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Voyage de 2014

Semaine 11, Turquie

Lundi 9 juin

Malatya (photos)

Grand soleil, ciel pur, ce qu’il faut pour se réveiller tôt. Dès 6 h on s’active à l’extérieur, des tracteurs viennent prendre des cagettes vides, des femmes partent aux champs ou à la cueillette. Nous partons tôt pour Malatya, moins loin que nous ne pensions d’autant plus que la route est très belle. Nous sommes impressionnés par l’entrée en ville, avec toutes ces constructions d’immeubles, son autoroute aux parterres fleuris. La voie rapide passe sous les carrefours, je rate la sortie pour le centre et prends la suivante. Quelques tours pour nous rendre compte que nous sommes bien dans le centre et presque au bazar. À cette heure matinale, le stationnement n’est pas difficile. Nous prenons place devant un lycée et recevons l’approbation du boulanger d’en face. Des élèves vont et viennent, des professeurs arrivent. C’est de nouveau au boulanger que nous avons recours pour situer approximativement l’emplacement sur le plan du guide et nous donner la direction du bazar. Même pour payer le parking c’est trop tôt. Sur notre chemin pour le bazar, les magasins ouvrent, sauf ceux qui sont spécialisés dans les fruits secs, déjà ouverts. Très alléchants ! Les abricots, de toutes tailles, attendent les clients. À leur côté, des amandes, des pois chiches, des raisins secs… impossible d’en dresser la liste. D’autres denrées attirent notre attention, des sortes de grandes feuilles soigneusement repliées sur elles-mêmes, plus ou moins lisses, de couleur blanche, marron ou grise. Il s’avère que c’est de la pâte de mûres. Si l’on n’a pas faim, ne pas entrer dans ce type de magasin où les vendeurs font goûter à tout ; en principe, au bout de trois ou quatre magasins, on n’en peut plus ! Le bazar est varié, pas trop spécialisé par quartier sauf pour les fruits secs, encore qu’il y en ait partout. Nous continuons à goûter. Les toutes petites amandes sont celles des noyaux d’abricot. Nous faisons un tour assez complet des ruelles, certaines couvertes, les autres non. Nous rentrons, les mains et l’estomac chargés. Le préposé au parking est passé à 9 h 12, il vient rapidement pour le paiement et nous partons pour Battalgazi.

Sans indication, nous ne nous trompons que d’une rue au carrefour avec la voie rapide, un exploit. Onze kilomètres de route facile nous amènent au centre du village. Nous sommes venus pour une vieille mosquée et des maisons qui ont gardé un caractère ancien, nous les trouvons du premier coup. Au lieu de commencer par là, voyons plutôt le marché qui a envahi la place. L’ancienne capitale de la région a des allures de village, le marché et son atmosphère s’y accordent parfaitement. On y trouve des biens ordinaires de consommation courante, des vêtements et des chaussures sans prétention, comme en portent les habitants qui sont presque tous des habitantes. Les maisons anciennes ne sont pas spectaculaires, mais, dans un pays où il en reste peu, il n’est pas inintéressant d’en contempler et de mesurer l’écart entre ce qui s’est construit dans un passé pas si lointain et ce qu’on bâtit actuellement. Les lignes de la mosquée et des minarets sont simples et pures. Nous accordons finalement plus de temps aux caisses d’abricots exposées au soleil pour le séchage qu’à la visite. On s’est spécialisé dans la production à caractère biologique. En ce début juin, le soleil est déjà très chaud, les abricots en profitent bien. Plus loin, c’est devant une petite entreprise que nous faisons une pause. On est en train de décharger une semi-remorque de boîtes de dattes iraniennes et notre arrêt attire les employés. Au vu de notre étonnement devant les tas de dattes mises au rebut, en tas le long du mur, on vient nous offrir une belle barquette de belles dattes ! Les gens sont décidément accueillants ! Après la visite de la seconde mosquée, nous repartons vers la place principale du centre pour visiter le caravansérail. La circulation est ralentie par le nombre de voitures arrêtées ce qui ne nous empêche heureusement pas de trouver une place. On est en train de célébrer un décès à la mosquée, les hommes qui n’ont pas tous pu trouver place à l’intérieur occupent une partie de la chaussée, les femmes attendent dans des minibus. Le caravansérail a été entièrement restauré, des commerces d’artisanat s’y sont installés. En ressortant, la cérémonie à la mosquée n’étant pas terminée, nous partons.

Il nous faut retourner à Malatya, prendre la voie rapide et tourner en direction de Sivas, ce que je rate, demi-tour plus loin et nous trouvons. Au début, la route est aussi large que la voie rapide, ensuite, elle se réduit à une route normale à deux voies. Les terres sont consacrées à la culture des abricotiers, de grands et beaux arbres, comme à l’arrivée. Soit la cueillette est déjà passée, soit la production sera minime car il en reste peu, au point d’avoir du mal à trouver un endroit pour faire une photo. Peu après la traversée de l’extrémité d’un des bras du lac de barrage Karakaya, la route monte un peu. Il n’en faut pas plus pour quitter les étendues de terrain irrigué. Ici, la couleur dominante oscille entre ocre et marron, la roche, la terre ou le sable sont à nu, la végétation est rare et la couleur verte absente. C’est toujours un étonnement de voir comment on peut changer aussi vite de couleur. Plus un abricotier, plus un arbre, les herbes – des céréales ou des restes de champs moissonnés tôt ? – sont si jaunes et si peu nombreuses qu’il n’est pas facile d’en discerner. La suite est de la même veine. Certains terrains semblent avoir été labourés. Dans quel but ? Y a-t-il une saison où il pousse quelque chose ici ? Ce désert végétal est doublé d’un désert humain, les villages ont disparu de l’horizon, les habitations sont rares. En prenant un peu d’altitude, on retrouve quelques arbres, le plus souvent isolés. Vers le haut, l’herbe fait son apparition. Avec elle, viennent les troupeaux et les campements de transhumants. Le passage sur le versant nord s’accompagne d’un changement de temps, le vent s’est levé, le ciel est déjà noir au loin et l’on distingue parfaitement des rideaux de pluie qui s’abattent sur des reliefs. Une station-service isolée au début de la descente retient notre attention. Tout est neuf, en cours d’achèvement, le parking est très bien, mais si l’orage venait par ici et si des vents violents soufflaient, nous ne serions pas abrités du tout. Allons jusqu’à la ville suivante, Arapgir. Une ville, ce sera une sorte d’oasis, même si la partie désertique est passée. Une oasis, c’est plutôt un fond de vallée et un fond de vallée offre des endroits abrités. Notre route ne passe pas par la ville, nous y allons, pour voir. Le centre est installé dans une boucle de la route qui descend, un relief peu propice à un emplacement à plat. Nous allons jusqu’à l’autre bout, sans conviction et sans résultat, puis nous remontons pour aller prendre place près d’une station de GPL. Entre le mur de terre vertical, derrière, et les remorques de camion, tout ira bien. L’orage s’approche, gronde, le vent secoue tout mais il pleut peu.

Mardi 10 juin

paysages champêtres et Divriği (photos)

Nouveau départ matinal. Le ciel est très pur, le soleil, encore bas, dessine de belles ombres. Nous sommes presque seuls sur la route, la région ne dégage pas une impression d’aisance. La route est en chantier, une seule voie est goudronnée et le goudron n’est pas encore sec, nous n’allons pas vite, roulant à droite ou à gauche selon ce qui est goudronné. Nous suivons les courbes de la vallée. Le paysage est joli, des arbres, un peu d’herbe dans le fond, des rochers calcaires blancs au-dessus, des pâturages en haut et le chapeau bleu du ciel. Nous profitons d’une des sources aménagées du bord de la route pour faire le plein d’eau. Avec un pareil débit, c’est vite fait. Sur le haut de la montagne, comme hier, nous sommes au royaume des nomades avec leurs troupeaux et villages de tentes pyramidales blanches. Les arrêts sont brefs à cause des chiens, réputés méchants. Le passage du col marque la limite entre la province de Malatya au sud et celle de Sivas au nord. La route est très dégradée, les nids de poules se suivent de près et le goudron à peine un souvenir. Déjà basse, la vitesse est encore réduite. Heureusement, la pluie ne semble pas être tombée ici, les creux sont secs et on peut choisir son chemin à vue. Heureusement aussi, cette situation ne dure pas trop : avec la descente, on voit des travaux au loin et si l’asphalte n’est pas encore venu couvrir la chaussée, elle a été aplanie en attendant. Cette descente est une longue suite de vastes virages dans des prairies herbues d’altitude. Peu avant le village de Beldibi Köyü, l’incertitude sur l’endroit où passe la route est telle que ce sont des ouvriers qui nous l’indiquent ! Nous ne retrouvons la route, la vraie, qu’en bas, après le village. En bas pour peu de temps parce qu’aussitôt passée la vallée, la route remonte vers un autre col. De nouveau, la végétation se fait plus rare.

Nous ne retrouvons des arbres qu’en descendant vers Divriği. Une fois en ville, nous descendons la rue principale sans voir ce que nous cherchons, la Grande mosquée, au point de nous arrêter en bas pour demander à un marchand de journaux. C’est normal, elle n’est pas sur cette rue, il faut monter dans le village. Monter, ici, n’est pas un vain mot. Le camping-car parvient en haut. Vite, vite, le soleil va quitter la façade est. Il s’agit d’une grosse bâtisse rectangulaire dont les portes sont ornées de sculptures remarquables. Beaucoup d’entre elles rappellent des sculptures arméniennes, non sans raison puisque que des artistes arméniens ont participé aux travaux. Nous arrivons au moment où le soleil, rasant, quitte la porte nord-est. Les autres portes sont hélas plutôt orientées vers le nord-ouest, sans doute très bien vers la fin de l’après-midi, nous n’attendrons pas tout ce temps. La mosquée, une mosquée-hôpital, est fermée. Au début, une famille turque visite en même temps que nous, ensuite, une personne semble venir vers le kiosque à l’entrée, mais ne sait rien de la clé ni de l’ouverture. Ensuite, nous sommes seuls et n’en saurons pas plus. Selon le guide, l’essentiel étant les décors des portes, pas les battants, les murs sur lesquels ils sont implantés, nous ne cherchons pas plus à entrer dans le bâtiment. Quelques tombes méritent aussi le coup d’œil. Les indications ne courent pas les rues. En montant, nous sommes passés près d’un minaret en bois, nous nous y arrêtons en descendant et avant d’aller faire des achats en ville.

À partir d’ici, cap à l’ouest, nous reprenons la route du retour. Après avoir suivi la vallée au milieu de cultures de pois chiches, la route ressemble à une de nos routes de montagne, petite, sans bas-côtés, sinueuse et pentue. Le terrain qui est manifestement impropre à la culture est par contre propice au développement des fleurs. Les paysages traversés sont jolis mais la taille de la route ne permet pas l’arrêt. Après la montée, nous avons un plateau verdoyant d’herbe et de céréales peu développées, la route n’est ni plus large ni plus droite. Au détour d’un virage, un couple âgé fait signe pour être pris, nous ne les prenons pas parce que nous souhaiterions faire une pause. D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Ici où il n’y a rien, en particulier aucune habitation ? Nous réussissons enfin à trouver un espace assez grand pour l’arrêt et pour aller prendre des photos de fleurs. Pendant la pause, nous les voyons passer. En repartant, nous savons que nous les trouverons plus loin. Cette fois, nous les prenons, pour peu, ils sont presque à destination, premier village depuis longtemps, un peu à l’écart de la route. La route redescend ensuite sur Kangal, un nom célèbre, celui de ces fameux chiens anatoliens, chiens de berger dont on dit qu’ils ne connaissent que leur maître, qui sont prompts à défendre tout territoire et que leur taille les fait redouter. Petite ville de campagne pauvre, encore un morceau de territoire à l’écart du développement et du modernisme si prégnants ailleurs. Peu de voitures, pas de gros immeubles, pas grand-chose de neuf, des rues poussiéreuses. La recherche d’une place pour des achats nous amène à la traverser de part en part et à découvrir que rien ne vient rehausser l’image donnée au début. Première tentative d’arrêt, elle ne plaît pas au commerçant qui estime son magasin caché, deuxième de même. Il n’est peut-être pas nécessaire de s’arrêter ici ? Une erreur sur la sortie de la ville à prendre nous donne l’occasion d’en voir un autre quartier, rien, non rien ne retient ici. De quoi vit-on ? Nous repartons, cette sortie n’est pas mieux à part quelques bâtiments officiels comme des établissements scolaires. La campagne, plus loin, est morne aussi, mais au moins l’agriculture y est développée dans tous les fonds de vallée. La grisaille qui s’est installée dans le ciel contribue à la rendre peu attrayante. Le but, ce soir, est d’arriver suffisamment près de Sivas pour y venir demain le plus tôt possible. La route a retrouvé son gabarit autoroutier habituel, cela ne va pas être simple. C’est vers Budaklı que deux grandes stations-service vont pouvoir faire. Comme elles sont toutes deux dans le sens inverse, il faut aller chercher un échangeur pour le demi-tour. Elles ne sont pas grandes, elles sont énormes. La première convient. Le parking est assez large pour un convoi de semi-remorques, plusieurs sont déjà là, nous prenons place entre eux. Les installations sont à la hauteur : toilettes pour au moins un autocar, mosquée-homme, mosquée-femme, douches pour les routiers, restaurant et, bien entendu, les pompes. Le temps est maintenant clairement à l’orage. Il attend le soir pour éclater, apportant un peu de grêle, seulement un peu d’eau et beaucoup de vent fort. Autour, les camions changent périodiquement sans nous gêner du tout.

Mercredi 11 juin

première journée à Sivas (photos)

Comme nous le voulions, nous partons tôt pour Sivas, il fait beau. Nous sommes au garage à 7 h ½ sans avoir à chercher puisque nous étions ici il y a deux ans et dix jours. Peu de mouvements, renseignements pris, ils ouvrent à 8 h ½, une heure d’attente ! Il vaut mieux y être tôt pour être plus sûr de la disponibilité de mécaniciens. Voilà deux ou trois jours qu’un léger chuintement s’est déclaré sur le côté droit du moteur et au lieu de passer, il est allé en s’amplifiant. Ce n’est pas un bruit, rien d’alarmant a priori mais il est préférable d’avoir l’avis de spécialistes. La prise en charge est immédiate et le sujet de notre inquiétude perçu. Après avoir été reconnus par une personne qui travaillait là lors de notre passage, nous avons retrouvé le salon où nous avions attendu la dernière fois, puis le petit-déjeuner a été servi, thé, un petit gâteau sucré et un autre salé aux olives. Le diagnostic ne tarde pas : il est question de la courroie de distribution, elle a déjà été changée une fois mais on devrait le faire tous les quatre ans, d’accord. Par ailleurs, plusieurs roulements doivent être vérifiés. Ce n’est pas surprenant avec le sable que nous avons eu et le chuintement ressemble plus à un roulement un peu ensablé. Nous attendons que le diagnostic final soit établi et qu’une indication de prix nous soit donnée avant de nous éloigner. Un deuxième thé a été servi. Les informations arrivent : cinq heures de travail et le prix.

Dès l’accord donné, nous posons la question de la ligne de bus à prendre pour aller en ville ou, à défaut, une idée de ce que coûterait un taxi. Au lieu de cela, on nous propose de nous y conduire et, à la fin, de venir nous chercher. C’est dans le minibus de l’entreprise, un J9 rallongé hors d’âge, que nous partons munis d’un papier portant le numéro à appeler et l’heure pour le retour. Arrêt sur la place principale. Notre décision est prise pour le retour, le trajet aller n’a pas été long, nous rentrerons à pied, une seule avenue à suivre, ce sera facile. Un temps superbe et une température agréable incitent à la visite. Bien sûr, il n’est pas évident de trouver des sites touristiques que nous n’avons pas déjà visités, mais nous reverrons avec plaisir les principaux. Commençons par la médersa Bürüciye. Une maison de thé en occupe la cour bordée d’échoppes. L’une des portes donne accès à un petit bureau d’informations touristiques dont nous ressortons avec un petit plan et l’affirmation que le musée ouvre à 13 h, c’est bien, nous ne le connaissons pas. Entre cette médersa et la mosquée Kale, juste en face, s’est installé un espace de sensibilisation ou de collecte du Croissant rouge turc, nous y passons un moment à parler avec une représentante qui nous offre des petits gâteaux. Nos pas nous portent ensuite vers les sites voisins des médersas Çifte minare et Şifaiye, puis, plus loin vers la Grande mosquée et la médersa du Ciel (Gök medresesi). Pour celle-ci, pas de changement, les travaux ne semblent pas avoir évolué en deux ans, dommage. Il est temps d’aller voir le musée. Son entrée ne se trouve pas sur le boulevard mais sur une rue à l’arrière. Là, rien à faire, les travaux qui barrent l’autre façade en ferment l’entrée. La visite ne pourra pas se faire avant longtemps ; de nouveau, nous passons notre chemin et partons à la découverte des magasins du boulevard Inönü. Les commerces de fruits secs ne manquent pas, ils sont très beaux, nous complétons nos achats sachant que d’autres occasions se présenteront. Au retour, nous descendons la rue Sirer et ses parallèles, une partie du bazar, sans but précis. Arrêt-repos sur un banc de la petite mosquée Ali Ağa à l’ombre de ses arbres avant de reprendre en direction d’autres rues où nous avions vu des instruments de musique. Nous marquons un temps d’arrêt devant une boucherie du boulevard Atatürk pour les belles saucisses qui décorent la vitrine. Le temps d’arrêt se transforme en une pause en y entrant. Connaissez-vous la viande pastırma ? Oui et non. Oui mais nous ne pouvons guère le dire parce que c’était en Arménie ce qui n’est pas toujours bon à dire pour avoir une suite de conversation agréable. Non, donc. On nous en fait goûter. Cette viande de bœuf salée, pressée, séchée puis enrobée d’épices est vraiment excellente d’où notre question sur sa conservation, au froid ou simplement à l’air ? Peut-elle être emballée sous vide ? L’anglais plus que réduit des deux personnes les amène à demander à la caisse, l’un des deux jeunes hommes s’exprime bien. La réponse est affirmative pour la conservation au froid et négative pour la mise sous vide, il n’est donc pas envisageable d’en rapporter. On nous presse cependant d’en acheter, pour notre consommation immédiate ! Nous nous contentons d’une saucisse, ce pour quoi nous sommes entrés. Les deux jeunes hommes sont frères, tous deux fort sympathiques. Nous bavardons un bon moment. Le plus âgé fait des études de doctorat dans une discipline qui ne nous est pas familière, le trafic ferroviaire, et souhaite poursuivre une carrière universitaire, son frère sera vétérinaire. Nous ne posons pas de question sur leur présence ici, à la caisse d’une boucherie de quartier, gérants ? propriétaires ? Photos, nous échangeons des adresses mail. Nous traversons le boulevard pour aller voir un quartier que nous ne connaissons pas, derrière la mosquée Meydan. Nous y découvrons un marché de produits frais et un grand nombre de magasins. Nous avions rendez-vous à 18 h 30, nous décidons de prendre les devants et d’arriver au garage avant. Le trajet n’est pas bien long, un peu plus de deux kilomètres.

L’avant du camping-car est toujours surélevé, nous nous installons au salon. On vient nous dire que les pièces ne seront pas livrées avant demain et nous parler d’hôtel. Aïe. Je réponds que notre maison est là et que nous y dormons tous les soirs. Ne peut-on pas mettre le camping-car dehors sur le parking ou à la station-service voisine ? Non, mais nous pouvons dormir dedans à l’intérieur du garage. Il reste à régler la question de son horizontalité. Il est levé à l’avant, plus du côté droit que du gauche, pour dormir, ce n’est pas idéal. Je leur montre avec les mains et fais le signe de l’abaisser et pense m’être fait comprendre. Retour au salon, attente. Rien ne se passe. Vers 18 h 30, le personnel ouvrier commence à partir. Je refais le même signe, rien. Vers 19 h 10, non plus. À 19 h 30, je comprends enfin : le camping-car ne doit pas être descendu, il est calé, le moteur en partie détaché et calé lui aussi, mais nous pouvons monter dedans et nous installer sans problème, rien ne bougera. Nous finissons par y aller après plusieurs heures d’attente inutile ! Je demande si la prise, derrière, est bien du 220 V et si nous pouvons l’utiliser. D’accord. Nous faisons connaissance des deux gardiens qui parlent de manger, de thé… Nous verrons plus tard ; mais un thé, pourquoi pas, nous ne les avons pas comptés aujourd’hui. Nous nous installons chez nous. Plein d’eau, électricité, toilettes, abri, tranquillité, tout va bien. Nous profitons de l’électricité pour charger tous les appareils. Repas. Quand nous avons fini, on frappe, c’est l’un des gardiens, le repas est prêt ! Impensable de se défiler. Nous embarquons un des derniers paquets de gâteaux français, une demi-douzaine d’abricots et nous les retrouvons au salon. Sur deux tables, des feuilles de papier journal font office de nappe. De la viande hachée en sauce, de la salade, une soupe de laitage avec des céréales, du riz aux pois chiches et du pain attendent. Ils sont installés et mangent, nous faisons de même. La viande dans du pain frais est très bonne. Ils trouvent que nous mangeons peu et nous invitent à nous resservir autant que nous voulons. Tant bien que mal, avec quelques mots de turc, je leur explique que des personnes plus âgées ont moins de besoins que des gens dans la force de l’âge ! Bien que nos échanges restent limités par la question de la langue, nous apprenons qu’ils travaillent ici depuis neuf et onze ans, que le plus jeune a deux enfants de dix et quatre ans et le plus âgé trois plus âgés. Merci. Au bout du compte, nous finissons tard. Ce n’est qu’encore plus tard que nous entendons l’orage puis des trombes d’eau tomber sur le toit. Le sec a du bon aussi ! Je détecte une connexion internet, mais non sécurisée, j’abandonne.

Jeudi 12 juin

Sivas, deuxième jour (photos)

Nous nous levons assez tôt pour être prêts à débrancher l’électricité, ranger la rallonge et quitter le camping-car avant ou à l’arrivée des mécaniciens vers 8 h 10. Nous prenons ensuite nos affaires pour la journée et allons au salon. Attente. Nous profitons de ce temps mort pour aller faire quelques courses dans le quartier. Les magasins ne sont pas assez grands pour trouver du vinaigre blanc que nous souhaitons mélanger à la réserve d’eau. J’avais pris la précaution de regarder dans le dictionnaire comment se disait vinaigre en turc, ils en ont mais pas de blanc, c’est amusant parce qu’évidemment, je ne sais dire ni incolore ni transparent, mais ils ont compris. Il nous faut aller assez loin, à mi-chemin de la ville avant de trouver un supermarché qui en a, du vinaigre de pommes, si j’avais su, j’aurais pu le demander directement au lieu de m’escrimer avec la comparaison avec l’eau ! Ce matin, suite à l’orage de la nuit, le ciel est gris, le vent souffle et la température a bien chuté. Au retour, je mets la moitié de la bouteille dans le réservoir, puis nos regagnons le salon. L’attente n’est pas longue, ce sera fini à 17 h.

Il est 10 h ½, nous pouvons y aller. Sur la route pour le centre, nous passons devant une série de magasins de bricolage. Et si nous allions voir s’ils n’ont pas des sangles ? Nous cherchons à vue, sans trouver, c’est un peu embêtant, il va encore me manquer des mots pour demander ! On ne parle pas anglais, cela ne changerait rien, je ne sais pas non plus le dire en anglais. Un autre client, jeune homme d’une stature impressionnante, vient à nous et demande en anglais ou en allemand, au choix, ce que nous cherchons. Manque de chance, je ne sais pas en allemand non plus ! J’en fais donc la description en allemand. Ils en ont. De quelle longueur ? 3 m 50. Ce n’est pas assez, il en faut 5. Le prix ? 15 livres. Hésitations. Une autre longueur ? Oui, 12 m. Mais elle est grosse, lourde et sa fermeture est énorme, elle ne convient pas. Notre sympathique interprète qui est Turc et travaille à Hamburg pense que nous n’en trouverons pas de 5 m ailleurs. On nous propose d’en prendre deux petites et de les coudre comme sont cousus les raccords aux bouts. Oui, mais où ? Ils peuvent le faire faire. D’accord, nous prenons, payons et passerons les prendre à notre retour, dans l’après-midi. En remontant vers le centre, nous faisons une halte pour admirer la devanture d’une pâtisserie et choisir, sans acheter maintenant, des gâteaux pour les bureaux et pour le soir, on ne sait jamais et si c’est fini, nous arriverons bien à les manger ! Aujourd’hui, les balades dans les rues se font sans soleil, c’est moins beau, il faut s’en contenter. Nous retournons jusque vers la Grande mosquée puis la médersa du Ciel. À plusieurs reprises, on nous demande si nous avons besoin d’aide. Nous retournons ensuite dans d’autres rues parcourues hier, cette fois à la recherche d’internet. Ne trouvant pas, je demande à un marchand de téléphones. On ne parle pas anglais, mais l’un d’eux nous conduit ! N’y tenant plus, nous repartons chez les marchands de fruits secs pour d’autres compléments. Le ciel se charge, la pluie est imminente. Nous achetons des gâteaux et, en ressortant, le parapluie que nous portons depuis ce matin finit par servir. Arrêt au retour dans le magasin de bricolage pour prendre nos sangles, non sans le rater au premier passage. Nous avons payé les sangles mais pas la couture qu’ils avaient estimée à 3 livres. Ils refusent que nous payions ce travail. Notre interprète n’est plus là, nous ne comprenons pas pourquoi.

Au garage, les trottoirs sont secs, il n’est pas tombé une goutte. Le camping-car est dehors, un bon signe, nous aurions peut-être dû rentrer plus tôt. Les nouvelles, vite : l’intervention est terminée, les pièces ont été changées et ils ont procédé à un essai, le bruit a disparu ; par contre, les essuie-glaces sont à changer et, plus grave, très grave, l’embrayage est en fin de vie. Tour d’essai, le chef d’atelier signale aussi un bruit à l’amortisseur avant-gauche. Bref, de mauvaises nouvelles. L’embrayage ne tiendra pas jusqu’au bout. D’où des questions : combien tout cela va-t-il coûter ? Combien de temps prendra l’intervention ? Ont-ils les pièces ? Pour le prix, c’est équivalent à la courroie ce qui commence à faire. Durée : tout sera fini demain midi. Pour le soir, si nous décidons de réparer, ils rentrent le camping-car et nous sommes dans les mêmes conditions qu’hier. Je pose la question du risque, l’arrêt quand il casse, n’importe où, sans prévenir. D’accord, bien que la réponse sur la disponibilité des pièces détachées ne soit pas claire malgré la traduction par internet. 18 h 30, les mécaniciens partent. Par rapport à hier, nous sommes en avance pour notre installation nocturne. Ce soir, un seul des deux gardiens est là, nous ne sommes pas invités. Nous lui offrons les gâteaux.

Vendredi 13 juin

Sivas, encore un jour ? (photos)

Même scénario qu’hier. Le camping-car est pris en charge dès 8 h 30. Nous pouvons partir plus tôt, dès qu’on nous a assuré que tout serait fini à midi.

C’est mieux qu’hier, très beau temps frais. Nous passons beaucoup de temps au marché aux fruits et légumes, tous très beaux et frais. Les prix commencent à baisser, les tomates sont à une livre (0,36 euro), les cerises à cinq (1,80 euros)… Nous poussons notre exploration un peu plus loin, mais les rues sont moins intéressantes. Après avoir regardé les simit chez plusieurs marchands ambulants, nous succombons, un fois de plus. Le matin, tout frais, c’est un régal. Nous prenons aussi du pain frais, un bac en plastique pour le camping-car et nous commençons à rebrousser chemin. Au garage, le travail est toujours en cours. Ils nous montrent le vieil embrayage et son usure, comme d’habitude au garage, je dis oui, mais ne vois rien de particulier. La pièce neuve est là mais pas montée. Ils travaillent à deux, et si la place le permet, à trois. Pour ce qui est de la fin des travaux, il est maintenant clair, et ils le disent, que ce ne sera pas fini pour midi. Pas midi, mais peu après… nous verrons, attendons. Midi et demi, rien de nouveau. Deux heures, toujours rien. Une dame vient à nous, elle parle anglais et travaille dans la partie vente de l’établissement. Si nous l’avions vue avant, nous lui aurions demandé de l’aide lorsque la communication grippait un peu. Elle demande ce que nous avons pour midi, du pain et le reste dans le camping-car. Elle propose d’aller dans une cafétéria. Où ? Pas loin, le menu comporte une soupe de lentilles, du poulet et de la salade. D’accord. Nous n’avions pas bien compris où elle se trouvait, pas loin… non pas loin vraiment, c’est dans le garage, à l’étage, un escalier, une mezzanine-balcon sur l’atelier et nous entrons dans la salle à sa suite. La plupart des membres du personnel sont en train de manger, une surprise de trouver cela ici ! C’est la cafétéria de Fiat Sivas. Nous nous servons, impossible de payer, et allons nous installer. Menu conforme, pain à volonté, certains en prennent énormément, les Turcs mangent beaucoup de pains variés, la nourriture est prise avec le pain ou enveloppée dans du pain. Le personnel mange rapidement, nous avons du temps. Retour au salon, attente, longue attente, d’autant plus pénible que nous sommes vendredi, que les effectifs ont déjà baissé et que, si ce n’était pas fini, nous serions obligés de rester ici jusqu’à lundi. Le salon est bien placé pour avoir un aperçu de tout, nous sommes très bien traités, mais l’attente reste incertaine. Le temps passe et, petit à petit, nous constatons que cela se précise, que le remontage a commencé, ouf ! Les roues sont enfin remontées, le chef d’atelier part avec un mécanicien pour un essai. Au retour, catastrophe : ils rentrent le camping-car et ouvrent le capot. Ils repartent. Le tour doit être long car il dure, notre impatience grandit. Retour, tout va bien, nous soufflons. Je vais voir la dame qui parle anglais pour lui demander que la facture comporte bien tous les numéros des pièces changées ainsi que leur nom au catalogue pour des questions de garantie internationale. La préparation de la facture se fait sans précipitation, ce n’est pas grave, au pire, nous pouvons passer la nuit pas loin. Ce n’est pas gratuit mais très certainement bien moins cher que ce que cela aurait coûté en France. Lorsque nous quittons le garage, les mécaniciens sont presque tous déjà partis, le personnel de bureau vient nous serrer la main.

Cap à l’ouest après le plein dans la station-service voisine. Il y a deux ans, nous avions quitté Sivas par cette même route vers l’ouest. L’éclairage de fin d’après-midi et la pureté du ciel sont extraordinaires. Si nous n’étions pas pressés d’avancer par rapport à notre immobilisation, nous nous arrêterions tout le long pour photographier les lignes de ce paysage simple de prairies de vallée verte et de collines plus ou moins rocheuses. Nous quittons la route de Tokat pour bifurquer vers le sud. La route est en travaux, le goudron a disparu sur bien des tronçons, heureusement, la terre est sèche. Nous ne sommes pas seuls sur la route, mais presque. Des travailleurs saisonniers ont installé leurs campements là où le travail les a appelés. La saison est en effet au démariage des betteraves. Plus loin, nous rattrapons la route de Kayseri, excellent ruban d’asphalte large et rectiligne à deux fois deux voies. La campagne est plus plate, presque sans arbres, les céréales n’ont pas encore atteint leur maturité, tout est vert. Nous prenons place derrière une petite station-service. Calme absolu, personne.

Samedi 14 juin

Kayseri et arrivée en Cappadoce (photos)

Le temps superbe avec un soupçon de brume à peine perceptible sur les lointains est une invitation au départ, nous partons tôt. Le paysage prolonge celui d’hier soir, les cultures, sans changer, s’étendent au fur et à mesure que le terrain est plus plat. Seul dépasse au loin un sommet enneigé, le mont Erciyes, point culminant d’Anatolie centrale, un peu au sud de Kayseri. Presque dans l’axe de la route comme un phare, ses neiges sommitales semblent planer au-dessus de la plaine parce que celle-ci finit dans le flou du léger voile brumeux tandis que le sommet qui le dépasse apparaît plus nettement.

Après deux ondulations du plateau, nous arrivons en vue de Sultahanı, un village entièrement tourné vers l’agriculture. Nous quittons la route pour y entrer et visiter le caravansérail qui a dû en assurer la prospérité. Le soleil, pourtant généreux, n’éclaire pas sa façade, c’est dommage parce que, comme souvent, la partie extérieure est la plus travaillée. Connaissant l’autre Sultahanı, à l’ouest d’Aksaray, nous sommes prompts à établir des comparaisons. Sa taille, nous sommes ici en présence d’un édifice modeste à l’orientation différente, dans un écrin de verdure mais dont la forme est aussi celle d’un rectangle de hauts murs. Le gardien parle allemand. Nous pouvons aller où bon nous semble mais nous ne ferons pas la folie d’escalader l’escalier incomplet qui mène à la mosquée sur pilier du centre de la cour. Les belles sculptures qui ornent les arcs entre ses pieds nous suffiront d’autant plus qu’elles sont inondées de soleil ! Les espaces autrefois réservés aux animaux et aux denrées sont vastes et clairs. Pour repartir, nous continuons l’ancienne route sur quelques kilomètres, celle qui traversait les villages, avant de reprendre la grande.

La profusion d’immeubles neufs ou récents frappe à l’arrivée en ville. Nous en atteignons le centre sans difficulté. La recherche d’un stationnement, par contre, semble plus délicate. Nous en trouvons le long de l’avenue qui mène à la gare, les places sont hélas trop courtes. Retour au centre, nous trouvons un parking dans lequel prendre deux places, pour le confort, est simple vu le nombre d’emplacements disponibles. Nous sommes vraiment très bien placés pour partir à la découverte à pied. Dans l’axe des avenues en direction du sud, la montagne, toute blanche, se dévoile et domine les constructions, donnant de très belles perspectives comme une mosquée ancienne construite en roches volcaniques sombres sur fond de neige, et d’autres. Ce matin, nous faisons des visites, le bazar sera encore là cet après-midi. Les monuments anciens ne manquent pas, les visites se succèdent. Au cours de l’une d’elles, dans un caravansérail, nous observons un artiste en train de mettre en place, sur un bain, un décor floral pour papier marbré, des gestes simples, le liquide à peine effleuré, des touches de couleurs, résultat admirable ! Nous faisons un tour du cœur de la ville avant d’y pénétrer par le sud en direction de la Grande mosquée. Pour la mosquée, pas de chance, c’est l’heure de la prière. Un homme vient vers nous pour nous proposer de visiter son magasin de laine pour tapis, nous le suivons. Il passe vite, trop vite, dans des cours de caravansérail sur les côtés desquelles, accrochés aux balustrades de l’étage, pendent de beaux tapis dont le rouge tranche vivement avec la pierre grise. Il faudra revenir prendre du temps au Vezirhanı. Le magasin suivant est consacré à la laine, des balles envahissent tous les espaces. Nous n’arrivons pas à comprendre si elle est donnée à des paysannes des environs en échange de leur travail de lavage, filage et tissage ou vendue, toujours est-il que les tapis se retrouvent en grande quantité par ici. La troisième cour est consacrée au dépôt et à la vente des tapis, kilim et autres. On nous installe comme pour une vente, on propose le thé et on commence à déballer des tapis… Mais nous ne sommes pas ici pour un achat, ni pour une visite de l’intérieur, nous aimerions continuer à nous promener tranquillement. Nous avons un peu de mal à stopper le déballage. Aussitôt à l’extérieur, nous repartons chez nous pour nous poser un peu. En début d’après-midi, derrière le parking une fête bat son plein. Nous allons voir, mais ne comprenons pas ce dont il s’agit, salle de spectacle en plein air, des groupes se produisent sur une estrade, des kiosques proposent des petits objets, des en-cas salés ou sucrés. On dirait une fête patronale ou la fête de fin d’année d’une école, destinée à collecter des fonds. Atmosphère décontractée. Nous partons un peu plus loin au sud du centre. En route, on pare des grosses voitures pour des convois de mariage. La profusion de tulle impressionne, c’est d’un luxe et d’une minutie inimaginable. Au retour, il faudra que nous nous arrêtions chez ce boulanger, il a des pains de Trabzon appétissants dont nous aimerions retrouver le goût. Le but est le Musée archéologique. Auparavant, nous passons voir le Döner Kümbet, un mausolée cylindrique au toit conique couvert de fines sculptures. Le musée est précédé d’un parc, ancien cimetière avec ses stèles sculptées où l’on vient se promener, bavarder, se reposer ou conter fleurette. Au fond, un mausolée à l’atmosphère aussi paisible, celui de Seyyid Burhaneddin. Pour le musée, pas de chance, il est fermé. Le retour est réservé à l’aspect commercial que nous avons évité jusqu’à maintenant. Le pain, bien sûr, et, une fois dans le bazar, nous regardons tout, comme d’habitude. Exiguë, la partie couverte semble plus ancienne que l’autre. Dans la première, beaucoup de vêtements et de chaussures dans de petites échoppes surchargées. Dans la seconde, surtout des bijouteries, des commerces de fruits secs et autres spécialités aux larges vitrines attrayantes bien éclairées. L’une des spécialités, ici aussi, est la viande séchée qui remplit bien des devantures. Elle est accompagnée de saucisses et de pâtes, sortes de mini-raviolis aux épices. Arrêt à la mosquée près du parking, la mosquée Kurşunlu, pour ses arbres et pour un brin de pause, il y a longtemps que nous marchons, les kilomètres se sont accumulés. Il va être temps de quitter la ville.

La route part vers l’ouest avant de piquer vers le sud. Les champs de céréales continuent à former l’essentiel du paysage jusqu’à ce qu’une dépression se dessine sur la gauche, tellement couverte de sel que nous n’arrivons pas à savoir s’il y a de l’eau, son nom, Çöl gölü, le lac du Désert ! Peu après, nous prenons une petite route pittoresque sur la droite en direction d’Ürgüp. Petite, très petite, mais nous sommes seuls. Elle s’élève en serpentant sur des terres de plus en plus sèches. Les points de vue se succèdent sans discontinuité, nous avons en plus la chance de bénéficier d’un bel éclairage tardif déjà bas. Sur l’autre versant, des vallées escarpées, taillées à la serpe dans le plateau, abritent quelques villages, taches blanches au milieu du vert des arbres et de l’ocre des falaises. L’un d’eux, Akköy, est remarquable de ce point de vue. Il est construit au pied d’une falaise, au-dessus des cultures et des arbres, et toutes ses façades reluisent au soleil. Beau spectacle à cette heure, quel dommage que les câbles des lignes à haute tension le rayent de part en part. Ürgüp, ici aussi, nous savons où aller, au parking de l’ancienne ville troglodytique. Il est hélas assez plein, pas tout à fait horizontal et nous craignons à la fois d’être un peu dérangés par le bruit et, surtout, d’avoir du mal à en ressortir s’il venait à se remplir. Nous partons chercher plus haut, les espoirs sont minces en raison du relief de la ville. De fait, après avoir essayé plusieurs places dont aucune n’est à plat, nous redescendons en direction des routes d’accès pour voir s’il n’y aurait pas une station-service. Il s’en trouve bien une, mais au parking trop petit. Nous partons chercher en dehors de la ville et trouvons dans la montée de la route de Kayseri. Nous faisons bien puisque nous trouvons un grand replat de gravier à l’écart. Il était temps, le soleil est couché, les premières étoiles commencent à luire et, bientôt, la lune vient illuminer notre campement.

Dimanche 15 juin

en Cappadoce (photos)

Nous tenons à aller faire un tour sur la place centrale d’Ürgüp parce que nous y avions trouvé de savoureux fruits secs de qualité. C’est dimanche, mais, si proches des célèbres formations de tuf de Cappadoce, les lieux sont très courus. La renommée a fait monter les prix. Nous trouvons certes de beaux mélanges biologiques, mais le prix à payer est plus élevé que ce que nous avons vu jusqu’à présent, à part à Istanbul, bien sûr. Après avoir fait un tour complet de la place, supermarché compris, nous partons en direction de Zelve.

Arrêt au col pour ses vues sur les premières formations spectaculaires. Nous nous étions déjà arrêtés ici. Nous marchons un peu des deux côtés de la route, pas trop loin car nous n’avons pas de carte et parce que le point de vue le plus intéressant se trouve précisément au parking. Des cars de touristes occupent déjà les petits emplacements dans la descente. Il est vrai que les pauvres touristes doivent être debout depuis longtemps, la plupart d’entre eux faisant un vol en montgolfière au lever du soleil du côté de Göreme. En bas, le parking ombragé de Zelve, un des derniers villages d’habitations troglodytiques. Zelve a été évacué en 1950 suite à des éboulements et est devenu un musée. Un circuit en parcourt les deux vallons principaux. Nous faisons le circuit complet, évitant tout ce qui est barré en raison des risques de chutes de pierres. Au début et à la fin, nous sommes en compagnie de groupes mais sitôt qu’on s’éloigne de l’entrée, la compagnie se raréfie. C’est une balade agréable parce qu’il fait beau et que les vallons, les arbres et les habitations apportent l’ombre nécessaire maintenant que la température commence à monter. Nous avons la chance de faire une rencontre fugitive, celle d’un serpent, les seuls animaux visibles étant des oiseaux, sortes de martinets, et des papillons.

Après Zelve, nous partons pour Üçhisar. La route fait passer devant Paşabağı avec les formations spectaculaires en champignons bicolores ce qui en fait un passage incontournable pour tous les visiteurs. Deux arrêts en route : un point de vue entre Göreme et Üçhisar, puis le fameux virage en dessous du château d’Üçhisar pour la vue sur le rocher sur lequel a été construit le château et ses multiples étages creusés dans la roche. Le centre du village est méconnaissable : la vieille place a disparu et, avec elle, les bâtiments bas qui la bordaient. Une esplanade qui débouche sur une halle de marché et des installations communales la remplacent avantageusement. Le parking est toujours aussi facile. Nous remontons la vieille ville pour aller visiter le château par des rues qui sont une suite de magasins et de bars-restaurants attendant les touristes. La montée au château commence par une partie creusée dans la roche avant de déboucher à l’air libre. Au sommet, le vent violent suffit à contenir les nuées de fourmis volantes qui seraient insupportables sans lui. La vue, intéressante pour les lointains, des formations variées de forme plus souvent conique à l’infini dans presque toutes les directions, est plus remarquable pour tout ce qui se trouve au pied du rocher avec des vues inhabituelles sur ces formations et les réseaux de passages et d’ouvertures qui y ont été pratiqués. De retour en bas, nous regardons les souvenirs, certains sont tout simplement épouvantables, dignes des pires musées des horreurs. Les marchands ne sont commercialement pas du tout agressifs ce qui donne le loisir de regarder tranquillement quelques pièces intéressantes. Nous ne repartons pas les mains vides après des marchandages aussi longs que si nous avions acheté des objets de valeurs.

Nous voudrions trouver un endroit où nous pourrions faire une balade hors des sentiers battus puis nous poser tranquillement jusqu’au soir avec une belle vue sur les environs. Chercher ce type de lieu n’est pas la recherche du mouton à cinq pattes. Du haut de la citadelle, nous avons repéré des chemins qui semblaient avoir toutes ces qualités, mais, à cette distance, sans savoir s’ils seraient carrossables pour un camping-car. Nous avons de la chance, le terrain est très sec, presque poussiéreux au point d’en gommer les aspérités. Il est un peu plus difficile d’y faire demi-tour et de trouver un espace sur le côté sans empiéter sur des cultures, un peu plus difficile mais pas impossible : nous avons un endroit extraordinaire, la vue s’étend loin vers le nord, des kilomètres de formations de tuf, des vallées dans tous les sens, pas un passant. Quand on voit la foule que draine cette partie de la Cappadoce, cela force l’étonnement. Nous partons à la découverte des environs, toujours sans plan, juste pour aller voir le rebord des plis de la falaise dont les pieds s’érodent en donnant naissance aux formations caractéristiques de la région. Comme les fonds de vallée sont cultivés ou que des arbres y poussent, les formations, à peine rugueuses et ocre, ressortent sur un tapis vert. La découpe du bord est si tortueuse que les vues sont à chaque instant renouvelées. Indépendamment de l’éclairage, on pourrait s’y promener pendant des jours sans avoir deux fois le même point de vue. Sur la fin de l’après-midi, le ciel tourne à l’orage au-dessus d’Avanos et le vent qui se lève déplace de la poussière. Nous ne pourrons pas rester ici pour la nuit à la fois à cause du vent et de la pluie qui transformerait le chemin en bourbier. Rien ne nous empêche par contre de rester jusqu’à la nuit et de profiter des lueurs du couchant pour admirer la coloration des formations en orange puis en rouge avant que l’obscurité tire un rideau bleu foncé. Le parking d’Üçhisar est parfait pour une nuit d’orage, nous le savons par expérience. Et, en plus, maintenant, il est doté de toutes les commodités.

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