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Voyage de 2014

Semaine 13, Bulgarie, Macédoine, Kosovo, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Hongrie et Autriche

Lundi 23 juin

Sofia (photos)

Très belle lumière, ciel bleu pur. Les maisons les plus proches sont merveilleusement mises en valeur par l’éclairage matinal du soleil. Ce matin, nous reprenons la route d’hier jusqu’à la principale puis cette dernière en direction de Sofia. La nature vierge d’hier se poursuit avec le passage d’un col et des forêts. Plus loin, le relief s’estompe, l’agriculture reprend. Tout à coup, plus une feuille sur les arbres, céréales réduites à une dizaine de centimètres, branches cassées, paysage quasi-lunaire, résultat d’une violente averse de grêle qui a eu le bon goût de se produire avant notre passage. Il ne reste pas de trace de glace, mais les dégâts à la nature sont impressionnants. Gros bouchons à l’entrée dans Sofia, c’est la pagaille, certains n’hésitent pas à rouler dans l’herbe des bas-côtés. Heure d’affluence et travaux sur la chaussée réduisant le passage à une seule voie, nous patientons. Nous avons bien repéré le centre et les directions à prendre mais nous ne savons tout de même pas si nous sommes dans l’avenue voulue. En ville, la circulation est plus fluide, nous aurions préféré le contraire parce qu’à cette vitesse, nous n’avons pas le temps de déchiffrer les panneaux d’interdiction ou d’arrêt réglementé en passant. Nous finissons par prendre une place en épi sous des arbres le long d’un parc. Le camping-car dépasse sur l’avenue mais elle est large. D’ailleurs la préposée au stationnement trouve que c’est très bien. Nous prenons deux heures et lui demandons où nous sommes sur le plan du guide, exactement où nous pensions. Nous partons à la découverte. Grâce au plan, nous savons par où passer et arrivons rapidement à l’église Sainte-Nedelia (Света Неделя), peu ancienne mais à l’intérieur entièrement peint, puis à la place de l’Indépendance que domine la statue de Sainte-Sophie, ses ors étincelant sur fond de ciel bleu. Plus loin, c’est l’église Sainte-Petka-des-Selliers (Света Петка Самарджийска), petite, à demi enterrée au milieu d’un océan de béton. Fermée, pas de chance. Nous longeons le grand magasin CUM (ЦУМ) par une galerie extérieure pour aller au Palais national voir la Rotonde (Ротонда), une église curieusement construite dans le jardin intérieur du palais, il vaudrait sans doute mieux dire que l’église a étrangement été enclose dans un gros édifice aux charmes discrets. Sur un autre côté de la même place se trouve la Grande mosquée, qui abrite le Musée archéologique. Il se trouve que la mosquée est la plus ancienne construction de Sofia. Sa salle de prière ainsi que ses galeries latérales et supérieures constituent ainsi un écrin à ses collections qui recèlent des trésors admirables. Nous y passons un long moment. En retrouvant la lumière naturelle, nous partons par le boulevard du Tsar Libérateur (Цар Освободител) en direction de la cathédrale Saint-Alexandre-Nevski (Свети Александър Невски). Des bâtiments historiques, ancien Palais royal, église Saint-Nicolas, bordent les trottoirs du boulevard. Les échafaudages qui recouvrent une partie de la toiture de l’église laissent émerger les dômes dorés. Nous passons ensuite par les jardins dans les allées desquels de nombreux peintres d’icônes et des brocanteurs ont pris place. Les deux dômes les plus élevés de la cathédrale, qui dépassent des hauts arbres, renvoient des reflets de soleil dans toutes les directions. La place est ensuite en grande partie occupée par une scène, une salle en plein air et des installations pour un concert, c’est dommage parce que cela masque le portail. L’intérieur est sombre, l’extérieur massif. Après ce tour, nous repartons vers le camping-car par d’autres rues. Les grands arbres du parc ont apporté l’ombre nécessaire pour limiter la montée de la température à l’intérieur. Départ en direction de Bojana (Боянска църква) pour son église. Pas d’erreur, nous montons dans les bois de la lisière sud de la ville au pied de la montagne qui la domine. Il reste une place, une seule, en plein soleil, sur la petite place devant l’enclos. Pour la visite, il est possible de prendre un billet combiné avec celle du Musée national d’Histoire (Национален исторически музей). Nous devons attendre car les visites sont très réglementées : d’autres visiteurs sont à l’intérieur, pas plus de huit à la fois, pour une durée limitée à dix minutes, les photos y sont interdites et on est accompagné. Un jeune couple de Canadiens anglophones attend aussi. Le gardien se propose, sans succès, de nous guider. La petite église est en trois parties accolées, de plus en plus anciennes et de plus en plus petites. L’extérieur, tout en briques, ne présente aucun signe particulier. Seuls l’intérieur des deuxième et troisième parties est peint, de belles peintures expressives. Vu la taille, ce n’est évidemment pas grandiose, l’espace réduit empêche d’en avoir une vue d’ensemble et le tout manque donc d’ampleur. C’est aux détails de chaque tableau qu’il faut s’attacher. Dix minutes pour cela, c’est à la fois peu pour établir des liens ou des comparaisons et presque trop par rapport à l’exiguïté. Le petit parc ombragé à l’entrée flanquée de deux séquoias est agréable. Nous repartons par la même route puisque nous avons vu l’accès au musée en montant. Il faut toutefois redescendre jusqu’en ville pour trouver le rond-point où faire demi-tour et reprendre à mi-côte l’avenue du musée. Celui-ci est installé dans l’ancien palais de Todor Živkov (Toдор Живков). Au pied de la montagne, l’énorme bâtiment barre l’allée qui y conduit. Le parc donne l’impression d’être sans limite. Les collections sont aussi impressionnantes que celles de ce matin. Ces deux musées, à eux seuls, méritent l’arrêt à Sofia. En ressortant, nous demandons notre route de départ au guichet, aucune des deux dames ne sait, nous allons devoir nous débrouiller.

La sortie de la ville, pourtant assez confidentielle, ne pose aucun problème malgré la circulation, nous ne nous trompons à aucun moment et ne demandons pas ! La route n’est pas bien bonne jusqu’à Pernik (Перник) où elle sort de la forêt. Usines, cheminées, cette ville a tout de la ville industrielle poussiéreuse, du moins vue de son contournement. Ensuite, plus de circulation, c’est la campagne avec des champs de céréales variées. Il nous faut prendre à droite en direction de Zemen (Земен). Une route plus petite qui commence par courir dans les champs avant d’emprunter la vallée d’une petite rivière au milieu des arbres. Les villages sont bien indiqués. Zemen, une gare, des petites rues pavées. La route à prendre n’est pas dans la continuité de la précédente, mais à la vitesse autorisée par l’inconfort des pavés, nous avons tout le loisir de scruter les panneaux. Montée en forêt, voici le monastère (Земенски манастир). Arrêt devant la porte, pour constater qu’il est 6 h 10 et qu’il ferme à 6 h ! Une seule place de parking, en forêt au-dessus du site sous de grands noyers. Le mur bas de l’enceinte laisse bien profiter du bel éclairage du soleil sur la petite église au milieu de sa pelouse. Un peu plus loin, une fontaine, puis quelques maisons fermées. Les passants sont plus que rares, les voitures encore plus, seules quelques motos et mobylettes font des allers-retours, puis, plus rien, nous restons seuls. Les seules lumières sont les deux projecteurs qui illuminent l’église.

Mardi 24 juin

Zemen, Kjustendil et passage en Macédoine (photos)

Encore une belle journée en perspective. Nous sommes ici pour les peintures à l’intérieur de l’église. Le monastère ouvre un peu avant l’heure et à 9 h ½, nous pouvons y entrer. Les belles fresques restaurées ne couvrent pas tous les murs et, comme l’église est petite, on comprend que ce ne soit pas une attraction touristique majeure. Il nous faut maintenant retourner à la route principale. À Zemen, c’est jour de marché. Bien que le marché, des vêtements, des plantes… soit peu intéressant, il attire bon nombre d’habitants. La route jusqu’à Kjustendil (Кюстендил) est agréable. Sur place, parking facile mais payant, nous partons en balade en ville. Des avenues piétonnes, énormément de cafés et de restaurants, des arbres, des maisons de caractère… font une halte agréable. De retour de la rivière, nous passons par un petit marché où des habitants des alentours sont venus avec leur production : fraises, cerises, tomates… à des prix défiant toute concurrence, la production bat son plein et tous vendent les mêmes fruits. La chaleur commence à être forte lorsque nous reprenons la route vers le sud. La frontière n’est pas loin. Aucune circulation, les liens entre la Bulgarie et la Macédoine ne doivent pas être forts.

Pas une voiture, un seul camion aux postes. Les démarches doivent être faites deux fois. Les Macédoniens, au contraire de leurs collègues Bulgares, parlent anglais. En Macédoine, une partie importante du personnel est occupée à la peinture des bandes blanches et du mot STOP sur la chaussée. Ils n’ont qu’un pinceau mais tous participent ! Nous les voyons se pencher pour vérifier les alignements, donner leur avis sur la largeur des lettres, autant dire l’importance des travaux de la journée. Aucune autre voiture n’est arrivée, la peinture aura le temps de sécher ! Nous nous arrêtons ensuite cinquante mètres plus loin, au minuscule magasin-banque, pour changer un peu d’argent. La frontière étant placée à un col, ensuite, la route descend. Sur le versant sud, des terrains herbus et souvent sans culture remplacent progressivement la forêt de la montée et des hauteurs. La descente est rapide et, avec elle, l’élévation de la température ainsi que la sécheresse du paysage, d’autant plus marquée lorsque la route quitte la vallée. Ensuite, ce ne sont plus qu’ondulations de terrains couverts d’herbes jaunies, peu de champs, pas de troupeau. De quoi vit-on ici ? Ce n’est que plus loin que les cultures reviennent. Tout à coup, une autoroute, et, presque à sa suite, un péage. Heureusement que nous avons ce qu’il faut. Si nous n’avions pas changé à la frontière, je ne sais pas comment cela se serait passé. Ce n’est pas bon marché, l’équivalent d’un euro pour une vingtaine de kilomètres sur l’autoroute Alexandre-le-Grand. Changement d’autoroute (Mère-Teresa) et nouveau péage, un peu moins pour une courte durée. À partir d’ici, il va falloir se débrouiller, la situation est simple, le rythme de la circulation est soutenu, nous ne savons pas où aller, ni où stationner, nous n’avons aucune information et pas de plan, il fait très chaud et il n’y a pas un nuage, pas un brin d’air !

Premier contact avec Skopje (Скопје). Premiers tours de ce qui pourrait être le centre, une colline et un vieux château pourraient être une indication sérieuse, les panneaux indiquant le centre ont d’ailleurs disparu. Des voitures arrêtées partout, n’importe comment, sauf là où il n’y en a pas à cause des interdictions – de la sévérité et des enlèvements à craindre, c’est toujours comme cela quand personne ne prend place. Les soupçons se précisent tout de suite : des camions de fourrière tournent à vide, l’un d’eux est en pleine action. Rien de bien encourageant. Il faudra donc trouver un endroit où il y a déjà des voitures en nombre. Nous n’avons vu qu’un seul parking, au pied du château, si serré que ce serait entrer dans une souricière que d’y aller. Deuxième tour, les voitures stationnées ne bougent pas. On a beau dire jamais deux sans trois, nous arrêtons de tourner et prenons la rue du parking. C’est exactement comme prévu sauf que nous passons, les rétroviseurs ne touchent pas tout à fait des deux côtés, et une place s’est libérée dans un coin. Le camping-car y tient, un miracle. Espérons qu’au moment de partir, le parking se sera un peu délesté. Deux jeunes s’occupent du parking, ils ne parlent pas anglais mais hèlent un passant qui traduit, un autre jeune, sympathique. Tarif : un euro l’heure, cinq euros les vingt-quatre heures. Nous demandons s’il n’est pas possible de payer par ticket comme c’est indiqué sur le panneau en anglais, non, il faudrait avoir une carte SIM macédonienne, l’arrangement doit être un système de détournement des paiements à leur avantage, l’argent va dans leur poche, des euros plutôt que des denars. Peu nous importe, l’essentiel est de payer et d’être couverts. Nous partons rapidement vers le fleuve Vardar (Вардар) et les grands bâtiments entrevus lors de nos tours. De l’ombre de la rive droite, une ombre bienvenue enfin, les grands, somptueux et pompeux bâtiments blanc immaculé se détachent sur un ciel d’azur foncé. Vu le peu de temps que nous passons dans la capitale, nous ne connaissons pas la fonction de chacun d’eux sauf celui sur lequel elle est inscrite au fronton : Musée national d’archéologie (Археолошки Музеј на Македонја). En plus des ponts, les deux rives sont reliées par deux passerelles, dans le style du pont Charles à Prague, mais en moderne, avec un âge à un chiffre. Toutes deux sont bordées de statues en pied, des philosophes et des hommes célèbres. Plus loin, un gigantesque socle de pierre blanche dont la forme rappelle celle d’une bobine de fil vide supporte une statue équestre d’Alexandre le Grand, véritable héros national qui a donné son nom à une autoroute, à l’aéroport de la ville et qui est statufié, une récupération d’un patrimoine historique plus méridional ? Une petite visite de l’allée Macédoine, les magasins sont luxueux. Nous rentrons par le vieux pont, autre place, autre statue du héros. C’est ici que nous trouvons enfin une carte du pays. Que penser de toutes ces constructions monumentales, somptueuses, démesurées qui sont en opposition avec ce que nous avons ressenti du niveau de vie dans le pays ? Au profit de quoi ? Au détriment de quoi ? Cette nouvelle voie piétonne mène au pied du château, un quartier résolument touristique si l’on en croit les commerces qui s’y trouvent. Nous rentrons parce qu’il est assez tard pour quitter la ville et aller chercher un emplacement à l’extérieur. Nous n’aurons donc pas plus qu’un aperçu de cette ville. La recherche de la sortie nord de la capitale fait traverser des quartiers musulmans populaires, véritable bazar oriental en plein air. La manne financière qui s’est abattue sur les rives du Vardar n’est pas arrivée ici, mais quelle vie ! C’est autre chose que ces enfilades de terrasses brumisées et de grands bâtiments.

Le paysage reprend rapidement l’allure qu’il avait avant l’entrée en ville : des champs et des espaces à l’herbe jaunie. À l’occasion de l’achat de pêches à des jeunes sur le bord de la route, nous demandons où se trouve le monastère Saint-Nikita – je dis monastère parce que le mot en macédonien doit être voisin du nôtre et que je ne sais pas dire église dans les langues régionales. Il est indiqué sur la carte. Ils ne parlent pas anglais mais font un large geste vers le sud comme si nous avions déjà dépassé la route à prendre. Nous rebroussons chemin jusqu’à la première route à gauche. Ici, tout est jauni, aucune culture, des arbustes. La route est de plus en plus défoncée, nous persévérons parce qu’il est clair que c’est dû à un trafic de camions pour la carrière, en haut de la colline et qu’on peut avoir l’espoir que cela ira mieux après. Derrière, un petit village est blotti dans un creux de vallée vert. Plusieurs routes en partent. Inutile de poursuivre l’exploration, c’est étroit, rien n’est indiqué et il est sans doute illusoire de chercher à se faire comprendre. Retour au début du village. Le ruisseau a bien débordé et charrié des boues et des cailloux, mais tout est sec et aplani. Nous prenons place. Il fait très chaud, d’autant plus que nous sommes dans un creux en plein soleil. Des enfants viennent traîner par ici, vite renvoyés par un adulte de passage. Nous décidons d’aller chercher ailleurs. Retour à la route. Arrêt dans une vaste station-service. Le parking est aussi chaud, mais, ici, l’air peut circuler. Aucun problème, peu de passage, pas de bruit et pas d’orage en vue.

Mercredi 25 juin

au Kosovo (photos)

Nous commençons par le plein, les pompistes demandent si nous avons bien dormi. Ici, on parle albanais, encore un de ces mystères concernant les populations de l’ancienne Yougoslavie. Malgré le plein, il reste de l’argent et la frontière est toute proche. Arrêt à la station suivante, pour son petit magasin. Ils n’ont pas grand-chose, l’achat de quelques paquets de chips, d’eau minérale et d’autres menues denrées n’épuise pas la réserve, nous verrons à la frontière. Le relief s’accentue vite.

Le poste frontière est là, sur le côté de la vallée dont le fond est plein de poids lourds dont les chauffeurs s’occupent des démarches de dédouanement. Rien ne serait à signaler si, au poste frontière kosovar, le policier ne déclarait que notre carte verte n’est pas valable et que nous devons contracter une assurance. Nous ne nous en étions pas aperçus. Maintenant, de deux choses l’une : ou bien l’assurance n’est pas chère et nous payons, ou bien elle est coûteuse et nous faisons demi-tour et passons par ailleurs. Le bureau des assurances est à moins de cinquante mètres, tout est donc bien organisé. Ce bureau est installé dans un Algeco en bois sombre posé sur la chaussée. Je ne suis pas le premier, ce qui donne le temps d’étudier des tarifs affichés. Rédigés en euros, les tarifs seraient faciles à comprendre, s’ils ne comportaient pas des catégories que je ne saisis pas. Il y en a pour toutes les bourses. Je ne suis pas très avancé. Un autre homme entre et se place comme s’il voulait passer avant moi, mais non, c’est un acolyte de l’employé. Il parle anglais et, au-delà de la sempiternelle question sur notre pays d’origine, demande où nous comptons nous rendre et quelles visites nous comptons faire. Aucune idée, nous n’avons pas plus d’information que pour la Macédoine, seulement une carte à grande échelle. Selon eux, trois lieux méritent le déplacement, il les liste sur une feuille de papier qu’il me donne en la commentant. Le premier est une grotte. Nous évitons de façon presque systématique les grottes parce que nous en avons plein d’extraordinaires sur nos causses. Vient ensuite une ville avec de nombreux monuments anciens, Prizren, et, enfin, un autre lieu que je comprends mal, nous verrons sur la carte. Pour l’heure, l’assurance coûte vingt euros, c’est bon, c’est le tarif le moins élevé pour les véhicules spéciaux. Aucune question sur ce qu’elle couvre ou non, à quoi bon, je ne comprends déjà pas lorsque c’est en français ! On nous délivre un beau document et tout le monde est content. Au camping-car, nous regardons les destinations touristiques. Prizren est à l’écart de la route, mais cela donne un but à notre passage dans ce petit pays et nous permettra de voir autre chose que la route de la capitale. Question : pouvons-nous utiliser l’euro pour les paiements ? Oui et, mieux que cela, c’est la monnaie de compte usuelle.

La route à prendre se détache de la principale quelques kilomètres plus loin. Le ciel se charge sur les montagnes, avant de commencer à envahir le reste ; le soleil luit encore. Sur cette route secondaire, les villages sont commerçants et vivants. Puis elle s’attaque à la montagne, le paysage est alpin, vert et plutôt boisé, des torrents dévalent les pentes. La pente est forte, la route très sinueuse et juste assez large, un peu plus que le camping-car, ce qu’il faut en plus pour croiser en faisant attention, ce qui n’est pas nécessaire puisque nous sommes seuls. C’est très beau, mais nous ne trouvons aucune possibilité d’arrêt. La montée et les virages limitent la vitesse, du temps pour constater que le temps continue à se gâter, le ciel est maintenant noir et brumeux vers le haut. Le vent violent arrache des feuilles puis de petites branches, en fait tomber de plus grosses, nous n’aimerions pas nous trouver là au moment de la chute. Hors de la forêt, l’herbe est fournie, haute et bien verte. Quelques passages ont souffert d’effondrements qui ont été comblés mais pas asphaltés. À l’approche du haut, des panneaux pour des hôtels, des restaurants… tout ce qu’il faut pour des vacances à la montagne ; au col, un manège, des auto-tamponneuses et une balançoire. Le vent est si fort, que nous ne nous arrêtons que le minimum de temps, celui de faire une ou deux photos. Il fait froid mais des groupes sont assis dans l’herbe. Des névés sont accrochés dans les creux des flancs du sommet voisin. Sur l’autre versant, moins de vent, une route plus large, peu de forêt, deux villages, des maisons et, surtout, une pente impressionnante. Malgré les arrêts, nous arrivons vite en bas, dans une autre vallée, avant d’entrer dans une ville, Reçan, autre petite ville animée. La situation se complique peu après : tout à coup, au milieu de la forêt, un panneau barre la route de Prizren et un ouvrier dévie la circulation – deux voitures – par une petite route qui attaque fermement la montagne. Bien évidemment, nous ne savons rien de ce qui se passe, déviation temporaire ? Si oui, quel est le temps d’attente ? Si non, la déviation est-elle fléchée plus haut ? L’autre voiture, locale, monte, alors que son chauffeur a parlé avec l’ouvrier, nous pouvons supposer qu’ils se sont compris et qu’il faut se résigner à monter. En l’absence de tout tracé sur notre carte, nous partons à l’aventure. Elle commence par sept lacets serrés en forêt, puis des prairies remplacent la forêt laissant le regard porter aussi loin que le temps gris-noir le permet, nouveau paysage alpin de villages et de prairies aux fortes pentes. Si l’air était pur, ce serait très joli avec le fond de montagnes près desquelles nous sommes passés au col. Au début, nous nous disons que nous allons arriver à un col et qu’il suffira de redescendre de l’autre côté, mais elle continue, continue… Après l’avoir suivi, nous finissons par doubler un taxi Mercedes hors d’âge essoufflé par la montée. Les virages, d’autres lacets tout du long. Plus haut, beaucoup plus haut, un choix, pas un panneau. La route continue, une autre part sur la droite. Tout droit vers des villages ? L’orientation générale voudrait que nous partions à droite, mais ce n’est guère engageant : aplani mais non goudronné, le début est une montée dans des cailloux qui roulent. Le taxi a tôt fait de nous rejoindre. Je lui fais signe, il s’arrête et, surprise, son chauffeur parle un peu français ! Il a travaillé un temps en France et en est revenu avec suffisamment de connaissances pour expliquer que c’est bien à droite. Il passe devant avec ses trois passagers. Nous suivons. Les pierres qui roulent ne durent pas et la chaussée est bien aplanie et dure, heureusement, par contre cela ne fait pas revenir l’asphalte. Nouveau lacet, puis entrée en forêt. La route, maintenant horizontale, est plus terreuse, quelle chance qu’elle soit sèche. Belle forêt dans laquelle on se plairait à chercher des champignons. Tiens, un camion à gauche sur la chaussée, un tas de bois à droite. Le passage n’est pas assez large, arrêt. Ils sont cinq à charger des rondins sur la plate-forme et font signe d’avancer, je réponds que non, nous attendrons le temps qu’il faut. Vu que nous sommes absolument seuls sur cette route, nous pouvons restés garés au milieu sans gêner. Bien sûr, plusieurs viennent voir et, surprise, certains parlent un peu français ! Qui aurait dit qu’au beau milieu d’une vaste forêt kosovare, nous rencontrerions des manutentionnaires francophones ? Leurs connaissances sont bien limitées, ils ne parviennent même pas à dire où et comment ils les ont apprises, par contre, nous n’avons pas eu besoin de leur dire que nous étions Français ou que nous parlions français, la plaque d’immatriculation a suffi ! Comme nous attendons, ils s’activent, chargent ce qui gêne le plus et déplacent le camion, un camion tellement vieux et délabré que nous sommes contents de constater que le moteur tourne encore. Grands gestes d’adieux et nous pénétrons plus avant dans cette sombre forêt de feuillus. La sortie de la forêt se fait sans plus de transition que l’entrée. Dernier arbre, une autre vallée profonde avance ses bras dans plusieurs directions. Le tracé de la route se voit bien au loin sur le versant d’en face, cela n’en finira donc pas ? Il n’y a pas long à faire avant d’arriver à un nouveau choix, sans plus d’indication que le précédent. Nous prenons à droite, vers la descente et dans la bonne direction géographique. Descente vertigineuse, toujours pas la moindre trace de goudron, nouveaux lacets. C’est dans l’un d’eux que nous retrouvons l’asphalte, un beau tapis très doux. Des ouvriers font du ciment et le distribuent par brouettées et à la pelle sur les raccords du gros caniveau. C’est sûr, à ce rythme, la route sera asphaltée au XXIIe siècle. La pente est toujours aussi forte, la montée doit être délicate lorsque c’est mouillé ou un peu boueux, en revanche, nous retrouvons rapidement la route déviée.

Entrée en ville. Toute recherche d’un stationnement dans la rue serait illusoire, les entrées dans les parkings qui donnent sur la rue principale sont si étroites que le passage d’une voiture doit être juste, alors en camping-car… Plus haut, un grand terrain avec des bâtiments et un panneau P de parking, juste ce qu’il fallait. Pas de préposé, pas de trace de tarif. Nous partons à pied, vite avant la pluie. La rue principale est une sorte de bazar, on y vend surtout des bijoux et des vêtements féminins de sortie. Plus haut, nous n’y sommes pas passés en camping-car, élargissement. Une longue queue devant une banque, pourquoi ? En face, une hauteur, un château, des églises à mi-pente. Au pied, la vieille ville, une grande mosquée et, juste devant, la rivière Lumëbardhi, gros torrent qu’enjambe un vieux pont. C’est assez joli, la réserve est due au temps qui ternit tellement les couleurs et gomme tellement les reliefs que le paysage en perd de la saveur, sans compter que la pluie menace. La mosquée, Sinan Pasha, a été entièrement restaurée grâce à des fonds turcs. Murs intérieurs et plafonds sont peints. Les premières gouttent attendaient que nous sortions, elles sont rapidement suivies de beaucoup d’autres. Nous n’en faisons pas moins un tour dans le vieux quartier, des belles maisons ottomanes la plupart hélas en mauvais état. Des travaux de restauration ont été entrepris, ils dureront des années. L’ensemble, surtout par temps plus clément, sera alors pittoresque. Les maisons réhabilitées sont occupées par des commerces, des bars et des restaurants. Entre deux, une minuscule église, Saint-Nicolas, belle mais fermée. C’est en passant le Vieux pont de pierre (Ura e vjetër e gurit) que nous voyons un blindé allemand et son véhicule d’accompagnement. Le retour se fait sous la pluie. Au départ, le préposé au parking est là !

En route pour Prishtinë, la capitale, route facile, souvent large entre forêts et cultures sous un ciel noir et des averses. Ce n’est pas idéal pour la découverte, mais il faudra bien s’en contenter. Comme à Podgorica, nous arrivons sans illusion sur les attraits touristiques des lieux et nous ne sommes pas déçus. La circulation est dense, le stationnement impossible en plein après-midi, nous parcourons quelques rues centrales, passons et repassons devant la cathédrale Mère Teresa (Katedralja Nënë Tereza), un monument récent et sans charme ni finesse. L’autre édifice qui retient notre attention est la Bibliothèque nationale du Kosovo (Biblioteka Kombëtare e Kosovës) pour son toit en dômes de plastique sertis de bandes métalliques et ses façades comme enveloppées d’un grillage à mailles énormes, étonnant, nous n’irons pas jusqu’à dire beau ! Les rues nous ont paru bien animées, avec de nombreux commerces. Deux ou trois arrêts photo et nous reprenons la route, cette fois en direction de Mitrovicë, au nord-ouest. Route défoncée, épouvantable, les travaux ont commencé par la démolition de l’existant, on nous fait passer d’un côté à l’autre, contourner les creusements de canalisations, descendre et remonter des talus pendant des kilomètres. De plus la circulation est assez dense dans les deux sens. Des militaires, encore, Ukrainiens cette fois. Nous nous arrêtons à l’entrée de Mitrovicë dans une grande station-service, pompes, magasin, lavage, restaurant et parking en point de vue sur la vallée de la Sitnicë. Le personnel du lavage parle un peu français, quelques mots, cela devient une habitude aujourd’hui ! Eux l’ont appris au contact des militaires Français dont le camp est proche et dont ils lavent les véhicules avec, disent-ils, un soin particulier pour les dessous de caisse, un détail qui vaut le voyage, n’est-ce pas ? Leur langue est l’albanais. Sur la fin de l’après-midi, le ciel se dégage enfin, la vue et la lumière sur la vallée et ses ondulations sont belles.

Jeudi 26 juin

sud-ouest de la Serbie (photos)

Temps clair superbe, tant mieux. Sans entrer dans Mitrovicë, nous partons directement vers l’ouest. En peu de kilomètres, changement complet. Le paysage qui passe à une vallée plus resserrée et boisée n’en est pourtant pas le point le plus saillant. Non, le plus frappant se trouve dans les innombrables drapeaux serbes qui flottent sur tous les lampadaires ou aux maisons, dans les voitures qui circulent sans plaque d’immatriculation, dans les panneaux d’indication ou sur les magasins, tous écrits en caractères cyrilliques serbes, même le gazole est touché, il ne coûte plus que 0,97 centimes d’euro le litre. Nous n’avons passé aucune frontière, elle doit être plus loin à l’ouest si l’on en croit la carte, près d’un lac qui n’est pas visible d’ici et qui ne doit pas s’y trouver puisqu’on voit toute la vallée. Il y a bien ce poste militaire ukrainien qui barre la moitié de la route et ce grand panneau bilingue anglais-serbe demandant le respect de la résolution 1199 des Nations-Unies mais rien d’une frontière. Tout se passe comme si nous étions dans une enclave serbe en territoire kosovar entrée en rébellion contre les autorités et ne les reconnaissant pas, les habitants refusant par exemple de circuler dans une voiture portant une plaque d’immatriculation kosovare, ne payant pas les taxes d’état sur les carburants… Ces étrangetés mises à part, la physionomie du pays est inchangée. Nous poursuivons, profitant du prix du gazole et du paiement en euros pour faire le plein et apprenant au passage que la langue, ici, n’est plus l’albanais mais le serbe. Le lac attendu finit par arriver, un beau lac de barrage qui occupe tout le fond de la vallée sur des kilomètres et dont les ramifications forment autant de bras. Le ciel bleu et les versants boisés ou couverts de prairies lui donnent de belles couleurs profondes. La rive septentrionale que suit la route, plus escarpée et rocheuse, fait passer dans bon nombre de tunnels.

Tout à coup, frontière, un poste exigu. Premier contrôle, un officier Danois. Le Serbe, quelques mètres plus loin, nous demande où nous allons ! Le lac est finalement très long, puisque nous continuons à le suivre en Serbie tout en cherchant la petite route à droite que nous voulons prendre. La route actuelle continue vers le Monténégro tout proche alors que nous souhaitons partir vers le nord. En voici une. Nous la prenons. Elle monte assez haut dans des montagnes bien vertes d’une grande forêt avant de redescendre rapidement sur l’autre versant. Peu d’habitations. Le ciel se couvre. Nous arrivons à Novi Pazar (Нови Пазар), erreur, nous ne devions pas y passer ! Nous nous sommes donc trompés de route, ce sera sans incidence sur la distance mais cela nous a fait rater une petite route pittoresque. Nous aimerions maintenant aller vers Pobrđe (Побрђе) ou Duga Poljana (Дуга Пољана), mais cela commence mal, pas d’indication au rond-point, je prends à gauche, la direction supposée exacte. Au bout d’un kilomètre en ville dans une rue un peu étroite, nous nous arrêtons et demandons. Ce n’est pas par ici, retour sur la route d’arrivée, il faut traverser le centre-ville et je n’avais pas osé. Un peu de circulation, le stationnement est interdit, mais je m’arrête devant une banque pour changer ce dont nous pensons avoir besoin. Après la ville, la route, un peu plus étroite, est un patchwork ou une mosaïque de morceaux de goudron rectangulaires aux tons de gris variés et aux niveaux mal ajustés. De la forêt, des prairies, quelques petits villages, aucune possibilité d’arrêt, l’ensemble est paisible et champêtre. Tout à coup, une indication, celle de Duga Poljana, nous sommes dans la bonne direction, ce qui est confirmé par la traversée de Bele Vode (Беле Воде). Nous ne pensions pas être si avancés. À force de monter, nous arrivons sur un plateau presque sans arbres traversé de petits vallons. Les cultures sont encore peu développées. Voici une ville. Des travaux de peinture sur la chaussée nous obligent à passer en ville. C’est Sjenica (Сјеница), comment est-ce possible, nous ne devions pas passer par ici ? Nous pensons avoir suivi la route à Duga Poljana alors que nous aurions dû changer, nous n’avons rien vu. Nous tombons le jour du marché, mais nous ne nous arrêtons pas. Sortie de la ville au hasard. Nous trouvons des panneaux, beaucoup de panneaux, plus loin, l’un d’eux indique Ivanjica (Ивањица), nous devions y passer après Bele Vode. La route suit d’abord une petite vallée étroite en terrain rocheux calcaire, la flore est caussenarde. Ensuite, nous avons une forêt profonde qui s’ouvre petit à petit sur des espaces cultivés de plus en plus serrés, des champs de framboisiers et on pourrait presque dire des champs de framboises. Les plans, attachés à deux ou trois rangées de fil de fer de façon à monter sans trop s’étoffer, sont alignés en rangs parallèles dans le sens de la pente. La saison bat son plein, les fruits rouges sont gros et ressortent partout. Dans de nombreuses parcelles, on est occupé à la cueillette, les cueilleurs ne sont presque pas visibles, les pieds montent en effet à près de deux mètres de hauteur. Partout, au bout des champs, devant les maisons, au bord de la route, des cagettes attendent le remplissage. D’autres, empilées, sont déjà remplies et attendent un ramassage. La descente sur Ivanjica, bien pentue, offre des vues sur la vallée et ses innombrables champs de framboisiers. Plus loin dans la vallée, un kiosque, sur la gauche, est plein de cagettes remplies de framboises et un prix est affiché, très attractif. Nous y allons, mais faute d’une langue commune avec le jeune qui est là, nous n’arrivons pas à savoir s’il en vend ou s’il en achète aux producteurs. Dans la première hypothèse, il ne détaille pas puisqu’il n’a aucune balance. Le prix : 160 dinars soit environ 2,60 euros pour deux kilos, la mesure d’une cagette. Nous repartons bredouilles, dommage, elles étaient appétissantes. Nous reprenons la route pour Valjevo (Ваљево). Nous nous arrêtons à une grande station-service bien équipée sur le contournement. Ce soir, orage, des gouttes tombent à l’intérieur, les joints turcs ne sont plus étanches. Ce ne sont que des gouttes et c’est dans la salle de bain, heureusement, et cela n’empêche pas de dormir !

Vendredi 27 juin

Srebrenica (photos)

Très beau temps, ciel bleu pur. Je vais demander à la station-service où trouver un carrossier. La jeune femme parle bien anglais. Elle demande pourquoi, je lui explique. Elle n’a pas de réponse. Peu avant de partir, elle vient et accroche un petit papier à la vitre du chauffeur. Elle explique que nous pouvons aller voir un atelier, à cent mètres d’ici. Merci. Ce sera notre première halte ce matin. De fait, un mécanicien qui a trouvé une échelle colle une nouvelle couche d’adhésif pour carrosserie sur les autres. Ce ne sera pas beaucoup mieux, mais nous nous rapprochons du but et, s’il le faut, nous pourrons nous arrêter à nouveau. Ensuite, nous traversons la ville pour aller chercher une petite route en direction du sud-ouest. Nous ne poursuivons pas le retour mais prenons un jour de plus pour arriver à Vienne, choisissant ainsi le jour qui convient à nos amis.

Petite route de montagne pittoresque faisant alterner des prairies et des forêts, avec ses petits troupeaux, ses maisons traditionnelles peintes en blanc, leurs barrières de bois tressé, des meules de foin, très joli. La route passe un col à 1 272 m d’altitude puis gagne la profonde vallée de la Drina (Дрина). Le relief limite l’agriculture et une partie de celle-ci reste consacrée à la framboise. En bas, nous commençons à mesurer les dégâts provoqués par les pluies torrentielles de mai que nous avions vues à la télévision bosnienne en Iran. Le fond de la vallée est dévasté, le moindre torrent sur les flancs s’est transformé en coulée de boue et a tout entraîné sur son passage. Partout, on s’active à la cueillette, les bras sont nombreux. Un agriculteur vend des barquettes, arrêt. En France, ni les barquettes ni les framboises n’ont cette taille. Très savoureuses. Ici, on cultive aussi les ronces pour les mûres, la saison n’a pas commencé. Photos de framboises. Nous continuons tranquillement cette route agréable vers l’aval, jusqu’au pont de Ljubovija (Љубовија).

Un pont métallique qui permet de passer en Bosnie-Herzégovine. Son gabarit est un peu plus grand que le camping-car, la circulation est réduite, tout va bien. Passage des frontières, une fois de plus. La carte d’identité ne passe pas dans leur ordinateur, ils demandent un passeport. À la sortie du pont, à gauche, direction Srebrenica. Paysages très verts pour venir dans ce triste lieu de mémoire. Le site comporte deux parties, le cimetière et une usine. Au cimetière-mémorial, 8 372 pierres blanches plantés dans des alignements impeccables et 8 372 noms gravés dans le marbre, un ensemble impressionnant. Lieu de mémoire ou de recueillement, des femmes viennent rendre visite aux leurs qui gisent ici depuis près de dix-neuf ans. En face, l’usine désaffectée qui servait de baraquement et à bien d’autres choses. Les entrées sont libres, personne ne garde le site. Nous allons ensuite dans le village, un peu plus haut, voir si le petit trait blanc de la carte indique bien une route. Sur la place, nous nous arrêtons pour demander. Le bureau de tourisme est fermé, je vais voir un marchand de journaux. Un autre homme intervient, Bosnien qui travaille en Suède, il parle très bien anglais et nous conseille de retourner jusqu’à Bratunac. S’il est d’ici et qu’il le dit, suivons ses conseils.

La route est à nouveau un agréable mélange de petits champs, de villages et de forêts. Cette route en rattrape une plus importante, le paysage ne change pas, mais la circulation augmente. Elle continue d’ailleurs à augmenter à l’approche de Tuzla. Nous passons tout près de la ville sans y entrer, les embouteillages sont donc vite oubliés. La route, facile à trouver et à suivre, remonte en lacets dans la forêt. À la descente, une petite ville, Priboj. Un bel emplacement sur la droite en face de magasins et de restaurants, c’est pour nous !

Samedi 28 juin

retour en Serbie (photos)

Journée d’approche, nous avons prévu d’avancer par des routes de campagne jusqu’à la frontière nord de la Serbie. Le temps est superbe, ce sera encore une chaude journée, d’autant plus que nous n’allons pas tarder à retrouver la vaste plaine du Danube. Pour terminer le parcours bosnien, nous avons des paysages semblables à ceux d’hier sur quelques kilomètres, petites montagnes et vallées. La plaine arrive avant Bijeljina où nous nous arrêtons pour les derniers achats. La Save (Sava, Сава), déjà importante à cet endroit, marque la frontière. Retour en Serbie, nous avons plusieurs petites routes que nous cherchons de village en village. Moins de cinquante kilomètres plus loin, passage en Croatie. Par ici, le vignoble remplace les cultures céréalières. Croatie pendant environ six kilomètres, nous rentrons à nouveau en Serbie. Plus nous avançons, plus les villages ont des allures austro-hongroises caractéristiques. Dans certains d’entre eux, la culture des abricotiers occupe une place importante, la saison devrait être bonne tant nous en voyons, elle ne devrait pas tarder à commencer. Les pieds sont si chargés que bien des branches ont cassé. Petit à petit, nous nous rapprochons de l’autoroute que nous prenons vers Bačka Topola (Бачка Топола). Ensuite, nous nous approchons aussi près que possible de la frontière hongroise. Nous passons ainsi devant l’aire de Subotica (Суботица) où nous avions passé la nuit il y a deux ans et allons jusqu’à celle de Horgoš (Хоргош). Elle est plus petite mais c’est sans importance. Nous prenons une place en épi à l’arrière du poste en espérant que des camions frigorifiques ne viendront pas se mettre en face – par chance, ils ne pourraient pas être tout près – ou que l’air conditionné du poste ne sera pas trop bruyant. Forts de l’expérience passée, ce soir, pour la première fois, j’installe les sangles achetées à Sivas entre les poignées des portes avant. Au moins, si nous avons une visite, ce ne sera pas par-là !

Dimanche 29 juin

arrivée dans la forêt viennoise

Aucune visite nocturne, pas de bruit. Nous partons assez tôt. Le temps est superbe et pas trop chaud, idéal pour la route.

La frontière arrive immédiatement. De grands panneaux marquent deux files, celle des citoyens de l’Union européenne et celle des autres. Personne n’en a cure, on change de file selon la façon dont elles avancent, c’est un peu le bazar. Cela n’avance d’ailleurs pas bien vite. À notre tour, cartes d’identité, aucun problème, mais ils veulent visiter le camping-car, nous sommes bien obligés de nous exécuter. Normalement, c’est pour contrôler que nous n’avons pas de passager clandestin, ils poussent le zèle jusqu’à nous faire ouvrir les tiroirs, les coffres… avant de nous dire que c’est bon. Court arrêt à un des bureaux pour acheter la vignette hongroise, un simple reçu comme les facturettes de carte de crédit, à présenter s’il est demandé. Nous voici donc en route pour la traversée de la Hongrie par la même route que la dernière fois, quelques centaines de kilomètres d’autoroute facile. Dans la seconde partie, après Budapest, le trafic est un peu plus important que dans la première, des camions slovaques surtout. Nous progressons bien, sans arrêt notoire et sans nous passionner pour les paysages, la plaine d’abord, des collines ensuite, tout est vert. Plus nous nous approchons de l’Autriche et plus le ciel se charge au point de noircir. Nous le surveillons avec attention sachant que même si l’orage éclatait, nous ne pourrions rien faire et que l’eau passerait dans la salle de bain. Jouant à cache-cache avec les nuages, le soleil nous accompagne jusqu’à la frontière.

C’est la journée des vignettes : arrêt à la frontière pour l’achat de l’autrichienne à une préposée revêche dont l’environnement, un baraquement de chantier sombre posé sur le bord d’un parking inhospitalier le long de l’autoroute, et la tâche, répétitive avec des personnes avec lesquelles elle ne peut rien échanger parce qu’elles parlent toutes sortes d’autres langues que l’allemand, ne sont pas près de lui rendre une amabilité qu’elle n’a peut-être jamais eue. Cette vignette est à coller sur le pare-brise, comme la bulgare. Nous nous étions abondamment trompés en quittant l’autoroute trop tôt la dernière fois, cette fois-ci, nous continuons en direction de Vienne (Wien), la capitale toute proche. C’est sur ce tronçon que le ciel a décidé d’ouvrir les vannes. La pluie est violente, ralentissant tout le trafic. Impossible de nous arrêter et s’arrêter pour quoi, pour regarder l’eau passer les panneaux de plexiglas dans la salle de bain ? À quoi bon ? Nous quittons l’autoroute plus loin, lorsque nous pouvons prendre celle du sud, en direction de Graz, pour en sortir vers Vösendorf et se débrouiller ensuite pour rejoindre Perchtoldsdorf et Maria Enzersdorf sur les hauteurs. Cette fois-ci, nous réussissons à dépasser le centre du premier village, à monter dans le vignoble avant de nous retrouver en haut sans savoir laquelle des routes prendre vers le château de Liechtenstein. Nous appelons nos amis qui nous expliquent par où passer. Moins d’un quart d’heure plus tard, nous sommes accueillis comme toujours. Malgré les quelques 1 600 km restants, cette étape marque réellement le retour et la fin du voyage. Nous sommes comme chez nous.

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