Retour aux récits

Voyage de 2014

Semaine 12, Turquie et Bulgarie

Lundi 16 juin

Aksaray, Sultanhanı (photos)

Très beau temps malgré un ciel moins pur. Le vent a cessé, la journée commence par un déballage complet du coffre pour son rangement sur la place, une opération qui dure une bonne heure, qui ne peut être pratiquée dans un village que dans des pays dont les habitants ne sont pas curieux et qui consiste à résorber ce qui ne servira pas immédiatement et à sortir ce qui pourrait servir dans un avenir pas trop lointain. Une fois par semaine, ce serait bien, mais nous n’y parvenons pas faute d’en prendre le temps. Nous quittons la région en commençant par aller à Avanos dont le grand marché nous avait bien plu. Pas de chance, ce n’est pas le jour, nous reprenons la route vers l’ouest.

Cultures de blé, champs de betteraves à démarier à perte de vue, pas d’arbre. La route pour la capitale régionale, Aksaray, n’est pas longue. Nous y étions passés sans nous arrêter, cette fois-ci, nous y entrons et avons la chance de trouver immédiatement la seule place libre du centre ! Elle tombe bien, je ne me voyais pas continuer à circuler dans des rues parfois étroites dans un trafic dense. Nous ne savons pas exactement où nous sommes, mais c’est sans importance, c’est le centre, nous nous débrouillerons en demandant puisqu’aucun de nos guides n’en donne le plan. Nous sommes à l’arrière d’une mosquée, voyons déjà l’autre côté, une grande place ; qu’elle soit coupée par la circulation n’en donne pas moins un aperçu et nous permet de nous orienter. Plus haut doit se trouver la grande mosquée. Son portail et sa forme ne sont pas sans rappeler ceux du caravansérail de Sultanhanı. La recherche du minaret penché proche de la mosquée Kızıl minare est plus difficile, par contre les passants et les commerçants comprennent parfaitement le geste d’inclinaison qui accompagne la question et nous indiquent les rues à suivre. Tout rouge de par sa construction de briques, il est très penché mais bien moins imposant que la fameuse tour à Pise. Au retour, une fois de plus, nous ne pouvons nous empêcher de passer par le bazar et de faire une pause plus longue chez un marchand de fruits secs dont les raisins sont irrésistibles. Une fois dans un magasin, autant en profiter pour regarder encore plus attentivement ce qui se vend. Ici, ce sont les épices qui retiennent notre attention, n’oublions pas que nous avons une demande familiale à satisfaire dans ce rayon ! Les touristes qui s’arrêtent à Aksaray doivent être rares et faire comme nous la première fois, se dépêcher d’aller plus loin, dans la Cappadoce voisine s’ils vont vers l’est, ou d’en repartir pour atteindre Konya dans l’autre sens. Les constructions anciennes ne sont pas nombreuses et elles se mêlent aux modernes, mais la ville n’est pas désagréable. La sortie est difficile. Pour une raison inconnue, la police dévie le flot de voitures de la large avenue sur des petites rues, créant un long bouchon. C’est à ce moment que nous repérons une boulangerie dont la vitrine déborde de pains de Trabzon. Il n’en faut pas plus pour nous arrêter. La police trouve d’ailleurs que je gêne et me fait ranger mieux, je dois dire que ce qui fait obstacle n’est pas le camping-car, l’avant du bouchon est bien plus loin. La grande route pour Konya est en réparation, ils refont les deux voies dans un des sens. La circulation s’en trouve donc un peu ralentie. Dans cette partie du pays s’établit une nette différence entre les terres irriguées, vertes, et les autres, une steppe à l’herbe rare.

Sultanhanı, celui de l’ouest ; la rue d’entrée dans le village n’est pas recouverte de tapis comme la dernière fois. Le parking du caravansérail est vide, les autocars s’y arrêtent sans doute plus volontiers le matin, sur leur route de Konya à la Cappadoce. L’éclairage de l’après-midi n’est pas favorable puisque sa façade est tournée vers l’est. Nous n’avons nulle intention d’y retourner, nous sommes venus pour retourner chez notre marchand de tapis, pour faire un tour dans le village et y chercher une place pour la nuit. Nous sommes immédiatement repérés, un jeune homme arrive et vante son camping. Nous ignorions qu’il y en avait un, il nous l’indique et nous donne sa carte de visite, nous verrons plus tard. En attendant, je prends les photos que nous avons apportées pour aller les offrir. J’avais en effet fait des photos chez le marchand de tapis et dans un atelier de réfection des tapis. Nous ne retrouvons pas l’atelier, ils étaient plusieurs alignés derrière le caravansérail, il n’en reste aucun, une mesure de préservation du site ? Le magasin de tapis n’a pas changé. Le patron ne nous reconnaît pas, bien sûr, mais il est très touché que nous lui montrions les photos et que nous les lui offrions. Du coup, nous nous installons. Les thés se suivent sans interruption. Il voudrait non inviter chez lui, à manger, à dormir. Je lui dis quand même que deux petites photos ne méritent pas tout cela. Nous lui demandons ce qu’il a comme petit tapis. Il en a de beaux, au point d’hésiter, mais pas au point d’en prendre deux, nous en avons déjà cinq ! Le choix fait, vient la question du prix qui, comme ailleurs, prend le temps qu’il faut. Nous profitons de la convivialité due aux photos pour lui poser la question de la route, nous souhaitons quitter la route principale et partir vers le nord-ouest, sait-il si cette route est bonne ? De sa réponse alambiquée et de ce que nous saisissons de son mélange de turc et d’un peu d’anglais, il ressort qu’il ne doit pas savoir et que lui passerait par Konya. Comme il aimerait savoir à quelle date nous sommes passés et avons fait les photos, je fais un saut au camping-car, il est vraiment très content. Retour, le fils du propriétaire du camping est là, et si nous allions voir ? Vite vu, vite accepté, le jardin et la pelouse d’un pavillon. Ainsi, rien à chercher, un prix attractif que je négocie, le calme, des douches, l’eau… tout ce qu’il faut, même le wifi, dit-il. Tout fonctionne très bien mais pour la connexion internet, rien n’y fait. Il faudrait se trouver dans l’entrée de la maison. Tant pis, nous prendrons Skype et regarderons les mails un autre jour. Ce soir, le temps est à nouveau un peu à l’orage, du vent, pas plus, qui ne nous fait pas regretter d’être à l’abri entre les arbres et les maisons. Un petit tour au magasin, dans la rue, derrière. Bien qu’il ne soit pas le seul dans le village, c’est un peu un magasin général de type Far West. On y trouve de tout et on y fait des rencontres inimaginables. Nous passons un bon moment à parler, en anglais, avec un jeune Chinois qui consulte souvent son cahier pour chercher ses mots et nous apprend qu’ils sont quatre cents ici et aux alentours, en raison, dit-il, de la découverte de l’une des plus grandes réserves de gaz naturel du monde. C’est vrai qu’à côté du magasin de tapis, une porte arborait une enseigne couverte d’idéogrammes, mais comment aurions-nous pu soupçonner qu’ils fussent aussi nombreux et que nous marchions sur de pareilles réserves. Il est tout de même surprenant de ne jamais en avoir entendu parler. Si cela est avéré vrai, la physionomie de la région en sera bouleversée.

Mardi 17 juin

Emirdağ (photos)

Adieu au camping, l’accueil a été remarquable, nous laissons une appréciation dans son livre d’or. Contrairement à ce qu’avait annoncé le fils de la maison, nous n’avons finalement vu personne d’autre, la route que nous souhaitons prendre ne pose aucun problème. Un autre petit tour au magasin d’hier soir et nous sommes en route. Le ciel est pur, le soleil brille. Comme hier soir, la couleur du désert subit des altérations avec l’irrigation qui s’est beaucoup étendue en deux ans. La route pour Eskil se détache sur la droite à une dizaine de kilomètres. Personne, absolument personne. Le paysage devient rapidement désertique avec l’approche des étendues salées du lac Tuz (tuz signifie sel en turc). L’eau n’est pas visible, il ne reste que de grandes plaines blanches sans la moindre végétation. Là où le sol est un peu plus haut, des champs sont cultivés, s’ils sont arrosés, la couleur verte revient. Les virages sont aussi rares que les villages. Eskil est une petite ville, sa principale activité est le commerce de tuyau d’irrigation, il y en a des dizaines de kilomètres chez les marchands, accompagnés du matériel nécessaire à leur manutention. À Eskil, les indications font prendre une autre route que celle que donnait la carte, nous verrons bien, mais il est dommage qu’elle s’écarte du lac et de son paysage lunaire. À la sortie d’un village, nous prenons un auto-stoppeur quinquagénaire qui nous demande de le déposer dans le village suivant. Sans doute heureux de ne pas avoir fait le trajet à pied, il en aurait eu pour deux heures en plein soleil, le dernier arbre étant bien loin derrière. En continuant à se laisser mener par les indications, nous arrivons à Cihanbeyli, ce qui est conforme à la carte. Dans cette petite ville, nous traversons l’axe Konya-Ankara et prenons une autre petite route vers l’ouest. Changement complet, celle-ci suit une vallée étroite prise entre deux falaises de calcaire peu élevées. Elle est aussi sinueuse que la rivière près du lit de laquelle des arbres croissent et où les espaces, lorsqu’il y en a, sont pris pour faire de petits champs. En remontant cette petite rivière, la route finit par atteindre le plateau où de vastes étendues sont emblavées. Des maisons écroulées ou abandonnées, les villages paraissent sinistrés, sans vie. Yunak, petite ville plus riante, est toute tournée vers l’agriculture, marchands de tracteurs, vente et réparation de pneus pour tracteur, garagistes agricoles… Après les collines à la sortie de la ville, le paysage s’aplanit et passe sous l’emprise de la culture du blé et des betteraves.

C’est à la suite de ces paysages bucoliques que se dessinent une petite montagne et, à son pied, la ville d’Emirdağ. Tiens, une petite station-service, mettons cela dans un coin de notre mémoire, cela pourrait servir. Le nom de cette ville ne figure même pas dans nos guides, mais la visite d’une ville de campagne non mentionnée apporte peut-être son lot de découverte dans l’authenticité. Des rues bien vivantes, pas de place pour stationner, de quoi aiguiser de l’intérêt. Deux tours, rien, plus haut dans une autre rue, un marché et une place. Le marché est presqu’exclusivement dévolu aux fruits et aux légumes, les acheteurs sont des paysans des environs. Les prix sont incroyablement bas, une livre (environ trente-cinq centimes d’euro) le kilo de tomates ou de concombres ou de courgettes ou d’aubergines. Pas de touriste, une tranche de pure vie rurale, de vieilles remorques peintes attelées sont encore en service. Nous sommes abordés par un Turc qui, accompagné de sa femme, s’exprime bien en français. Il travaille à Nancy et il est venu passer ses vacances au pays. Peu après, un autre, lui travaille à Saint-Étienne, puis un troisième qui, lui, travaille en Belgique et, enfin, un quatrième qui est rentré au pays après avoir passé trente ans en France dans la région de Rennes où vivent ses enfants et où il retourne régulièrement. Tous disent que de nombreux habitants de cette ville sont partis en France. Il est amusant de découvrir cette répartition géographique de l’émigration ici en France, à Kayseri et à Sivas en Allemagne, si l’on s’en tient au nombre de personne rencontrées parlant allemand. Il est amusant aussi de constater que, si nous sommes observés, nous le savons, on a dû s’approcher de nous pour savoir quelle langue nous parlions avant de nous aborder. Nous passons et repassons en tous sens, tous ces fruits et légumes sont tentants de fraîcheur et de nature, nous devons en profiter, nous finirons par arriver à la maison où nous devrons nous contenter des produits calibrés à la saveur édulcorée qu’on trouve. La périphérie du marché est à la fois plus variée et moins intéressante avec ses étals de chaussures, de vêtements ou de biens de consommation courante. Nous nous étions arrêtés juste par curiosité et sans savoir ce que nous trouverions, nous restons deux heures et demie à tourner et acheter ! Du côté du stationnement, devant un salon de coiffure, on s’est intéressé au camping-car et, à notre retour, ils sont plusieurs à essayer de voir à l’intérieur lorsque nous ouvrons les portes, nous ouvrons, pour satisfaire leur curiosité, de quoi alimenter les conversations du coiffeur pour la soirée !

N’ayant rien trouvé de mieux pour la soirée, nous repartons à la station-service vue en arrivant. Bordé de grands arbres, l’espace est agréable, nous y prenons place et je vais voir les personnes qui sont là et bavardent devant la porte de la station. Les clients ne se bousculent pas, on est détendu. Pas de problème, les toilettes sont à l’arrière. Arrêt. Au bout d’une petite heure, un des pompistes, ils ont l’air d’être deux, vient proposer le thé. D’accord. Vers l’arrière, nous avons vu une table et des chaises dans l’herbe et, plus loin, des cerisiers. Tout le monde est aux cerises, tout le monde, ce sont cinq personnes, les deux pompistes, deux femmes et une enfant. La femme la plus jeune va préparer le thé, les autres reviennent avec un grand bol de cerises, ils en passent une poignée à l’eau pour nous. Ils parlent beaucoup, nous ne suivons pas. La jeune femme revient avec deux bouilloires. Elle pose la première sur la table, l’autre s’encastre dessus, l’une contient le thé et l’autre de l’eau bouillante. On verse un peu d’eau bouillante dans un verre que l’on fait tourner pour le nettoyer, on verse cette eau dans le verre suivant et ainsi de suite jusqu’au dernier, le contenu est alors jeté à terre. On verse ensuite dans chaque verre un demi-verre de thé et on complète avec de l’eau chaude. Le sucre est libre, un des pompistes en prend cinq carrés par verre, un vrai sirop ! Nous avons apporté notre dernier paquet de gâteaux de France, il est rapidement vide. La femme la plus âgée, foulard blanc immaculé, habits traditionnels, parle beaucoup plus que les autres et avec autorité. Son âge n’est pas la seule raison de son autorité, c’est la patronne. Elle a deux stations-service, celle-ci, qui marche bien, et une autre pas loin qui pose problème, l’un des pompistes en vient. On bavarde, on bavarde, on nous mêle aux conversations sans ralentir le débit, autant dire que nous sommes vite perdus. Quelques voitures s’arrêtent à la station, le plus souvent pour rien, bavarder aussi. Un couple de paysans du voisinage, client, est invité au thé. Lui connaît quelques mots de français pour avoir été maçon à Saint-Étienne pendant deux ans, décidément ! Il a préféré la vie d’agriculteur ici à l’autre, sa femme est d’Eskişehir, pas très loin. À leur demande, je fais quelques photos de la rencontre et une de ce couple. Au vu de la photo, ils veulent l’avoir, je demande « internet? » et l’homme essaie de joindre sa famille dans son village pour avoir l’adresse, sans succès, comme chez nous, le réseau pour les portables ne passe pas ! Nous prenons congé, ils nous invitent à aller nous servir sur les cerisiers et leurs discussions reprennent. Absolument aucun bruit le soir, la station ferme, mais des lumières extérieures restent allumées. Pour nous ?

Mercredi 18 juin

Seyitgazi, Eskişehir (photos)

Adieux. Les lointains sont un peu brumeux, nous partons pour Eskişehir. La route est signalée comme pittoresque sur la carte, mais, en toute franchise, c’est exagéré, une plaine ondulée, des cultures de blé et de betteraves. Une route secondaire se détache sur la gauche juste à l’endroit où la précédente rejoint un grand axe. Son goudron a dû bien fondre les après-midis précédents, il est luisant mais, le matin, pas encore fluide, nous n’irons tout de même pas jusqu’à faire des essais de freinage ! Plus au sud, le relief est un peu plus prononcé, une petite rivière et des collines sur la gauche. Les arbres restent peu abondants. Le village de Seyitgazi est à une vingtaine de kilomètres. Deux éminences se font face, le complexe de la mosquée de Battal Gazi est construit sur le flanc de celle du sud. Nous nous garons en bas, sur la place, et montons les rues et escaliers. Dominant le village, l’ensemble comporte plusieurs beaux bâtiments bien entretenus, une mosquée, le mausolée qui abrite le long, long, long tombeau de Battal Gazi, une cour, des cuisines avec des cheminées monumentales, des cellules… Des touristes Turcs visitent les lieux, un peu d’artisanat est proposé.

Nous redescendons et prenons à nouveau la direction d’Eskişehir. Son petit centre historique est facile à trouver. La ville est importante, mais le stationnement ne pose pas de problème, par contre, la température est déjà assez élevée. Un gros effort de réhabilitation des maisons anciennes est en œuvre, les travaux en affectent un grand nombre, celles qui sont terminées ont repris la forme et les couleurs des belles demeures ottomanes anciennes. En bas, celles qui sont terminées se sont tournées vers le tourisme, dont le commerce de souvenirs. Au centre, la mosquée Kurşunlu est entourée d’un jardin de roses et de bâtiments qui lui étaient liés et dont plusieurs sont occupés par des bureaux de la ville, des échoppes d’artisanat ainsi que par le musée de l’écume de mer qui était la spécialité de la ville : sculptures fines, beaucoup de pipes… Malgré son nom, cette ville est résolument moderne et, comme bien d’autres, en pleine expansion, par son caractère le centre historique est un peu un îlot atypique. Nous reprenons la route vers l’ouest, la grande route ; elle nous fait passer devant l’endroit où nous avons passé la nuit le 5 mai. La circulation est intense et la chaleur pesante. Au carrefour de la route d’İstanbul, nous tournons, non pas directement pour İstanbul, mais pour prendre une petite route et continuer à découvrir d’autres paysages. La route en question n’est vraiment pas large mais nous sommes seuls. Le relief a réduit la taille des champs, les cultures changent, des légumes, du houblon ont rejoint le blé. Plus loin, surprise : des arbres font leur apparition, de plus en plus nombreux, jusqu’à former une forêt, il y avait longtemps ! Quelques petits villages, des montées et des descentes en virages serrés. Nous aurions aimé trouver un emplacement pour la nuit, il n’y a de place nulle part et nous finissons par arriver à Inegöl (İnegöl), c’est-à-dire à la grande route. Nous savons où aller, mais nous aurions préféré un coin plus tranquille. Les stations-service sont grandes, leurs parkings larges. Nous demandons à l’une d’elles, c’est bon. Ils vendent une spécialité régionale, des marrons glacés, nous en avions déjà vu mais pas encore acheté, en voici l’occasion d’autant que tous ces jeunes sont sympathiques. En fait, ce sont plus des marrons au sirop que des marrons glacés comme nous les connaissons, pas mauvais, mais fort sucrés. Sont-ils cuits au sucre ?

Jeudi 19 juin

retour en Europe (photos)

Comme souvent, finalement, nous partons tôt et quittons la route de Bursa pour une plus petite vers Yenişehir. L’agriculture est intensive et, partout, des gens sont déjà au travail. Après le très mauvais contournement de Yenişehir, nous prenons vers Iznik (İznik). Nous avions fait ce tronçon en sens inverse il y a deux ans, des travaux étaient à peine ébauchés dans le passage du col. Aujourd’hui, on dirait qu’ils sont en train de déplacer des montagnes, les travaux sont titanesques, surtout à la descente raide vers les oliveraies et le lac. En bas, nous prenons la rive vers l’ouest, la route, moins importante, se faufile au travers d’oliveraies, le lac, sans être loin, n’est cependant pas là. Lorsque la route le longe, la rive n’est pas belle, plutôt sale avec des ordures tout du long qui ne retiennent pas les baigneurs. Au bout du lac, nos revenons à la grande route. Jusqu’à la mer, le trafic va en augmentant. En fait, c’est l’axe İstanbul-Bursa pour ceux qui traversent la mer de Marmara en ferry et ils sont nombreux, camions, autocars et voitures particulières immatriculés à İstanbul, tous plus pressés les uns que les autres pour arriver au bateau. Nous n’avons réussi ni à réserver ni même à connaître les horaires ou les lignes, l’idée est donc d’aller se présenter et d’attendre si ce n’est pas trop long sans savoir ce que long signifie. Selon la carte, le départ se fait à Yalova, les informations trouvées sur internet donnaient d’ailleurs bien ce nom. Sur place, les panneaux détournent de Yalova et indiquent ferries et İstanbul vers le nord, nous suivons. Pour İstanbul, il faut se méfier parce que la route y mène, mais à condition de faire tout le tour de la baie d’Izmit (İzmit), sans aucun intérêt et très longue. Mais si İstanbul est indiquée avec un pictogramme de bateau, ce doit être bon. Tout ceci mène à une dizaine de kilomètres au nord. Il faut tourner à gauche, nous tournons, à gauche c’est la mer, sans autre issue qu’une traversée ! Nous arrivons, nous payons et nous embarquons immédiatement. Le tarif nous surprend un peu, nous nous attendions à devoir payer plus cher. Je ne cherche pas à comprendre, sur le billet, à part l’immatriculation du camping-car, tout est rédigé en turc et nous devons embarquer. Nous sommes presque les derniers. Départ immédiat. Plus le ferry avance et plus il devient clair, à la direction qu’il prend, qu’il ne va pas à İstanbul et se contente de traverser la baie d’Izmit ! C’est peu, mais ce sera toujours un bon bout de route en moins. Voilà l’explication du prix payé. La traversée est courte.

À l’arrivée, comme nous avons eu la chance d’être dans les derniers, nous n’avons pas à nous précipiter comme tous ceux qui faisaient tourner leur moteur afin de démarrer au plus vite. Pas de précipitation, mais il faut avancer, ceux qui veulent monter en sens inverse pourraient s’impatienter. Bien sûr, aucune possibilité de s’arrêter, impossible de faire le point. Combien de kilomètres jusqu’aux ponts sur le Bosphore et le passage en Europe ? Il fait chaud, très chaud, 33° C dans le camping-car, sans air, lourd. La circulation est de moins en moins rapide, les bouchons ne tardent pas, certaines parties sont faites à l’allure d’une tortue. Les marchands de bouteilles d’eau qui ont envahi les voies de l’autoroute ont une préférence pour l’ombre des ponts et des passerelles. Ils ont plus de succès que les marchands de pochettes ou d’étuis pour portables ou de petits jouets pour enfants. Finalement, nous faisons cinquante kilomètres dans ces conditions avec une amélioration à l’approche du pont. Nous connaissons ce trajet, nous avons le temps d’admirer la hardiesse dans la construction d’immeubles, la volonté de parfaire les extérieurs en même temps que les gratte-ciel avec des parterres fleuris sans cesse renouvelés. C’est vers 3 h que nous reprenons la même place sur le parking du terrain de sport qu’en mai, près de Yenikapı. Devant notre mur et en plein soleil, il fait encore plus chaud. Nous décidons d’attendre un peu, que le soleil baisse et la température avec lui, pour sortir. Vers 5 h, hésitations, il fait un peu moins chaud mais le ciel est tout noir d’orage au sud et pas beaucoup mieux ailleurs. Nous partons. La pluie nous rattrape 500 m plus loin, vers le passage sous la voie de chemin de fer. La pluie est faible, nous faisons 100 m de plus et la pluie d’orage est là. Il faut nous couvrir, ranger l’appareil photo, déployer le parapluie. Il pleut, nous rentrons sous la pluie. Il était temps mais elle a bien fait d’attendre notre retour pour s’intensifier. Heureusement que nous ne sommes pas allés plus loin ! Soirée internet-Skype.

Vendredi 20 juin

İstanbul (photos)

Parapluie à la main, K-way dans les sacs à dos, nous partons à pied pour prendre le tramway sur l’Ordu caddesi, près du Grand bazar, un trajet dont nous avons l’habitude. Il fait beau, une petite brise fraîche souffle, quel changement depuis hier ! Espérons que les petites incertitudes des prévisions météorologiques ne se réaliseront pas. Au passage notre boulanger nous reconnaît, mais l’heure n’est pas à l’achat de pain. Au tramway, je me trompe. Nous partons à pied et pas au plus direct, prenant un plan à l’Office du tourisme. Sur le pont de Galata, la bise, devenue petit vent frisquet, n’empêche pas l’installation des premiers pêcheurs. Comme en mai, nous montons vers la tour de Galata (Galata kulesi) par les mêmes ruelles pentues.

Ensuite, une petite rue mène à l’avenue Istiklal (İstiklal caddesi). Il est encore trop tôt pour que les magasins soient tous ouverts, les passants sont peu nombreux mais le vieux tramway fait ses allers-retours. Plus nous avançons, plus l’avenue prend vie. De nombreux magasins, franchement luxueux, ne déparent pas dans cet ensemble de grosses bâtisses de caractère, comme le consulat de Russie, le lycée Galatasaray ou l’église Saint-Antoine. Ce quartier contraste fortement avec d’autres comme celui de Kumkapı, plus populaire. L’austère place Taksim, dont le monde a suivi les palpitations de ses manifestations, est moins animée. Les marchands de colliers de fleurs artificielles lui apportent une touche colorée. D’ici, nous descendons, par où nous pouvons, vers le Bosphore. La pente de certaines rues est impressionnante, elle arrive à donner l’impression qu’en cas de chute, nous roulerions jusqu’en bas. L’avantage est de se retrouver rapidement au tramway pour le retour. Nous changeons un peu d’argent, faisons quelques achats et rentrons au camping-car. Nous avons promené le parapluie pour rien mais, ici, le ciel est bien chargé. Derniers préparatifs, nous sommes prêts.

Nous prenons l’avenue de bord de mer vers l’aéroport pour rejoindre la route 100 plus facilement. La circulation est facile jusqu’à l’aéroport, elle est dense ensuite. Petit arrêt dans un supermarché pour l’achat d’une bombe contre les moustiques pour la suite du voyage. Ne les trouvant pas à vue, je demande à un employé, mais j’ai juste oublié comment se dit moustique et suis obligé de tout mimer, ce doit être réussi parce qu’il nous amène directement au rayon ! À la campagne, donc loin de l’agglomération, le trafic est plus que réduit. La route vers Edirne et la Bulgarie traverse une région dont les champs à perte de vue évoquent la Beauce, la mer n’est déjà plus qu’un souvenir. Nous nous arrêtons à une station-service désaffectée. Trois gros camions, quatre hommes qui s’affairent : peinture en blanc des flancs de pneu de leurs véhicules, puis grillades sous l’auvent de la station. Nous en sommes heureusement loin, je dis heureusement car qui aurait l’idée de faire du feu près de pompes à carburant, même désaffectées !

Samedi 21 juin

Lüleburgaz et Edirne (photos)

Plus aucun nuage, une certaine fraîcheur. Il reste deux villes importantes jusqu’à la frontière, Lüleburgaz et Edirne. Nous connaissons la seconde et ne l’apprécions pas beaucoup parce que trop touristique, nous la réservons pour des visites que nous n’avons pas faites et les tout derniers achats. La première, que la route évite, doit être beaucoup plus authentique, nous quittons la grande route pour aller voir et y faire nos avant-dernières courses. Nous faisons une longue balade dans ses rues, regardant ses nombreux magasins. Les habitants sont surpris de rencontrer des touristes, il ne doit pas s’en arrêter beaucoup alors qu’ils sont nombreux à passer à toute vitesse sur la grande route qui contourne la ville ou sur l’autoroute. Une bonne partie du centre est en chantier, on est en train de paver les rues de façon à les rendre piétonnes. Sans posséder de monuments qui mériteraient un arrêt, la ville a une belle mosquée, la Sokullu Külliyesi Cami. La présence d’étrangers surprend les commerçants aussi, petits gâteaux, encore des fruits secs, pain…

Après cette promenade, nous reprenons la route. Edirne, l’avenue d’entrée en ville est décorée d’une multitude de drapeaux, on prépare le festival de lutte à l’huile de Kırkpınar qui commencera dans les derniers jours du mois. Les travaux d’aménagement de la principale rue d’accès sont terminés, cela n’a hélas pas amélioré le stationnement. Nous faisons des essais un peu partout, la largeur des rues rend toutefois le passage étroit pour un camping-car, nous faisons même un essai dans un parking, mais la crainte de ne pas pouvoir en sortir s’il venait à se remplir nous en fait ressortir ! Nous tournons pas mal avant de finir par trouver dans la rue vers la Grèce. Le gardien arrive, quatre livres alors que le prix affiché est de deux. Je redémarre, il propose trois et arrive à exhiber un ticket pour ce montant qui ne correspond à aucun de ceux qui sont affichés ! Nous lui demandons s’il y a un boulanger dans le quartier, un boulanger, pas un dépôt de pain, nous voulons du pain frais, nous en prenons deux tout chauds, le premier moulé bien levé et le second plat, nous ne sommes pas certains d’en trouver en Bulgarie et, s’il y en a, ne serions-nous pas limités à un pain industriel en tranches à la date limite de consommation inconnue ? Ensuite, plutôt que de retourner voir les mosquées, comme de nombreux touristes, nous parcourons la principale rue commerçante, ses caravansérails et ses alentours avant de nous diriger vers le pont Tunca sur la rivière éponyme, un beau pont à arches du XVIIe siècle. Dernières provisions turques. Lorsque tout est terminé, nous partons vers la station-service que nous avons repérée à l’entrée, à cinq kilomètres pour plus de tranquillité. Après accord du pompiste, nous nous garons à l’arrière du bâtiment, tournés vers la campagne. Vers la fin du repas, nous le voyons venir avec deux tasses de café au lait. Remerciements mais problème, nous n’en buvons pas ! Plus tard, tout est fermé chez nous, nous jouons, on frappe, même scénario. Cette fois nous le remercions mais n’acceptons pas son cadeau, prétextant qu’à cette heure, c’est fini pour nous. Ce soir, grand safari, chasse aux moustiques, nous avons bien fait de prendre nos précautions, l’expérience !

Dimanche 22 juin

entrée en Bulgarie, Koprivštica (photos)

Pour éviter un nouveau café au lait, nous n’ouvrons rien jusqu’à la mise en route. Le temps est superbe, pas trop chaud. Les derniers achats sont plus destinés à dépenser les 6,75 livres restantes qu’à combler des manques, ils se terminent par quatre pommes de terre pour les 75 kuruş ! Départ. La route, jusqu’à la frontière ouest, longe de petites rizières, origine probable des nuées de moustiques vespérales. Les arbres sont beaucoup plus présents que dans la plaine. Nous sommes à la frontière à 9 h ½.

Quatre étapes marquent le passage du côté turc, pourquoi quatre ? Comme s’il fallait justifier la taille du poste ! En particulier, pourquoi un arrêt à l’entrée et un à la sortie alors que les démarches sont faites aux deux autres ? Ce n’est pas le moment de poser des questions, d’autant que tout se passe très bien. Nous devons présenter les passeports parce que nous sommes entrés d’Iran avec, alors qu’à l’arrivée dans le pays par l’ouest, la carte d’identité suffit. Le côté bulgare donne le même contraste qu’il y a deux ans : poste petit, baraquements délabrés, travaux, route défoncée par endroits, ordures. On nous demande les documents de sortie de Turquie, quels documents, nul n’en a parlé et on ne nous a rien remis ? À défaut, passeports, pas de problème. Nous passons à la désinfection du camping-car puis à l’achat de la vignette routière, tous deux obligatoires et payants, changeons ce que nous estimons nécessaire pour la brève traversée envisagée et partons.

Le trafic international est bien trop important pour la qualité du revêtement routier, les parties dégradées sont fréquentes. L’entretien n’est peut-être pas à la hauteur des besoins dans la mesure où les travaux de construction de l’autoroute avancent, pas vite certes. Des camions de partout passent ici de l’Iran à toute l’Europe, en plus des très nombreux turcs partant inonder les marchés occidentaux de produits moins coûteux que chez nous. Plusieurs tronçons d’autoroute entrecoupés de retour à la route mènent de la frontière à Plovdiv (Пловдив), où nous quittons la route de Sofia (София) pour chercher celle de Karlovo (Карлово). Une seule indication, c’est insuffisant, nous errons dans des quartiers d’immeubles plantés dans la verdure, il faut demander. Nous n’étions pas loin de la bonne direction, le plus difficile ici étant de ressortir de ce quartier. Une fois sur la route, tout va bien. La chaussée est bien meilleure et il n’y a aucun camion. Karlovo est au pied d’une chaîne de montagnes toutes vertes, la Sredna gora (Средна гора). Nous remettons le cap à l’ouest et longeons la montagne. Après quelques villages, la route plonge dans une nature sauvage sur son flanc sud. La situation de la route, légèrement en hauteur, donne des points de vue sur la campagne et ses collines partagées entre forêts et prairies. Nous devons trouver et surtout ne pas manquer la route de Koprivštica (Копривщица). C’est un village, la route ne doit pas être bien grande, pourvu que des panneaux indiquent la direction, nous serions bien en peine de demander à un passant, il n’y en a pas ! Tout va bien, la petite route est indiquée. Elle fait remonter une vallée peu ouverte dans des forêts. Après vingt kilomètres, la vallée s’élargit et la forêt recule pour laisser place à des prairies puis au village. Nous nous garons et partons immédiatement à la découverte. Les ruelles sont grossièrement pavées de gros galets ronds de la rivière, ce qu’il faut pour se tordre les pieds. Ce que l’on voit des maisons est très beau. Elles sont en effet encloses de hauts murs. Les ouvertures sur les rues sont de grands portails en bois surmontés d’élégants petits toits couverts de tuiles. Là où c’est possible, essayant de profiter du relief, nous essayons de voir les maisons. Les portails ouverts sont rares. L’ensemble, très pittoresque, bénéficie d’une bonne homogénéité. Pas une rue, pas une ruelle ne sont droites. Nous montons et descendons sans arrêt, sans savoir où nous en sommes, peu importe, tout est à découvrir. Certaines maisons peuvent être visitées, quelques-unes sont mentionnées dans le guide mis il n’est pas facile de se repérer dans ce labyrinthe, les seules indications étant bien entendues en caractères cyrilliques. Après la visite de l’église, nous visitons une maison. Pour un coût minime, des billets sont valables pour six. Allons-y ! Les aménagements intérieurs sont d’un intérêt variable, les références commémoratives nous échappent complètement. Après celle-ci, nous en cherchons une autre, nous étions passés devant, juste avant l’église. Mêmes commentaires. Nous en cherchons une autre à partir du minuscule plan donné avec les billets, il faut repasser devant la première visitée et poursuivre au-delà de l’un des ponts en dos d’âne sur le petit torrent. De part et d’autre de ces rues, d’autres belles maisons, mais le temps passe, on ferme à 17 h 30, il ne reste que dix minutes, autant dire que nous n’y arriverons pas. Retour tranquille au parking. Des enfants jouent dans un parc sous la surveillance de leur mère… Le bas, près de la rivière, est plus vivant que les rues du village où, toutefois, les quelques personnes saluent au passage comme les vendeurs de petits souvenirs – tricots, miel. Au magasin près du parking, nous prenons des haricots mange-tout et des pommes, les prix sont encore plus bas qu’en Turquie. Nous allons passer la soirée à la limite du village et revenons sur le parking pour la nuit. Peu de lumière, pas un bruit.

Semaine précédente

Suite du voyage de 2014

Les index