monte vers le musée, non que nous ayons envie de visiter un musée sous ce beau soleil, mais surtout pour la vue sur la ville qu’on doit avoir d’en-haut. Le haut, c’est une esplanade herbue derrière le château-musée mais la vue sur la ville déçoit parce qu’elle n’est dégagée que du côté nord, plus industriel et ferroviaire. Les meilleures vues sur la place, on les a de l’endroit où la descente y débouche et du palais. Aujourd’hui lundi, la plupart des magasins sont fermés ce qui limite l’activité. Nous allons maintenant vers la cathédrale ; vu de l’extérieur, un gros édifice de briques austère si l’on excepte la couleur. À l’intérieur, exubérance baroque avec des fresques de Tiepolo, quel contraste ! Retour tranquille au camping-car après ces belles visites. Il reste à aller chercher un emplacement pour notre dernière nuit italienne. Les grandes surfaces et leurs vastes parkings abondent mais ne nous tentent pas ou nous sont interdites par des barres de gabarit de hauteur. Nous partons vers l’Autriche voisine parce que j’ai repéré une petite route pittoresque sur la carte au nord-est d’ici, à la limite de la plaine dans laquelle nous nous trouvons et des pieds des premiers reliefs alpins proches et couronnés de blanc. Nous arrivons à Nimis par le nord et, à cette extrémité du village, se trouvent une chapelle et un parking qui feront parfaitement l’affaire. Aux côtés de la chapelle, un vaste terrain plat, des constructions faisant penser à de vastes tonnelles et une en dur avec des toilettes ouvertes, ouvertes dans tous les sens du mot puisqu’on peut non seulement y accéder, mais que, de plus, la porte ne ferme pas. Vu que nous sommes seuls, pas de problème ! L’ensemble donne l’impression d’être organisé pour des rassemblements et des fêtes. Le trafic cesse un peu tard, mais, ensuite, pas un bruit.

Mardi 8 avril

de Trieste à la région de Lika-Karlovac en Croatie (photos)

Nous comptons passer en Slovénie vers Trieste et, pour aller jusque-là, ne prendre que des petites routes. Il suffit de poursuivre celle par laquelle nous sommes arrivés. Cette route marque réellement la coupure entre les deux types de relief vus hier. C’est une succession de petits villages qui ont des ressemblances avec ceux du sud de l’Autriche. Petit à petit, le vignoble prend de l’importance et les panneaux publicitaires des caves occupent de la place. Il fait beau et frais, c’est le printemps, partout, les fleurs égaient la nature verdissante, une route agréable dont le seul point négatif est l’insistance de la signalisation à omettre les noms des villages suivants et à privilégier les indications autoroutières, un peu comme chez nous. À l’approche de la côte, il faut viser Monfalcone, faute de quoi, suivre Trieste amène immanquablement à l’autoroute, nous le savons d’expérience. Monfalcone ne présente aucun intérêt marqué. Par contre, la route au-delà qui est délestée du trafic détourné vers l’autoroute et suit la mer à des altitudes variées offre de belles vues sur la baie.

Trieste. Ce serait bien d’y faire un petit tour. Les premiers parkings sont pleins mais, ensuite, aucun problème. À pied, nous repassons tous les bassins du port jusqu’à la Piazza dell’Unità d’Italia pour revenir par des petites rues. Le temps et la température sont idéaux pour la balade.

Reste le plus difficile, sortir de la ville par la route 14 et non par l’autoroute comme la dernière fois. Un premier essai avec, au passage, une indication, ici aussi, une seule, pour la colline San Guisto dont nous perdons immédiatement la direction. Il ne suffit en effet pas de monter, elle n’est pas la seule colline, toute la ville est adossée à la montagne, les montées et descentes se succèdent. Par contre, se retrouver au niveau de la mer en direction du sud ne convient pas du tout, le demi-tour s’impose. Ce que j’ai retenu de la préparation de la sortie de la ville que je savais ardue est qu’il faut monter vers le centre de la ville, au droit du port. Ici non plus, aucune indication autre que celles des autoroutes n’est donnée. Comme aucune autoroute directe ne traverse la Slovénie en direction de Rijeka (en Croatie), il faut bien prendre la route, peut-être indiquée sur l’autoroute mais pas en ville. Nous nous lançons en ville dans la direction probable et, au bout de plusieurs kilomètres, trouvons enfin le panneau cherché. C’est bon ! Route étroite, circulation intense, beaucoup de camions à rallonge, que des virages. La route ne serait pas vilaine sans ce trafic. Nous en faisons la moitié à vive allure, un énorme camion qui fait des appels de phare me poursuivant de très près, je ne vais pas assez vite à son goût mais je respecte scrupuleusement les limitations de vitesse qui se suivent au rythme de plusieurs par kilomètre. Aucun espace, aucune ligne droite pour le laisser passer, c’est un peu agaçant. Au premier parking, une quinzaine de kilomètres plus loin, je lui laisse la voie. D’ailleurs, n’est-ce pas la Croatie, là, devant ? Mais si, et nous qui voulions faire un plein en euros avant d’y arriver. Demi-tour. La question du plein en euros nous est venue à la suite de notre premier voyage par ici, il y a deux ans : en rentrant, nous avons découvert tout ce que la banque prélevait à chaque utilisation de la carte de crédit sur les transactions hors zone euro et on nous avait expliqué qu’effectivement, un pourcentage est pris, d’autant plus élevé que le montant est plus réduit. Il n’existe guère de moyen de l’éviter à moins de tout payer en espèces ce qui oblige à de coûteuses opérations de change. À défaut, on peut diminuer les frais en faisant un retrait, un seul pour toute la durée du séjour dans un pays, ce qui oblige ensuite à se déplacer avec des sommes importantes, ce que nous n’avons jamais fait, et, surtout, à estimer de façon précise nos besoins ce qui est loin d’être simple. Devant cette situation complexe, nous repoussons l’échéance au prochain plein de carburant sachant que nous sommes autonomes et que nous n’avons pas l’intention d’aller au camping aujourd’hui bien que le camping sauvage, comme passer la nuit sur un parking ou dans une prairie, soit interdit et sévèrement puni en Croatie. De toute façon, nous partons dans une zone sans camping ni hôtel. Pour l’instant, la route est allégée de ses camions et de ses voitures à chaque passage près d’une entrée d’autoroute et, c’est à peu près seuls que nous descendons vers Opatija où nous retrouvons la route par laquelle nous étions arrivés d’Italie il y a deux ans.

D’ici à Rijeka, aucun intérêt en route, un de ces passages obligés… J’avais préparé la sortie de Rijeka avec autant de précision que celle de Trieste en raison d’une expérience difficile. Je savais qu’il fallait partir à gauche juste avant le premier bassin du port. Autre lieu, même problème. Aucune indication, tout est tout droit, et je sais, d’expérience toujours, que tout droit, c’est tout droit vers l’autoroute et qu’il n’y a aucun moyen d’y échapper avant plusieurs kilomètres. Une petite lueur d’espoir toutefois, l’indication Bakar, un village par lequel nous voulons passer. Tant pis, autoroute.

Sortie Bakar. Petit village au fond d’une sorte de fjord profond. Les bretelles d’autoroute, entrées et sorties, ont été construites en l’air, sur de hauts piliers ancrés dans la montagne calcaire, impressionnant ! Ce qui nous intéresse n’est pas le village mais la vue qu’on en a au débouché de la route de Rijeka sur le fjord. Nous l’avons raté il y a deux ans, pensant en trouver un autre plus bas et plus près du village. Cette fois, nous y allons. Le raccordement à l’autoroute débarque à mi-hauteur, il faut donc remonter, c’est-à-dire prendre la direction de Rijeka ! En haut, interdiction de tourner à gauche pour atteindre le parking. Nous sommes obligés de commencer à redescendre vers Rijeka par la route par laquelle nous aurions dû arriver ! Pas le moindre espace pour un demi-tour, pas la moindre route latérale avant un bon moment. Je prends la première, à gauche en espérant trouver ce qu’il faut pour faire demi-tour mais, décidément, rien ne se présente. Une autre petite route sur la gauche, de la largeur du camping-car, en direction de celle que nous venons de quitter, c’est pour nous. Elle débouche sur le parking d’un supermarché, tout cela à l’échelle de la route qui y a mené. Entre les arbres, la végétation est, sans surprise, celle d’une garrigue méditerranéenne, une autre route semble rattraper la route principale, nous y allons et débouchons effectivement sur la grande et dans le bon sens. Avouons simplement que, pour y arriver, j’ai remonté un petit sens interdit. De retour en haut, il est enfin possible de s’arrêter et d’aller au point de vue, petit village méditerranéen, pierres calcaires et tuiles canal, blotti sur un petit éperon rocheux au fond d’un fjord. Le temps est superbe, la mer bien bleue. Image idyllique à tempérer un peu car c’est la vue qu’on en a à condition de l’observer au téléobjectif, en d’autres termes, à condition de ne regarder que le village, le fond du fjord et la falaise d’en face avec sa garrigue ouverte. Venons-en au reste. Au premier plan, le parking, vaste étendue d’un mélange de terre battue et de cailloux avec ses papiers gras – pas trop – et ses taches d’huile – pas trop non plus. Sur la pente en-dessous, une concurrence entre une végétation basse et toutes sortes de plastiques à l’origine incertaine. Sur la gauche, un bar-restaurant d’un aspect plutôt agréable et propre et son lot de voitures arrêtées. Le haut du fond du fjord est occupé par un morceau d’autoroute et les voies d’entrée et de sortie sur pilotis dont je viens de parler. Mis à part le fait que ce n’est pas naturel, son intégration au paysage est assez réussie. Au pied de la falaise, sur le rivage, en-dessous, une énorme usine sale et noire avec des tas de charbon et des files de camions. En face, juste un peu au-dessus du niveau de l’eau, la route qui contourne le fjord et dont le trafic nous appelle. Un beau point de vue.

Poursuivons. De l’autre côté du fjord justement, nous ratons la route, celle de Gornje Jelenje, petite route de montagne. Le demi-tour étant plus que problématique, nous continuons et prenons la suivante, mal définie à la fois sur le terrain et sur nos cartes. Plusieurs arrêts sont nécessaires pour s’y retrouver, au moins ici, sans la moindre voiture, pas de problème. Les rares carrefours et les indications posent plus de problèmes qu’ils n’apportent d’aide, il s’agit en effet de retrouver au moins un des noms indiqués sur une carte en restant arrêtés un temps raisonnable au milieu de la chaussée. C’est bon, direction Bribis. Cette route suit la côtière en parallèle derrière une montagne elle-même parallèle au rivage. La suivante continue dans la même direction en fond de vallée, tout est verdoyant, la fée printemps a déjà touché les arbres et les arbustes de sa baguette. La couleur dominante est le vert tendre. Le contraste avec la côte et les montagnes aux bancs de calcaire apparents entre les épineux de la végétation méditerranéenne est saisissant. Il est renforcé par celui de l’aridité des versants et l’eau présente dans les fonds. Le relief par contre interdit toute agriculture d’ampleur, nous ne voyons que des maisons et des jardins. Comme prévu, pas un hôtel, pas un camping, d’ailleurs y a-t-il seulement des touristes à venir par ici ? Lorsque nous trouverons un emplacement pour la nuit, il ne faudra pas se montrer trop difficiles ne serait-ce qu’en raison de l’absence de place. Et pourtant, dans un village, un peu en-dessous de la route ainsi qu’au bord en face d’un bâtiment qui semble officiel malgré son aspect défraîchi, deux parkings. Les branches basses des pins qui bordent l’accès à celui du bas nettoient le toit du camping-car. Joli parking, une treille aux branches et au feuillage encore peu développés à cette saison et quelques voitures. Nous nous arrêtons le long à l’extrémité et attendons. Manifestement, on vient ici pour se promener, attendons encore. Une voiture arrive, une grand-mère, sa fille et sa petite fille. La grand-mère, première sortie donc première interrogée, qui ne parle ni anglais ni allemand me fait signe d’attendre, sa fille parle allemand. Elle ne sait pas s’il est possible de passer la nuit ici mais ne voit pas pourquoi ce ne le serait pas et le parking est public. Elles partent faire un tour avec une poussette et nous décidons de rester. À l’arrière, le monticule de terre qui barre un peu la vallée est un barrage, le lac est le but de balades, joggings et parcours de santé pour chiens et maîtres des environs. Pratiquement aucun bruit à part la cloche d’une église, un peu plus loin dans la vallée sans doute, puisque nous ne l’avons pas vue.

Mercredi 9 avril

d’Ogulin au Parc national des lacs de Plitvice (photos)

Temps clair, beau ciel bleu, nous continuons à descendre cette vallée riante. Tout va bien jusqu’au premier carrefour et même jusqu’au deuxième, de part et d’autre d’un pont sur la rivière où les indications lointaines ont disparu au profit de celles de villages à la taille insuffisante pour avoir été retenus pour la carte. Ce sont donc trois routes qui s’offrent au choix. Une fois éliminée celle qui remonte la rivière, il en reste deux qui s’attaquent à la montagne. Aucune indication pour la grande de droite, nous prenons l’autre sans enthousiasme ni certitude. Une petite route étroite et pentue, toute en virages au milieu des arbres, finit par déboucher à Grižane sur une autre route que nous prenons à droite, à flanc de montagne, elle mène à Bribis. La végétation, moins dense, laisse des ouvertures sur la vallée, la montagne d’en face et, plus loin, la mer. À la sortie de Bribis, nous nous laissons guider par le bon sens – le soleil et la pente. La route a la largeur du camping-car, sans importance, nous sommes seuls. Nous avons maintenant pris assez d’altitude pour que les arbres cèdent la place à des buissons et que les rochers soient de plus en plus apparents. Une suite de beaux points de vue sur les collines plus bas et l’Adriatique, bleue comme le ciel. La route poursuit son ascension et la végétation sa raréfaction. Depuis que nous avons changé de versant, vers Bribis, le vent est violent, un vent froid qui dévale la pente des montagnes. À un moment, sur la droite, un grand espace que les éléments ont dévolu à du land-art : sur fond marin lointain, la végétation basse d’épineux et les rochers ont retenu des milliers et des milliers de plastiques, de sacs-poubelle bleus et de bouteilles en plastique, tous échappés d’une grande décharge à ciel ouvert, créant une féerie de petits drapeaux flottant au vent. Quelques photos dans le vent glacial, qui auront du mal à rendre l’effet et l’ampleur de ce tableau spontané. Plus loin, la route continuant à gravir la montagne, il ne reste que de l’herbe et des rochers qui affleurent. Quelques maisons inoccupées au détour d’un virage, la montée n’en finit pas. Le seul village, Breze, se trouve déjà dans la forêt. La seule activité visible est l’exploitation du bois, la route s’est heureusement élargie, de lourds camions chargés de grumes qui viennent à la scierie la descendent en sens inverse.

À partir d’ici, la route serpente, c’est le mot qui convient, la plus longue ligne droite ne doit pas dépasser les deux cents mètres, dans une forêt de sapins. Les teintes sombres sont renforcées par des nuages accrochés de-ci de-là et dont nous traversons quelques lambeaux, le tout à peine éclairci par des plaques de neige sur les bas-côtés ou dans la forêt. Dans l’ensemble, la chaussée est excellente, mais, pas une voiture, si nous tombions en panne par ici, combien de temps y resterions-nous ? Un paysage fantastique ou de conte avec ogre et dragon ! Et cela dure, dure… Sur la redescente, bien plus loin, changement de végétation dû au changement d’orientation, les feuillus ont remplacé les résineux, avant le changement inverse puis, plus bas, une alternance de prairies vertes et de forêts. Si l’on en croit la carte, un premier village, Jasenak, devrait se présenter. Après un si long désert humain avec cette forêt de montagne, nous l’attendons. Quelques maisons dispersées puis le panneau de fin du village, décevant !

Allons au suivant, une ville, Ogulin. Ici, tout est différent. Dès l’entrée, la route traverse ou semble traverser un profond canyon, passe devant un château et débouche sur un bel espace vert dont les allées convergent vers l’église. Il fait soleil, l’ensemble est non seulement agréable mais aussi animé grâce à son marché dans une rue à gauche. Il ne reste qu’à trouver une place. Demi-tour plus loin, retour, des places se sont libérées, parfait. En plus, un distributeur se trouve là, juste à côté. Retrait de ce que nous avons déterminé pour notre court séjour en Croatie, parcmètre, eh oui, avec le retour dans le monde réel, on retrouve ses contraintes, même dans une petite ville, et nous partons au marché. Il occupe toute la chaussée d’une rue puis quelques autres et deux places, le tout à l’échelle de la ville, c’est-à-dire pas bien grand. Au début, ce sont essentiellement des marchands de plants, tous bien achalandés en cette période de jardinage intensif. Ensuite, ce ne sont plus que des vêtements. L’intérêt touristique de l’ensemble réside donc plus dans l’animation que dans l’offre. La gamme s’élargit avec les commerces, boulangeries, boucheries, petit supermarché… Il est midi, on commence à ranger dans la rue et nous nous dirigeons vers le château. À sa gauche une bâtisse, des informations ? Des informations vraiment, mais sur la maison, dédiée à une célébrité, Ivana Brlić-Mažuranić, écrivaine de littérature de jeunesse native d’Ogulin, un sujet dont la langue risque de nous séparer trop pour s’y intéresser. La jeune femme qui s’occupe de la maison fait tout son possible pour nous délivrer le maximum d’informations sur la ville et ses environs bien que ce ne soit pas son domaine. Elle tient absolument à ce que nous prenions le beau livret de présentation de la ville dont seul le plan pourra nous servir puisqu’il est intégralement rédigé en croate. C’est sur ses indications que nous nous rendons cent mètres plus loin au bord du canyon entrevu. Il s’agit bien d’un canyon, profond, au fond duquel coule la rivière Dobra. Ni le canyon, ni la rivière ne traversent la route, il s’agit de sa perte, au fond d’une vaste grotte que l’on entrevoit du belvédère et du début d’un long parcours souterrain dont plus de seize kilomètres ont été explorés. À cette période de l’année, la fonte des neiges hivernales et les pluies de printemps ont alimenté la rivière dont le débit, sans être très important, renforce l’intérêt du phénomène. En faisant un tour sur la place verdoyante et aérée, nous jetons un œil dans l’église, pas assez ancienne pour réserver des surprises, avant de tomber sur l’office du tourisme où nous troublons le déjeuner ce qui n’empêche pas d’y être très bien reçus. Nous échangeons notre documentation en croate contre la même en anglais. La question des centres d’intérêts dans la région met la personne dans l’embarras. Il y a un lac au sud, mais la saison n’a pas commencé et ensuite… ? Ah oui, il y a bien une église à Slunj dont elle nous indique la direction. Petite halte dans un supermarché, surtout pour profiter de son parking, mais avec une petite visite, pour voir. Il faut bien en convenir, il est petit mais l’offre, en termes de diversité de denrées et produits, est bien supérieure à nombre de nos hypermarchés. Nos essais concerneront deux variétés de yaourts et quatre sachets de soupe en sachet dont le choix est impressionnant. Le soleil a disparu.

La première partie du trajet consiste à aller prendre une route transversale. Lorsque c’est bien indiqué, c’est facile. La transversale est un peu plus large que le camping-car, mais, à part le croisement d’un bus de tourisme, nous ne rencontrons personne. Elle serpente, cela devient une habitude aujourd’hui, entre des bosquets et des petits champs ; plus loin, des rochers calcaires affleurent et elle n’est plus entourée que de maigres prairies puis seulement d’arbres peu développés. Les habitations et les villages sont rares et des restes de la guerre sont visibles. Le ciel ne cesse de se charger. À Slunj, il est déjà bien gris. Un tour dans la rue principale pour constater le manque d’intérêt du lieu. En léger contrebas, une église où les premières gouttes de pluie nous ont précédés. C’est peut-être l’église indiquée, elle est un peu plus ancienne que celle d’Ogulin, mais n’aurait pas mérité le détour. Ce n’est pas grave, nous sommes sur la route.

La question du stationnement nocturne commence à se poser. Le parking de l’église ? Grand, un peu à l’écart, mais pas d’enthousiasme démesuré bien que le Parc national des lacs de Plitvice soit à moins de trente kilomètres et que, là-bas, tout soit plus cher. Tant pis, si nous ne trouvons pas, nous passerons en Bosnie où le premier parking fera l’affaire. Nous repassons donc devant le camping de Grabovac où nous avions dormi il y a deux ans et allons jusqu’à l’entrée 1 du parc, non que nous ayons l’intention d’entreprendre la visite maintenant, il est trop tard et il fait aussi gris que la dernière fois, mais pour aller aux informations dont la plus importante est la météo de demain. On annonce une amélioration, surtout le matin. Arrêtés n’importe comment avant les barrières d’entrée dans le parking payant du site, nous avons la surprise de voir un camping-car belge s’arrêter derrière nous. Ils parlent français et cherchent à peu près la même chose que nous. Nous repartons vers le sud pour attraper la petite route pour la Bosnie. En sortant du parc, un panneau, des pictogrammes : WC, camping-car, vidange, wifi, toit, douche. Et si nous allions voir ? Un pavillon au-dessus de la route, à la réception, l’homme à tout faire des lieux parle croate et connaît une demi-douzaine de mots anglais. « Ten euros », nous le faisons répéter pour être sûr d’avoir bien compris, c’est moins de la moitié de ce que nous aurions payé au camping pour une prestation équivalente. Juste à côté de l’emplacement choisi se trouve une maisonnette neuve avec deux WC, deux douches, lavabos avec un chauffe-eau, l’électricité et l’eau. Vidange comme annoncé. Nous nous installons, le terrain est plat et cimenté, plus haut, deux camping-cars en ont déjà fait autant mais le terrain, de terre battue, est en pente, nous serons mieux ici surtout s’il venait à pleuvoir. Aussitôt arrêtés, il nous fait signe de le suivre. J’y vais seul. Il m’amène à une grange aménagée à l’avant, tables, coussins, chaises, bancs, couvertures… Sur la table, une bouteille d’un liquide incolore bien connu par ici et deux petits verres pleins. Il s’agit d’alcool de prunes, un geste sur le jardin et les alentours ont fait comprendre que la produit est local, il ne doit pas y avoir de maison où il ne s’en distille pas. Non consommateur, je lui dis que nous ne buvons pas d’alcool. Un peu dépité, lui en aurait bien pris un verre ce qu’il fait peut-être après mon départ. Les deux autres camping-cars sont belges et l’un d’eux est celui que nous avons rencontré à l’entrée du parc. Nous constatons que les uns et les autres sont invités comme nous l’avons été. Nous ne pouvons pas nous raccorder au réseau électrique parce que nous n’avons pas pris de rallonge électrique tellement persuadés que nous ne passerions pas une nuit dans un camping. Cela nous aurait permis de recharger l’ordinateur portable, le seul appareil électrique que nous ne pouvons recharger en route. À ce sujet, je fais un essai de raccordement à l’internet ; comme il fallait s’y attendre, la connexion requiert un mot de passe à aller demander au gardien. Il me montre la boîte de connexion, je la retourne pour voir si quelqu’un n’aurait pas mis le sésame dessous, mais non. Lorsque nous sommes arrivés, il nous a fait comprendre que le patron rentrerait dans les dix minutes, c’était il y a une heure et demie, il ne doit connaître que le nombre dix en anglais. Il lui téléphone et écrit la réponse sur un morceau de papier. Il reste des problèmes insolubles dans l’immédiat en raison de l’obstacle de la langue : majuscules ? minuscules ? quel tiret au milieu ? Il est impossible d’essayer toutes les combinaisons sur neuf caractères, fussent-ils connus pour la plupart. Aucun de mes essais ne convient, nous attendrons le patron. D’ici là, profitons de l’eau. Le patron revient en toute fin d’après-midi. Salutations et question du mot de passe : huit caractères seulement, nous ne risquions pas d’y arriver avec neuf ! Nous avons maintenant confirmation du soleil et un accès à une boîte aux lettres.

Jeudi 10 avril

du Parc national des lacs de Plitvice à Bihać (photos)

Le patron a dit hier qu’il amenait ses clients à l’entrée du parc et allait les chercher sur simple appel téléphonique à la fin de la visite. Je lui propose de payer le camping maintenant et apprends que si le tarif est bien de dix euros, c’est par personne, surprise ! Je trouve que c’est exagéré, non pas tant pour le tarif qui reste dans ceux qui sont demandés ailleurs que pour le procédé qui consiste à se retrancher derrière le fait que le gardien ne parle pas anglais. Heureusement, nous économisons le parking sans quoi il aurait été plus intéressant d’aller en Bosnie. Bref, il fait beau, la gelée blanche n’en finit pas de fondre, tout ce qui est à l’ombre conserve son voile blanc. Nous sommes prêts, en route.

Il faut y être tôt lorsqu’on ne souhaite pas faire toute la visite parmi des groupes, la plupart asiatiques. Les lieux ne nous sont pas inconnus puisque nous y étions il y a deux ans presque jour pour jour. La grande différence, la raison de notre retour, est la couleur du ciel, si le temps avait été à la pluie, nous ne serions pas revenus. Nous découvrons rapidement une autre différence : les niveaux d’eau, plusieurs chemins sont barrés parce que l’eau qui affleure sur les sentiers de rondins et de planches les rend glissants lorsqu’elle ne les recouvre pas partiellement. C’est parfait, venir voir des lacs et des cascades au moment où les eaux sont au plus haut et par beau temps, que demander de mieux, cela donne encore plus d’importance à la multitude de cascades. Nous faisons à peu près le même tour à deux exceptions près, balade le long du plus grand lac du haut, là où les touristes ne viennent pas parce qu’il est trop éloigné des entrées, pas de tour du grand lac du bas qui avait déjà par endroits des allures marécageuses alors que les niveaux d’eau étaient inférieurs. En fin de matinée, des groupes sont là mais ce n’est pas la foule, nous trouvons même un banc avec une jolie vue sur un lac sur fond de cascades pour casser la croûte. Seul le vent froid nous retient de prolonger la pause. Retour tranquille ensuite. Arrivés au parking, appel au patron qui arrive en un temps record. Le temps de régler quelques questions techniques de camping-car, adieux émouvants mais sincères et nous prenons la route de la frontière.

Poste énorme en rase campagne, nous sommes en Bosnie-Herzégovine. Premier village, premier minaret élancé, blanc, pointant vers le ciel. L’élément de différenciation le plus marqué dans le paysage est le passage de la forêt à un espace agricole découvert. Les villages se suivent presque sans interruption, les panneaux de limitation de vitesse aussi. Ici, les radars, omniprésents, flashent dans les deux sens, je vois parfaitement le flash de celui qui nous illumine à l’entrée du deuxième village. J’ignore quelles seront les conséquences de cette photo, mais, pour l’instant, nous ferons comme tout le monde et roulerons à 40 km/h dans les villages, 50 dans les villes et selon les indications ailleurs ce qui fait du 30 à 40 tout le temps.

Première ville, Bihać. Le ciel a repris le ton gris foncé d’hier, un ton qui s’accorde bien avec l’atmosphère de cette ville sans charme aux immeubles anciens, comme mités et dont les couleurs initiales se sont transformées en un camaïeu de gris. Ce n’est pas beau. Seule la rivière, l’Una, a du caractère. Du pont qui l’enjambe se détachent, sur la droite, de petits rapides et, sur la gauche, une île que des passerelles piétonnes relient aux rives. Selon un rite maintenant longuement éprouvé, nous dépassons le centre pour mieux le situer, s’y repérer et y trouver un stationnement. Ce que nous voyons ailleurs ne relève pas l’impression de départ. Nous n’avons ni a priori ni information, juste une carte routière, la découverte est donc totale. De retour au centre, un petit centre au final, arrêt sur l’espace aplani d’anciennes constructions. Le parking est payant – nous nous faisons un devoir de payer, non que nous l’appréciions mais pour éviter la surprise du sabot que des municipalités du monde entier ont trop vite fait de poser –, c’est le moment de chercher un distributeur, il n’en manque pas, puis de la monnaie qu’une préposée à on ne sait quelle tâche et qui parle allemand fait fort aimablement. De la mosquée, seul bâtiment ancien de caractère, au pont sur le canal-douve, la partie centrale est un espace piétonnier, les autres façades ne relèvent pas l’impression que nous avons eue en arrivant par le boulevard, de l’autre côté. Des magasins et des cafés se succèdent de façon continue, ce qu’il faut pour faire oublier un peu le reste. En passant, nous avons repéré un point d’information, ce serait bien d’en avoir un peu. C’est minuscule. Quatre jeunes hommes sympathiques attendent à l’intérieur. Le « nôtre » parle anglais couramment : ce kiosque est un point d’information sur un parc national en cours d’institutionnalisation, il n’a pas vocation à fournir des informations sur autre chose et ils n’ont rien d’autre qu’un petit plan de la ville pour répondre à nos questions. Le parc qui a pour but de valoriser et protéger la partie bosnienne de la vallée de l’Una est une longue bande ondulée à peu près sud-nord. Il est bordé de villages et les installations parrainées par la Communauté européenne sont en cours de réalisation. Il nous explique les différentes parties en recommandant chaudement d’aller aux cascades de l’Una, en nous expliquant en détail comment y aller et nous donnant un plan détaillé du parc ainsi qu’un fascicule en français. À défaut d’être belle, la ville a au moins pour elle d’avoir des habitants ouverts et agréables même si la taille de l’échantillon rencontré a une signification statistique incertaine. Tous ceux que nous rencontrons par ailleurs parlent allemand ou anglais. Pour terminer le parcours urbain, nous décidons d’emprunter les passerelles pour piétons et vélos qui traversent l’île et de revenir par le grand pont sur l’Una. Nous n’avions aucun but en arrivant, nous en tenons un, la rivière et son parc. Avant de quitter la ville, un petit tour à la station-service de ce pays qui propose l’un des prix les plus bas d’Europe et pour lequel nous avons laissé le camping-car s’assoiffer un peu.

Ensuite, direction Sarajevo pendant quelques kilomètres au cours desquels la route quitte la vallée pour monter sur des éminences calcaires où l’altitude a contenu le développement printanier de la végétation. La forêt, de plus en plus importante, en est donc à l’état de branches verticales qu’on dirait mortes. Plus loin, une petite route se détache sur la droite et longe le parc en direction d’Orašac. Nous nous arrêtons à Ćukovi, petit village aux milliers de pruniers en fleur et entrée n° 2 dans le parc. Un espace libre entre la route et les jardins fera l’affaire pour le campement. Il ne pleut pas vraiment, des curieux passent sans oser nous interpeller. Pour ma part, je traverse la rue pour aller voir le tout petit kiosque neuf en bois qui, vu de loin, semble faire office du bureau d’entrée et dont je dois constater, de près, que ce n’est pas possible tout encombré qu’il est de panneaux neufs à poser au point qu’on n’y entrerait pas une chaise. Personne dans le pavillon du même terrain. Un sentier part entre les jardins, panneau aux inscriptions adaptées à la langue du pays. D’après les indications du plan fourni à Bihać, ce sentier pourrait bien mener à la cascade en traversant la montagne mais est-il jalonné tout le long ? Passe-t-il par une sorte de col entre les montagnes sans quoi l’aller-retour ferait beaucoup de dénivelé ? Des questions simples dont les réponses aideraient à se décider pour demain matin. La nuit porte conseil, nous verrons demain.

Vendredi 11 avril

Parc national de l’Una, Ključ (photos)

Très beau temps qui met les prémisses de printemps en valeur. Rien de nouveau du côté de l’entrée n° 2, décision est prise d’aller à l’entrée n° 3 qui, à défaut de randonnée en forêt, facilite l’accès puisque la chaussée, asphaltée jusqu’à Orašac, est carrossable et bonne ensuite, nous a-t-on dit. De Ćukovi à Orašac, la vallée s’élargit, l’agriculture y est de plus en plus développée et l’habitat, toujours un peu épars, plus dense. La culture des pruniers prend de l’importance aussi. En arrivant à Orašac, un petit panneau sur la droite donne la direction de la ville ancienne (Stari grad) dont on nous a également parlé. Certes, la route a exactement le gabarit du camping-car mais ce qu’on en voit est bon et court entre des terrains ou des pavillons-fermes, ce qu’il faut pour essayer. La partie vue de la route était bien plate, dans le fond de la vallée, mais la montée n’était pas loin, là où l’asphalte s’arrête. De nouveau, ce qu’on voit d’ici est dur, stable et bien aplani malgré la pente, alors… Seconde hésitation plus haut au détour d’un virage, la piste est moins bonne mais cela passe sans problème. Il n’y a pas de troisième hésitation, c’est l’arrêt devant de gros galets et des ornières puis une longue descente en marche arrière puisque, bien sûr, l’espace est insuffisant pour faire un demi-tour. Tant pis pour la vieille ville dont nous pensons qu’il s’agissait des restes d’un ancien château-fort. Tout se passe ensuite comme cela nous avait été décrit. Une route part sur la droite, la fin du village marque aussi la fin du revêtement et la suite est bonne.

À l’entrée n° 3, nous décidons d’abandonner le camping-car et de continuer à pied. Cette entrée est marquée par une barrière, ouverte, et un kiosque un peu plus grand que celui de la 2 mais pas en service non plus. La route, depuis le village et après la barrière, longe d’assez près la rivière Una et les vues sur ses eaux limpides et son cours calme sont superbes. La partie entre Orašac et l’entrée est habitée et l’on sent que la mise en place de ce parc contribuera au développement du village de Čelije au moins avec des offres d’hébergement et de restauration. Une fois l’entrée passée, plus rien si ce ne sont de jolies installations toutes neuves en bois pour pique-niquer, faire des grillades… La balade est plaisante, nous ne rencontrons personne. Le cours de la rivière – son nom, Una, serait dû aux Romains pour souligner qu’elle était unique, LA rivière – est d’un calme remarquable, comme si un barrage en aval régulait son débit et lui donnait le calme et l’aspect d’un lac. Ce n’est qu’environ deux kilomètres plus loin qu’un rugissement sourd commence à être perceptible et va en s’amplifiant. Au début du lieu recherché, de nouvelles installations de pique-nique aussi belles que les précédentes ont été construites sur une petite butte au-delà de laquelle le bruit remplit la vallée. À partir de là, le sentier, entièrement en bois, va de belvédères en points de vue. La cascade porte le doux nom de Štrbački buk, un nom qui, pour un francophone, passerait pour un mot de passe. C’est superbe, quelle chance de ne pas être passés à côté d’un tel spectacle ! Qui s’imaginerait qu’un paisible cours d’eau puisse présenter un spectacle pareil ? Une cascade multiple à plusieurs étages dont la rivière ressort un peu plus agitée dans une gorge plus marquée. Bien que ce spectacle sans cesse renouvelé soit prenant, nous nous en retournons, à pied, puis motorisés, jusqu’à la route de Sarajevo.

De nouveau, pas de but précis. La carte donne des noms de ville sur fond jaune ou dans un cartouche à fond jaune indiquant par là un intérêt touristique. C’est ce qu’il faut viser. La suivante est Ključ. Bien sûr, nous n’avons aucune idée de ce qui a décidé de la mise sur fond de couleur et, bien sûr, il n’y a pas la moindre trace de bureau d’informations touristiques. À défaut, le tour du centre en voiture puis à pied donnent un aperçu, aperçu de pas grand-chose à vrai dire. De petits immeubles sans attrait, des magasins au rez-de-chaussée, des parkings devant… peu à retenir du premier tour si ce n’est que les côtes de bœuf sont très appétissantes et si peu chères, dix euros le kilo, que nous en mettons au frigo. L’intérêt touristique de la ville doit se trouver ailleurs, un panneau n’indique-t-il pas Stari grad (vieille ville) sans en donner la distance et sans laisser de doute sur la montée vu le relief à cet endroit ? L’expérience aidant et le parking étant gratuit, nous montons à pied. Belle montée. Les immeubles laissent la place à des pavillons et des jardins, la vue sur la vallée s’élargit. C’est agréable bien que la pente soit forte et que rien ne laisse supposer que ne soit pas loin, comme ce qui ressemble peut-être à des restes de murailles au sommet de la montagne, là-haut. Nous demandons, nous adressant aux personnes directement en allemand, c’est bien par là, pas loin, la route monte fort. La pente est forte, c’est un fait, par contre, que ce ne soit pas loin sans dire à quelle distance montre que cette personne n’a jamais dû s’y rendre à pied ! La dernière maison est une jolie fermette avec de belles meules de foin comme on n’en voit plus qu’en photo chez nous. Ensuite viennent la forêt et, plus haut, des restes de remparts dans le prolongement de la masse rocheuse qui en émerge. La route s’arrête bien avant, au pied d’autres ruines dans lesquelles deux tours ont été rénovées. Ce sera assez pour nous. Du bord d’un rempart, la vue embrasse toute la ville ainsi qu’une large portion de la vallée et, juste en-dessous, à nos pieds, des remparts se poursuivent sur un chaos rocheux où la progression risquerait d’être incertaine. Deux jeunes joggers arrivent et profitent de leur pose pour nous donner des informations en anglais : d’une pureté remarquable, la rivière qui descend cette vallée a déjà été le cadre d’un concours international de pêche et devrait l’être à nouveau en 2015 ; le château s’étend bien jusqu’au sommet de la montagne. Nous leur demandons s’il est possible de trouver internet en ville. Réponse évasive, voir vers le feu rouge, il y a quelques années, les boutiques s’étaient beaucoup développées mais, maintenant que tout le monde a internet, en reste-t-il une seule ? Ils continuent leur course et nous redescendons, il fait bon. Comme dit, vers le feu rouge, nous regardons de tous côtés, en vain. Là-bas, derrière, n’est-ce pas un magasin de matériel électro-ménager, d’antennes et de téléviseurs ? Il doit savoir. Il parle allemand, hésite, ne sait pas s’il en reste et finit par demander pourquoi nous voulons internet ! En fait, ils hésitaient, avec sa femme, à nous proposer d’aller chez lui utiliser sa connexion. Nulle urgence ne nous pousse à nous incruster chez quelqu’un. Tant pis, retour au camping-car, sortie du parking en marche arrière et en route. En voici qu’en débouchant sur la rue principale, un panneau « internet » nous saute aux yeux ! Un nouveau tour du centre pour revenir prendre les deux mêmes places dans le même parking et nous y allons. Internet et Skype, parfait. Pour internet, toujours impossible de me connecter à ma boîte aux lettres et, pour Skype, personne en ligne, nous ne restons même pas cinq minutes, si peu qu’au moment de payer, il nous fait signe que cela ne vaut pas la peine. Merci quand même.

Maintenant, il est temps d’avancer un peu. La route qui commence par suivre la rivière la quitte au moment où nous pénétrons en République serbe de Bosnie et dans de sombres forêts de sapins avant d’arriver sur un grand plateau balayé par le vent et propice à l’agriculture, de l’élevage surtout. Les villages sont espacés. Nous trouvons un emplacement à l’extrémité du parking d’une station-service. L’employé ne parle que serbe mais il est d’accord pour que nous nous installions là pour la nuit.

Samedi 12 avril

Jajce, route pour Sarajevo (photos)

Très beau temps, tout est gelé, la nuit a été froide, il ne fait pas 5° C à l’intérieur. Un parcours aux paysages variés amène à Jajce. Avant d’arriver, la route suit un grand et beau lac mais les possibilités d’arrêt sont si peu nombreuses que nous sommes obligés d’avancer, c’est dommage, d’autant plus que cela nous fait rater le Pliva slap, des cascades, sortes d’escaliers d’eau, sur lesquelles sont construits des moulins en bois. Jajce est la deuxième ville dont le nom est surligné de jaune sur la carte, donc cap sur le centre, on verra après. La rue qui y entre, le long de la rivière, arrive à une porte dans des remparts ce qui explique sans doute l’interdiction aux camions et aux autobus. Quant au camping-car, il passera et nous irons voir à pied ce qu’il en est ensuite parce qu’une place libre se présente. Le parking est payant, un parcmètre monte la garde ce qui n’empêche pas un préposé de venir et de me montrer une pièce d’un KM (Konvertibilna marka, mark convertible), les échanges se limitant là parce que rien n’est venu améliorer mes connaissances en bosnien depuis hier. Je suppose qu’il prendrait bien la pièce pour la mettre dans le parcmètre s’il y avait un contrôle et dans sa poche sinon, cela se pratique bien en Espagne ! Les constructions anciennes, à l’intérieur du mur d’enceinte, s’étagent sur une colline rocheuse, cela se voit d’ici, prenons deux heures. Derrière la porte de la ville ancienne, la rue continue. Sans doute peu intéressante avec ses magasins modernes et ses bars-restaurants si ce n’est l’animation qui y règne. C’est sur la gauche que se trouvent les parties historiques intéressantes, des ruelles partent à l’assaut du relief. Plus haut, un bâtiment officiel fermé portant une inscription liée au tourisme a été entièrement rénové ; il précède des restes d’une église et des catacombes. La ruine de la première n’est peut-être pas étrangère à la guerre et il sort un groupe de visiteuses bruyantes des dernières. Sur le panneau d’entrée, quelqu’un a écrit en anglais que ce n’était pas intéressant. Nous n’y allons pas et, pourtant, le gardien nous offre un dépliant ventant les vingt-deux sites liés à la ville, ils ont juste oubliés d’y adjoindre un plan qui aurait permis de les situer. Nous continuons donc comme nous l’avons fait, au hasard. Un hasard guidé par l’intuition résultant de la visite de lieux de cette sorte : un escalier monte, c’est la direction à prendre car s’il y a un château, il a été construit au sommet. Les maisons sont toutes entourées d’un jardin potager bien entretenu et, comme prévu, en haut de l’escalier, le mur d’enceinte d’un château-fort. Une partie du groupe est arrivé, quelques petites tables avec de menus souvenirs sans intérêt et un monsieur-ticket. Il risque de ne pas y avoir grand-chose à découvrir mais les murs sont encore solides et d’en-haut, la vue portera sur la ville, ses remparts et la rivière. L’intérieur, un épais tapis d’herbe, est vaste. Nous continuons à monter pour aller au point le plus élevé du mur. Peu de visiteurs sans doute, car, sinon, l’herbe ne serait pas si belle et si dense. Un grand escalier donne accès au rempart supérieur d’où la vue est conforme aux attentes, l’environnement montagneux et les vallées en plus. Le rempart est large et il est ouvert à la visite sur la moitié environ, nous en redescendons près d’une tour, seul élément intérieur. Elle a été restaurée mais est fermée. Nous regagnons la ville par d’autres escaliers et d’autres ruelles en pente. Une porte, semblable à la première encore que le mur soit plus épais, ferme l’autre extrémité de la rue principale. À l’extérieur, les constructions, de petits immeubles, sont laides. Nous nous y engageons pour aller jusqu’à des marchands de légumes qui y sont installés. Ici aussi, à cette saison, priorité est donnée aux plants à repiquer dans les jardins. Retour par la rue principale décidément bien active mais de peu d’intérêt touristique. Maintenant, balade sur l’autre rive de la rivière. La rive gauche est un parc aux allées nombreuses et un terrain de jeux bien aménagé pour les enfants. Des pêcheurs tentent leur chance au bord de l’eau. Nous poussons jusqu’à la grande surface repérée d’en haut avec le même constat que les autres fois sur la richesse de l’offre. La sortie de notre stationnement se fait par les portes dans les remparts heureusement prévues à leur construction au Moyen-âge pour le gabarit d’un camping-car.

Après cette ville agréable et ensoleillée, la route remonte une première belle vallée encaissée, puis une seconde avant de redescendre. Là, les choses se gâtent. L’urbanisation, dans son aspect le moins intéressant, celui des grands magasins qui alternent avec des grandes surfaces, des stations-services, des concessions automobiles, des garages et des usines prend le pas sur la nature. Tout à coup, la route est fermée par une grande barrière de péage, nous ne nous attendions pas à trouver une autoroute ici. Une toute petite route part sur la gauche, sans indication, nous la prenons. Une autoroute neuve à côté, l’ancienne route de la vallée ne fait pas le poids. Les crédits ont dû l’oublier, les usagers non. Ensuite, comme chez nous, il devient difficile de suivre des indications non autoroutières, avoir en tête le nom du village suivant devient une nécessité mais ne suffit pas à chaque fois. À Travnik, Visoko est barré sur le panneau. La recherche de la déviation nous amène à monter puis à descendre les deux rues principales. Ce n’est pas beau, pour la plupart, des immeubles âgés dans cette vallée peu ouverte. À défaut de trouver une déviation, il suffit de suivre l’indication barrée et les suivantes et tout se passe bien. Malgré les obstacles, nous avançons sans qu’aucun lieu traversé ne nous tente réellement pour la nuit. C’est à Lješovo que nous finissons par nous installer entre la route et la voie de chemin de fer, non loin d’un petit bar paisible. L’autoroute a eu beau capter une partie du trafic, il en reste pas mal sur la route et, contre toute attente, il passe des trains, peu, c’est vrai. Le bruit cesse toutefois complètement dans la soirée.

Dimanche 13 avril

de Sarajevo à Trebinje et la frontière (photos)

Lever tôt, même si c’est dimanche, pour arriver tôt à Sarajevo et pouvoir y circuler. Aucune difficulté, la route est facile et tout est bien indiqué. Nous n’attendions rien de ce coup d’œil dans cette ville qui a trop longtemps fait l’actualité, nous ne sommes pas déçus. Le plus remarquable est le luxe des constructions récentes, immeubles aux formes et aux couleurs très modernes et les belles artères aérées non loin du centre. Nous n’avions pas prévu plus qu’une petite incursion, la chance est avec nous : un soleil resplendissant luit dans un ciel pur. En sortant de la ville, nous sommes arrêtés à l’un des très nombreux contrôles de police, pour rien, juste parler un peu puisqu’on ne nous demande aucun papier. Le policier s’assure que nous sommes dans la bonne direction ! Presqu’immédiatement, nous entrons à nouveau en République serbe de Bosnie où les contrôles sont aussi fréquents. Arrêtés à l’un d’eux, après le bonjour dans la langue locale, plus rien, le policier qui ne parle que serbe nous fait signe de reprendre la route. Cette partie de la République serbe de Bosnie, contrairement à la première, frappe par son abondance des couleurs serbes – de grands drapeaux verticaux sont suspendus à tous les lampadaires des villages – et l’absence complète de drapeaux ou de marques bosniennes. Ne connaissant pas la situation politique, nous ne comprenons rien, mais c’est bizarre, bizarre comme les panneaux routiers dont les noms en écritures latines ont été noircis pour ne laisser que les écritures en caractères cyrilliques serbes, bizarre comme l’étaient les tags noirs qui recouvraient les écritures serbes sur certains panneaux bosniens. Tout ceci donne l’impression de deux pays imbriqués mais étrangers l’un à l’autre et dont les rancœurs trouvent un exutoire dans ce type d’action. Espérons que cela ne va pas plus loin. Le découpage politique, très certainement savant et respectueux des ethnies, quel mot effrayant, ou des religions, ce n’est pas mieux, est incompréhensible sur le terrain aux touristes de passage. Nous en sortons et y rentrons à nouveau quelques kilomètres plus loin.

Après un col, Rogoj, à plus de 1 100 m d’altitude, la route suit un torrent tortueux au fond d’une belle gorge profonde et impressionnante mais elle est si sinueuse et si peu large et sans bas-côtés qu’elle interdit tout arrêt, un bien peut-être parce qu’il n’est jamais prudent de s’arrêter au fond d’une gorge. Le torrent, Bistrice, grossit en descendant et la vallée finit par s’élargir. Nous les suivons jusqu’au confluent avec la Drina qui coïncide avec un carrefour où, après quelques hésitations, nous décidons d’aller faire un tour jusqu’à Foča, histoire de passer dans une ville. Nous n’en attendions rien non plus, elle est propre et arborée mais nous n’y trouvons rien de remarquable et repartons vers le sud. Là, changement. Tout d’abord, la route devient plus étroite, à flanc de coteaux montagneux et ceux qui l’ont construite ont ménagé, à intervalles réguliers sur son bord droit, des sortes de puits ouvert pour l’écoulement des eaux, des puits qui sont assez larges pour y entrer en entier une roue de véhicule et qui dépassent sur la chaussée. Cela renforce la vigilance surtout en cas de croisement ! Après la montée, un col et, bien entendu, redescente sur l’autre versant avec une belle vue alpine dans des teintes allant des prairies puis des forêts vertes au gris des rochers pour atteindre la neige blanche aux sommets. Aucune possibilité d’arrêt. Tout en bas, un village avec son église. De quoi vit-on ici ? D’ailleurs, vit-on ici ? Il s’agit du parc national Sutjeska et il ne fait aucun doute que les quelques maisons ou petits immeubles de Tjentište sont inhabités, le restent-ils en période estivale ? Une sorte de chalet, au bord d’une pente sur laquelle a été construit un grand monument est le point de départ de bien des chemins de randonnée mais comment s’y retrouver avec une carte sans échelle et dans une langue que nous ne comprenons pas, lorsqu’il n’y a personne ? Nous poursuivons tranquillement. La route remonte une gorge si profonde qu’on ne voit pas les sommets environnants. La rivière est sauvage et la nature n’est pas en reste, il n’est que de constater combien de pierres tombées jonchent la route dont le bord, au-dessus de la rivière, a une certaine tendance à vouloir aller au bain. De grands pins, accrochés dans des positions vertigineuses, donnent un peu de couleur à ce décor essentiellement minéral. C’est très beau. Plus loin, la gorge s’est élargie et, de la route qui monte sur la rive gauche, la vue porte sur les sommets enneigés qui dominaient le défilé sans pouvoir être vus. Par contraste, la blancheur de la neige se détache bien du ciel sombre. La montée au col, une route récente, est forte ; son caractère minéral pur donne beaucoup d’importance à cet admirable paysage. De l’autre côté, changement complet, d’alpin, le paysage passe à un relief karstique à l’aridité plus ou moins prononcée avant de déboucher sur une vaste plaine, de retrouver d’autres traits caractéristiques du calcaire puis de s’ouvrir sur un grand lac au sud de Bileča.

À partir de là, nous jouons une sorte de partie de cache-cache avec les nuages et les orages en train de s’abattre sur les montagnes qui entourent Trebinje où nous arrivons juste après une grosse averse. Tout est mouillé, les parapluies sont de sortie. Dimanche après-midi, aucun problème pour trouver un stationnement dans la première rue. Je ne comprends rien au parcmètre mais un passant me fait comprendre par signes de ne pas payer, langage international immédiatement compris ! De nouveau, sans idée des trésors touristiques à découvrir, nous partons à pied vers l’église perchée sur une petite éminence proche. Une rue à droite, hésitation, une deuxième, hésitation, une troisième, de même, les trois montent, mais vers où ? C’est au milieu du carrefour qu’un couple providentiel vient à notre secours, un bien grand mot en l’absence de tout péril. Ils passaient en voiture et nous ont vus. Ils avaient l’œil parce qu’ils possèdent des appartements à louer et nous aurions pu être des clients. L’homme parle anglais et allemand, il est retraité ici et travaillait dans un hôtel de Dubrovnik. Les prix ont atteint de tels niveaux dans la ville côtière croate que des touristes se tournent vers l’arrière-pays bosno-serbe. Bien que nous leur ayons dit ne pas chercher de logement et juste chercher à monter à l’église, ils insistent pour nous y conduire ce qui les oblige à déménager tout ce qu’ils avaient mis sur le siège arrière dans le coffre. La rue visée était la bonne, mais aurions-nous trouvé dans ce dédale de petites rues pentues qui prennent la forme hélicoïdale d’une coquille d’escargot en s’enroulant autour de la colline ? Le calme de l’église remplace les nuisances sonores d’une boîte de nuit dont les habitants des alentours se plaignaient : on leur a demandé ce qu’ils souhaitaient, l’idée d’une église a été émise, puis reprise et, enfin, acceptée. La vue d’en bas donnait l’impression d’une construction sinon ancienne, au moins d’un certain âge, une fois sur place, force est de constater que tout est neuf, de la structure en béton armé aux décors, et que le chantier n’est pas terminé. Nos hôtes nous montrent les escaliers à emprunter pour redescendre, leur maison sur la colline d’en face, nous saluent chaleureusement et repartent. De l’extérieur, l’église ressemble à une église, c’est la raison de notre présence ici, mais ce que nous voyons, les terrasses sur lesquelles nous montons évoquent plus une maison. Le bâtiment n’est pas intéressant au contraire de sa situation. De là, toute la ville, la rivière, la plaine et les montagnes se découvrent. Vers l’est, à l’extrémité de la ville, sur une autre colline, arborée, celle-là, au moins une église semble contempler le bassin et les montagnes alentour ; nos accompagnateurs, avant de s’éloigner, ont dit que c’était de là que la vue était la plus belle. Retour en ville d’abord par des escaliers entre des pavillons qui ont aménagé leur potager en terrasses et planté sur chacune des pommes de terre déjà bien développées, ensuite, par des rues, d’autres que celles que nous avons prises à la montée, pour développer notre connaissance des lieux. Cela nous amène à l’extrémité de la vieille ville, celle qui donne sur le parc, un parc dont on ne voit pas l’autre bout et qui est planté de grands sapins. En les dégageant, les allées leur donnent belle allure. C’est à cet endroit aussi que nous trouvons un plan de la ville. Ce ne sera pas simple d’aller à l’autre colline. La traversée de la vieille ville laisse une impression désagréable, les maisons y sont en effet abandonnées et les seuls points de vie sont de petites boutiques de restauration rapide. Nous ne savons pas si nous allons à l’autre colline en voiture ou à pied, mais dès lors que nous passons le pont neuf à pied, la décision est prise, le seul souci est le temps. Il fait soleil, mais les montagnes vers l’ouest se chargent et des orages pourraient se développer, d’ailleurs, plus nous montons et plus le noir s’avance vers nous. Sans plan, nous demandons notre chemin à deux reprises, par gestes avec la même réponse. Une fois sur la voie, plus de problème mis à part la distance et le temps nécessaire pour atteindre le sommet qu’aucun raccourci ne réduit. Nous ne sommes pas pressés, seule la couleur du ciel est inquiétante. Avant d’arriver en haut, la ville, pourtant pas éloignée à vol d’oiseau, est déjà recouverte d’un voile noir et menaçant ; des rideaux de pluie s’abattent sur les montagnes du fond et les nuages s’accrochent maintenant au-dessus de la route par laquelle nous sommes arrivés. La rue que nous montons est bordée d’un côté de pavillons près desquels nous pourrions trouver un abri temporaire mais, après le dernier, plus rien. Nous arrivons en haut sans une goutte, une chance. Un beau point de vue, vraiment, parce que la ville occupe un beau site : la rivière contourne la colline, en face, la partie plus ancienne, au-delà, la plaine et tout autour des montagnes, sans compter, avouons-le, qu’un ciel tourmenté renforce le caractère de ce qu’il recouvre. L’église est récente, l’intérieur intégralement peint dans un style orthodoxe plus ancien. Nous avons finalement de la chance : la pluie est restée en montagne et le ciel tend à se dégager. Sur la fin de la redescente, des escaliers découverts en suivant des passants raccourcissent le trajet.

Il ne reste plus qu’à repartir en direction de la frontière croate. Pour ce soir, le plan est d’aller au plus près de la frontière et d’y passer la nuit, pas question d’aller au camping à Dubrovnik. Curieusement, toutes les indications pour des lieux croates ont été rendues illisibles, seules les bosniennes, les monténégrines et les serbes sont sans tache. C’est sans incidence, nous connaissons la direction. Dès la sortie de la plaine, rapidement donc, le calcaire et sa végétation de buissons variés ne laissent place à rien d’autre. La route tourne autour des rochers. Grâce à la carte, nous savions la distance courte, une bonne vingtaine de kilomètres, ce qui ne nous empêche pas d’être surpris de tomber tout à coup sur une barrière et des panneaux de douane. Réaction rapide : une petite route à droite de la barrière, un terrain herbu devant la maison du coin, je tourne et m’arrête ! Un homme se trouve sur la terrasse du premier étage, parking ? en désignant l’espace – OK ! C’est parfait, ce sera notre terrain de camping. L’environnement est étrange. Juste au-dessus du poste-frontière, une maison d’habitation récente, tout comme derrière. En face de nous, de l’autre côté de la route, un terrain vague avec une végétation encore plus chétive qu’avant mais moins que sur les montagnes. À 500 m sur la droite, une rangée de maisons neuves sauf les deux du milieu qui ont tout du dynamitage. C’est un fait qui nous aura frappés tout au long de cette partie du circuit : on construit des maisons, parfois belles, à côté de restes de la guerre ce qui donne un mélange étonnant et interroge sur la vie qu’on peut mener juste à côté d’une maison brûlée ou dynamitée. La plupart ne sont pas minées et, pourtant, on laisse ces ouvertures béantes et noires à côté de chez soi. Plus loin, en face, on construit des rangées de pavillons dans la garrigue, ce doit être, ici aussi, une conséquence du renchérissement du coût de la vie sur la côte, on est à moins de vingt kilomètres de Dubrovnik et l’altitude doit rendre les nuits d’été plus supportables. Vu d’ici, il semblerait aussi que, vers le milieu de la rangée de maisons de droite, se trouve un magasin. Nous avons vu juste, il nous permet d’épuiser nos derniers KM.

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