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Voyage de 2012

Semaine 4, Grèce et Turquie

Jeudi 26 avril

de Pella (Πέλλα) à Ormos Panagias (Όρμος Παναγίας) (photos)

Le planning ayant été fixé, nous partons tôt, à 7 h moins le quart. Le soleil vient de se lever, le ciel matinal est pur. La route est la suite de celle d’hier. Les vergers cèdent la place à des constructions puis une banlieue assez laide et grise. Espérons que ce sera mieux plus loin ! Ni l’entrée à Thessalonique (Θεσσαλονίκη), ni la traversée du centre ne posent problème, nous avons vu juste, les Grecs ne sont pas encore actifs. Seuls quelques voitures, des autobus et des camions nous accompagnent. Nous n’étions pas loin, une trentaine de kilomètres, mais il fallait bien compter avec les feux de circulation et autres ralentissements. Notre intention est d’aller vers l’université, juste après le centre. C’est parfait, un parking presque vide et une rue encore plus déserte vont faire l’affaire. Ayant le choix, nous préférons une place dont nous pourrons nous extraire même si la densité de voitures stationnées est importante. C’est un peu en pente, mais sans importance. Le calcul s’est avéré exact car nous voyons petit à petit le parking et la rue se remplir.

Nous attendons encore un peu, puis, pensant ne pas partir trop tôt, nous y allons. Il suffit de reprendre en sens inverse la grande avenue par laquelle nous sommes arrivés pour aller dans le centre. La première visite est celle de la Rotonde Aghios Giorgios. Le soleil bas lui donne beaucoup de relief. L’intérieur est malheureusement en travaux et les échafaudages ne laissent voir que la coupole et ses mosaïques. De là, nous décidons de monter vers les remparts pour aller voir l’église Saint-Nicolas-l’Orphelin. Il n’est pas 9 h, elle n’est pas ouverte. Nous en profitons pour faire un tour dans le quartier. Déjà en montant, des ruelles bien droites vers la mer laissaient voir la baie, toute bleue, séparée du ciel tout bleu par les sommets enneigés du Mont Olympe (Όλυμπος). D’ici, la vue s’élargit. Au premier plan, la ville dont la couleur passe du rouge des couvertures en tuile des quartiers proches au blanc des murs, puis la baie, les montagnes blanches elles aussi et le ciel, l’ordre est le même, mais la vue est plus vaste. Le quartier dans lequel nous nous trouvons n’est pas très vivant. L’heure passe et il n’y a toujours personne pour ouvrir, nous finissons par partir et redescendre. Avant d’arriver à la mer, nous passons par l’église Saint-Dimitri et l’Agora qui occupent le centre d’un parc puis nous passons un bon moment au marché. L’activité n’y est pas encore intense mais c’est, comme de nombreux marchés, un lieu vivant qui permet de voir les produits les plus recherchés. Ici, les étals de poissonnerie sont bien fournis et appétissants, ils ne sont pas les seuls, les olives sous toutes leurs formes jouant un grand rôle aussi. Plusieurs bâtiments ottomans bordent les lieux. Nous terminons notre descente par la vaste esplanade de la place Aristotelous où nous cherchons en vain l’office du tourisme. En bord de mer, on se promène, on discute, on s’arrête aux cafés. La vue sur le Mont Olympe, blanc sur fond bleu, ne souffre d’aucun obstacle visuel, nous ne nous en lassons pas. Nous nous dirigeons maintenant vers la Tour blanche dans laquelle est installée une exposition sur l’histoire de la ville que nous visitons en même temps et au même rythme qu’un groupe scolaire et du sommet de laquelle nous retrouvons la vue précédente.

Pour terminer notre séjour nous avons décidé de visiter le Musée de la civilisation byzantine. Il est spacieux, bien conçu et nous fait voyager dans l’histoire de l’Empire byzantin. La fatigue commence à se faire sentir, mais pourrions-nous partir sans aller voir les bas-reliefs de l’Arc de Galère ? De retour au camping-car, il fait chaud, nous faisons une pause avant de repartir. Une Française qui a vu notre immatriculation et qui travaille à l’Université devant laquelle nous nous trouvons vient discuter un moment. Comme il n’est pas question de rester là jusqu’au soir, nous partons.

La direction est celle des péninsules de Kassandra (Χερσόνησος Κασσάνδρας) et Sithonia (Σιθωνία) à défaut de pouvoir nous rendre dans celle du Mont Athos (Άγιο Όρος). La route, voie rapide vers le sud et la mer depuis la deuxième plus grande ville de Grèce, ne présente guère d’intérêt. Seul le fond du paysage, le Mont Olympe, toujours lui et toujours blanc, sur un premier plan de cultures diverses présente de l’intérêt. Nous nous livrons à un petit calcul en route : si nous faisons le tour de chacune des deux péninsules, il faudra deux jours, ensuite, deux autres jours pour aller à la frontière, c’est beaucoup, nous sommes en route depuis trois semaines et ne sommes pas encore au but, accélérons. Cette décision est encore renforcée par les guides et par la Française rencontrée tout à l’heure pour lesquels Kassandra est assez bétonnée tandis que Sithonia serait plus sauvage. Nous abandonnons la première au profit de la seconde. Elle est plus loin et le temps commence à presser pour trouver un emplacement pour la nuit. Une première tentative nous conduit à Agios Nikolaos (Άγιος Νικόλαος) où nous traversons tout le village par sa rue principale, qui nous fait peur tant elle est de plus en plus étroite. Seconde tentative un peu plus au sud en bord de mer, mais là, le terrain n’est pas plat. Nous notons au passage que ce bourg est complètement désert, les maisons doivent être à cent pour cent des résidences secondaires ou des locations, pas une n’est ouverte, rien ne bouge, tout semble figé. Nous retournons à la route du tour de la presqu’île par l’est. Au premier village, Ormos Panagias, face au minuscule port, un parking nous attend. Ici, une bonne moitié des quelques maisons sont fermées, la seule activité visible est un peu de mouvement du côté du port que le soleil couchant inonde de couleurs orangées.


Vendredi 27 avril

d’Ormos Panagias (Όρμος Παναγίας) à Filippi (Φίλιπποι) (photos)

Le temps superbe continue, tant mieux. Il invite à partir. Au loin, au-dessus du reflet du soleil sur la mer, se détache le Mont Athos (Άγιο Όρος). Il nous accompagne sur toute la côte est de la presqu’île de Sithonia (Σιθωνία) comme le Mont Olympe (Όλυμπος) nous a accompagnés hier. La côte est sauvage et fleurie. Les villages sont plus que rares, nous allons à Sarti (Σάρτη), juste pour voir. Le village vit un peu, la plage est large, des fleurs sauvages y poussent. Plus au sud, la route s’élève au-dessus de la mer avant de tourner vers l’ouest où la côte est aussi sauvage et les villages à peine plus nombreux. À l’exception de la côte, la forêt couvre la péninsule. Partout, des ruches sont mises en place et les abeilles s’activent. Ce tour est une belle balade en voiture, la carte donne la route comme pittoresque, elle ne s’est pas trompée.

Nous continuons ensuite vers le nord. La route est petite et ne suit pas le bord de mer de près. Nous nous arrêtons au village de Pirgadikia (Πυργαδίκια), un minuscule centre donnant sur un port de poupée. Quelques voitures, la première place sur le port est libre, quelques personnes nonchalamment installées au café, un tout petit supermarché, le temps semble s’être arrêté, tout fonctionne au ralenti. Un ciel et une mer bleus complètent le tableau. Nous sommes au fond de la baie qui sépare la péninsule de Sithonia de celle du Mont Athos. Si nous n’avions pas décidé d’avancer, nous serions bien restés là un moment. Au-delà du village, vers le nord, la route, toujours aussi petite, serpente en montagne. Nous la quittons pour passer par Gomati (Γομάτι) et revenir à la mer. Comme elle passe en hauteur, nous avons de nouveau de belles vues sur la baie, jusqu’au Mont Athos. La balade continue, tantôt en bord de mer, tantôt dans des forêts toutes printanières. Arrêt technique à Stratoni (Στρατώνι) pour acheter du pain et un morceau de tuyau pour le cas où nous pourrions faire le plein d’eau à partir d’un robinet. Pour le pain, le choix est simple, il n’y en a qu’une sorte ! Nous ne prenons que ce qui est indispensable, nous devrions trouver mieux en ville demain. Une quincaillerie très fournie, la caverne d’Ali Baba dans son domaine, a des tuyaux, mais vingt-cinq ou cinquante mètres, c’est trop. Je demande si je peux en avoir un morceau de dix mètres et le propriétaire coupe dans un rouleau, ce n’est pas plus difficile que cela. Nous pouvons repartir.

La route est maintenant moins intéressante, la plupart du temps sans vue. Ce n’est pas grave, nous allons à Filippi par la route principale de l’est du pays. Même le bord de mer ne présente plus le même intérêt, l’horizon et la vue retrouvés montrent des signes d’orage. Mais non, nous parvenons à Kavala (Καβάλα) puis prenons la route de Filippi (Φίλιπποι) et trouvons le site, à Krinides (Κρηνίδες), avant l’orage. Le parking est immense, de quoi mettre plusieurs dizaines d’autocars, et presque vide. Une place à l’ombre et je pars aux renseignements. Un grand restaurant, quelqu’un va bien parler anglais. « Le site est fermé », je sais, c’est son heure d’ouverture le matin qui m’intéresse. Seconde question : « le parking reste-t-il ouvert la nuit ? » La présence d’une barrière nous inquiète un peu. La réponse n’est pas claire. Nous allons donc chercher ailleurs. La rue principale ne nous convient pas, par contre, nous repérons deux places dans une rue perpendiculaire. Nous allons voir plus loin, de l’autre côté du site. Pour y arriver, retour sur la route principale et bifurcation en direction de Lydia (Λυδία). La route entre ce village et Krinides est la voie romaine Via Egnatia qui reliait l’Albanie à l’Orient, que nous avons suivie à plusieurs reprises et qui est l’axe principal de Thessalonique (Θεσσαλονίκη). Elle est interdite à la circulation au niveau du site romain de Filippi. En partant de Lydia, nous arrivons par l’ouest, du côté du musée du site et, là, surprise, un tout petit parking qu’on vient juste de tondre, exactement ce qu’il nous faut. Il n’est pas assez grand pour manœuvrer, c’est dire s’il est petit, je suis obligé d’en ressortir pour y entrer à nouveau en marche arrière et nous installer. Des arbres d’un côté, le musée un peu au-dessus et personne, c’est parfait. Nous sommes là depuis moins d’une heure et, curieusement, nous avons la visite d’un motocycliste. Un jeune homme très sympathique vient nous dire ses regrets de devoir nous demander, à nous Français, d’aller ailleurs, regrets qu’il fait remonter à l’École française d’Athènes qui a mené les premières fouilles il y a environ un siècle. Tout n’est cependant pas négatif parce qu’il nous apprend que la barrière du parking principal du site est juste poussée à la fermeture du restaurant vers minuit. Nous voilà fixés et partons nous y installer. L’orage qui tournait autour éclate. Belle pluie comme nous en avons vu beaucoup au début du voyage, la différence étant qu’ici, nous savons qu’elle va passer ! Le parking est un lieu tranquille, des parents viennent jouer avec leurs enfants et toutes les commodités se trouvent sur place, sans compter que nous sommes sur place pour la visite, demain matin.

Samedi 28 avril

de Filippi (Φίλιπποι) à Loutros (Λουτρός) (photos)

Comme prévu, nous commençons par la visite du site. La voie romaine Via Egnatia le sépare en deux. Au nord, à côté de l’entrée, le théâtre est adossé aux remparts. Les restes de deux basiliques qui suivent sont peu importants. Nous marchons en parallèle avec un groupe de Français. Tout le monde est équipé pour la pluie que le ciel noir arrive cependant à contenir, les vêtements sont des taches de couleur qui s’ajoutent à celles des coquelicots et qui ressortent bien sur le fond d’herbes humides des pluies d’hier et de la nuit. Contrairement au groupe, nous visitons le musée et ne le regrettons pas. Ces musées de site possèdent souvent des pièces intéressantes plus ciblées que dans les musées des grandes villes et constituent un complément aux visites extérieures. Le temps de notre visite a donné du temps au temps pour s’éclaircir un peu et laisser filtrer des rayons de soleil. Nous descendons de l’autre côté de la Via Egnatia pour voir le forum, les restes d’une grande basilique et les latrines. Le forum, peu impressionnant dans sa dimension verticale, il ne reste que peu de constructions, surtout des alignements de pierre et de colonnes au sol, l’est par sa taille et sa situation, en contrebas, ce qui permet de le voir en entier sans se déplacer. Sa visite permet ensuite de voir quelques belles sculptures. La basilique est plus imposante que les deux précédentes parce qu’il en reste de gros piliers. Le passage aux latrines est obligé, tous les groupes s’y rendent, nous sommes maintenant en compagnie d’un groupe de coréens dont deux membres viennent nous demander d’où nous venons. Ces latrines sont mentionnées dans les guides et montrent l’importance que ces lieux pouvaient avoir au temps des Romains. Ce devait être un lieu de convivialité, je n’ai pas compté le nombre de places, mais il est important, et puis, des sièges en marbre, le luxe ! Nous passons un bon moment dans cette partie du parc où se trouvent encore d’autres restes et dans lequel des habitants du village viennent chercher des escargots après la pluie.

La grande ville proche, en bord de mer, est Kavala (Καβάλα). Arriver en ville en milieu de matinée un samedi donne le temps de se repérer et de constater, après plusieurs tours, que le stationnement va être délicat. À l’un des tours, je vois une place sur le côté gauche d’une avenue à double sens, c’est pour nous. C’est une bonne idée de se garer sur la gauche, un bon moyen de ne pas voir les panneaux, installés plus loin et dans l’autre sens. Nous savons bien que c’est interdit dans certains pays, mais sinon, comment faire. Nous voyons bien aussi que des voitures en stationnement ont leurs feux de détresse, mais bon, nous ne resterons pas longtemps. Inutile d’aller jusqu’aux panneaux, à coup sûr des panneaux d’interdiction, à quoi bon en être sûrs ? Et nous voilà partis pour la visite de la vieille ville. Le temps redevenu complètement gris n’est pas propice à la découverte, tant pis ! Après avoir longé le port, nous remontons vers l’aqueduc de Kamarès. Arrêt devant une boulangerie, bonnes odeurs de pain chaud, nous entrons. La boulangère parle anglais, nous prenons deux pains, de deux formes différentes. Comme il est bien difficile de résister à du pain encore tiède, nous le goûtons en montant, il est un peu fade, pas à la hauteur de l’accueil. L’aqueduc est restauré, il présente une belle courbe entre la montagne et la colline sur laquelle est bâtie la ville ancienne. Nous nous faufilons dans un minuscule passage sous l’arche principale dans laquelle un camion-grue est engagé et coincé par des voitures en stationnement anarchique des deux côtés. À l’écart de l’agitation urbaine, nous avançons dans des ruelles qui serpentent sur la colline. Les maisons sont ici en bon état et quelques unes récemment restaurées. Enchevêtrées, elles laissent peu de place au regard pour avoir des points de vue sur la mer autour de ce cap. Au retour dans la ville basse, nous allons au marché. Beaucoup de monde, de beaux légumes frais, c’est très vivant, nous y passons un moment. Retour au camping-car, rien n’a changé, il est là, les voitures aux feux de détresse aussi. Ce n’est pas simple de s’extraire de la place à contresens, mais nous finissons par y arriver, il ne reste plus qu’à faire demi-tour pour retrouver la bonne direction et repartir vers l’est. Il est temps d’aller à la frontière pour passer demain matin en Turquie.

Nous prêtons peu d’attention à la suite du trajet. La route ne suivant pas le rivage, nous passons par des régions au développement agricole plus ou moins marqué selon le terrain. Après la traversée d’Alexandroupoli (Αλεξανδρούπολη), l’heure est à la recherche d’un terrain pour la nuit. Nous bifurquons en direction de Loutros et trouvons un parking tout de suite, entre la grande route et le village. Sur l’autre rive du petit fleuve, nous voyons des bâtiments anciens. Si c’est bien le cas, il y a peut-être un vrai parking et dans tous les cas, quelque chose à visiter. Nous faisons le tour par la grande route pour nous rendre compte que le tout est englobé dans une structure hôtelière. Une fois là, nous allons jusqu’au village, il y a de la place au bord de la rivière. Le village en lui-même est simple et joli. Nous retournons près de nos grands arbres qui couperont un peu les rafales de vent si l’orage vient.


Dimanche 29 avril

de Loutros (Λουτρός) (Grèce) à İstanbul (Turquie) (photos)

Le temps est superbe, nous partons tôt parce que la route est longue. Nous faisons le plein une dernière fois parce que le gazole est encore plus cher en Turquie qu’ici. Rien à signaler de la sortie de la Grèce si ce n’est qu’ils ont installé une petite station-service entre les deux postes à la frontière, en zone hors taxe, et que les prix sont plus intéressants qu’avant ! Au poste turc, nous sommes accueillis par un homme sans uniforme qui marche à l’extérieur. Est-ce bien lui le policier ou le douanier ? Il semble que oui puisqu’il nous demande en anglais nos papiers et ceux du camping-car. Il part avec, nous disant d’attendre et de venir ensuite les chercher. Je lui demande où il est possible d’acheter une carte pour l’autoroute et de sortir de l’argent. C’est dans un petit centre commercial juste avant. J’y vais à pied, évidemment à pied parce que nous sommes garés de l’autre côté du poste ! Comme on peut s’y attendre, il y a là un café, un petit restaurant, des magasins et un distributeur. Le distributeur fonctionne, c’est parfait. Avec mes premières livres turques, je vais pouvoir acheter une carte pour les autoroutes. Ce n’est pas dans le premier magasin mais dans le deuxième. On ne parle pas ou très peu anglais, mais ce n’est pas difficile à expliquer. Ils n’ont qu’un seul montant, un peu élevé pour nos besoins, mais il fera. C’est une carte, comme une carte de crédit avec un montant prépayé qu’il suffit de passer devant un lecteur aux postes de péages des autoroutes qui le débite du montant dû et affiche le reste. Comme il n’y a aucun moyen de paiement comptant il faut avoir cette carte à l’avance. Nous n’avons pas plus sinon encore moins l’intention de prendre l’autoroute en Turquie que dans les autres pays visités, mais nous avons lu que les ponts sur le Bosphore sont payants dans le sens Europe-Asie. Ce n’est ni pour aujourd’hui, ni pour demain, juste par prudence dans la mesure où l’achat ici est facile et qu’il faudrait peut-être chercher à İstanbul. De retour, je vais voir le policier, attend qu’il en ait fini avec une autre voiture et récupère nos papiers plus un petit papier dont il dit qu’il faut le garder et le présenter à la sortie.

Les paysages changent peu entre les deux rives de l’Evros. Ce n’est que petit à petit qu’arrivent de grands champs de céréales. Les villages sont vastes, les bâtiments modernes et peints de couleurs vives. Les installations solaires en haut des maisons et des immeubles sont courantes mais pas belles. La route ne pose aucun problème. Nous faisons le plein d’eau dans une station service et arrivons à Tekirdağ, la ville où la route rejoint la mer. Nous décidons d’y faire nos premiers pas turcs. Le stationnement ne pose pas de problème. Ce qui frappe en premier, face au port, est le nombre de restaurants. Le second point est le nombre de promeneurs le long du port. On se promène à plusieurs, en famille, on regarde les étals des vendeurs ambulants. Tout ceci en dehors de la circulation puisque le trottoir est large et qu’une bande jardinée le sépare de la chaussée. Dans le port, de nombreuses embarcations reçoivent des soins de leur propriétaire, ailleurs, on répare des filets… Sur le côté du port, même spectacle avec un plus grand nombre de restaurants encore. Tout cela est tranquille, personne ne nous demande rien, les vendeurs ne poussent pas à acheter, le premier contact est positif.

À partir de cette ville, la route suit la mer de Marmara. Plus nous avançons, plus les villes sont grandes et proches les unes des autres. La route est aussi de plus en plus large. Après quatre voies, elle fait souvent quatre voies principales et deux voies latérales de plus de chaque côté. Plus loin s’y ajoutent des couloirs pour les transports en commun. La circulation s’intensifie aussi. Chaque feu rouge devient une occasion de se pencher sur la carte pour savoir si nous sommes encore loin, à condition de savoir où nous sommes ! La densité des centres commerciaux augmente en proportion de celle des habitations. Leur construction est résolument moderne. Lorsque l’urbanisation devient continue, dans la recherche de notre but, nous ne faisons pas attention à la circulation, préférant avancer à notre rythme plutôt que de vouloir suivre le flot. À İstanbul, les indications sont celles de quartiers. Heureusement, la préparation du voyage nous a rendu certains noms presque familiers. Il n’empêche qu’une fois arrivés près du centre historique, je dois savoir où nous sommes. Il n’est pas question de continuer n’importe où au risque de nous retrouver dans des ruelles étroites. Par ailleurs, le centre historique doit comporter pas mal de rues soit piétonnes soit réservées aux transports en commun, je ne me vois pas en train de faire demi-tour non plus. Le mieux est de demander. Dans l’avenue que nous sommes en train de descendre et où le stationnement doit être interdit vu le peu de voitures arrêtées, voici une voiture de police dont les occupants semblent être en train de verbaliser un automobiliste arrêté devant eux. Je prends place derrière, sors avec le plan du guide et vais demander où nous sommes. Cela prend du temps, mais ils y arrivent. C’est exactement là où je pensais être. Il ne reste plus qu’à obliquer à droite pour descendre vers la mer et suivre le rivage.

Avant le départ, nos recherches sur internet d’un parking à İstanbul acceptant les camping-cars pour plus que du stationnement nous ont amenés ici, en bord de mer. Nous avançons aussi doucement que le flot de voitures l’autorise et en voyons plusieurs. Bien sûr, je suis allé trop loin à vouloir voir la totalité du stationnement et je dois faire demi-tour deux fois pour me retrouver dans le bon sens. Les ronds-points aident. Au second passage, nous entrons dans le dernier, le plus au nord du boulevard qui suit le rivage. Nous y avons vu d’autres camping-cars, un bon indice. Il reste peu de place. Immédiatement un comité d’accueil constitué du gardien de ce parking et de deux autres hommes aux fonctions obscures s’est formé et après avoir pris place, la détermination du tarif à nous appliquer commence. Il dépend du temps que nous allons y rester, j’annonce trois jours. Il finit par s’établir à trente livres et le paiement se fait à l’avance. Un point n’est pas clair à l’issue de cet épisode : ce tarif est-il quotidien ou pour tout le séjour ? La prudence en affaire commande de ne pas poser la question. Faisons le tour de la situation : nous sommes arrivés ici sans nous tromper une fois ; nous avons une place qui n’est pas parfaite parce qu’elle est un peu en pente mais on nous dit que des places ne vont pas tarder à se libérer, ils doivent savoir de quoi ils parlent ; d’autres camping-cars sont installés ce qui laisse à penser que les risques sont limités, n’ont-ils pas dit « No problem! » ? Le parking fait suite à un jardin arboré dont la pelouse est jonchée de détritus partout où elle n’est pas occupée par des groupes et des familles en train de faire des grillades. Nous sommes très bien placés ; à l’est, nous ne sommes séparés de la mer que par une allée, un muret et quelques rochers, au-delà, nous avons la rive asiatique du Bosphore ; à l’ouest, quelques minutes à pied nous séparent de la Mosquée bleue.

Il est encore assez tôt pour envisager de visiter la basilique Sainte-Sophie. Ce serait bien parce que demain est lundi, jour de fermeture. Sans rien connaître du quartier, nous montons et sommes devant la basilique en dix minutes. Dès que nous avons connaissance de l’heure de fermeture, nous faisons la queue. Sur la place, la densité humaine est impressionnante. Elle n’est pas moindre à l’intérieur. Les dimensions intérieures frappent, sa coupole s’élève haut, sans doute une prouesse technique à l’époque de sa construction. D’en bas, on est comme écrasé par la hauteur, mieux vaut aller dans les tribunes, l’angle pour observer les peintures et les mosaïques semble meilleur. Avant de devenir un musée, l’édifice fut une basilique, puis une mosquée ce qui explique et résume sa décoration et ses constructions intérieures. La tribune de lecture du Coran et le mihrab sont en marbre. Nous tournons et retournons dans tous les sens à la fois pour ne rien oublier, le guide est là pour cela aussi, et pour avoir différents points de vue. Un seul regret, la foule, à la fois fatigante et gênante. Il faut composer, si nous pouvons y être, d’autres le peuvent aussi. Une seule partie est épargnée par les touristes, une exposition de superbes calligraphies arabes.

Le beau ciel clair retrouvé, nous nous rendons dans un bureau de l’office du tourisme ; nous avons l’impression de déranger l’employé qui ne nous apprend rien et se contente de nous donner la liste des principaux monuments et lieux touristiques avec leurs jours et heures d’ouverture. Nous entrons ensuite, sans but, dans le parc de Gülhane. La foule ne l’épargne pas non plus, mais ici, nous voyons bien que la proportion de touristes est minime en cette fin d’après-midi de dimanche. Nous y sommes entrés pour éviter de descendre jusqu’au pont de Galata par la rue des tramways, enserrée entre des hauts murs ou des immeubles. Le printemps est arrivé et le Festival des tulipes qui se termine donne de belles couleurs. L’allée principale du parc ne va pas dans la bonne direction, à la sortie nous tournons vers la Corne d’or. Cette partie de bord de mer est celle des embarcadères pour toutes sortes de direction, autant dire qu’il y a du monde ! Nous finissons par arriver au pont.

Le point de vue qu’il offre sur la vieille ville est incomparable. De partout, entourant des coupoles, des minarets émergent de l’océan de maisons. En mer, près et loin, c’est un ballet incessant d’embarcations. Des ferries passent dans tous les sens. Le spectacle est rehaussé des lueurs du soleil couchant. Nous avons bien fait de venir ici d’autant plus que le spectacle continue à terre, où nous sommes, des gens sont installés sur les marches, dans les passages, sur le trottoirs, d’autres passent, des vendeurs ambulants vont et viennent, sans compter le passage sous la place où il faut se frayer un chemin.

Nous rentrons par des rues qui nous ramènent sur la place entre la Mosquée bleue et la basilique Sainte-Sophie. Quelques rues plus bas, nous sommes chez nous. Comme annoncé, des places se sont libérées au parking, qui permettent de s’installer au milieu, l’arrière au-dessus de la pelouse, bien à plat. La nuit est bientôt là. Le nombre de pique-niqueurs a diminué, mais il en arrive d’autres. Un marchand de moules s’est installé à l’entrée du parking, ce doit être une habitude parce que des gens viennent en voiture en acheter, soit pour les consommer sur place, soit pour les emporter. Une fois la nuit tombée, nous fermons les rideaux. À l’extérieur, l’air frais ne décourage pas les grillades. Un groupe qui s’est aperçu que le camping-car est un bon paravent s’installe non loin et, plus tard, le parking se vidant petit à petit, ils mettent leur voiture perpendiculairement au camping-car pour améliorer leur effet paravent. Ils sont bien installés ! Espérons qu’ils ne mettront pas leur musique plus fort. Tout se passe bien, ils partent sans nous réveiller.


Lundi 30 avril

İstanbul (photos)

La quantité d’ordures laissées par les pique-niqueurs d’hier dans le parc n’est plus qu’un souvenir, des équipes d’éboueurs sont en train de le passer au peigne fin.

Nous voulions partir tôt afin de moins faire la queue qu’hier et de rentrer à l’ouverture, nous avons en effet décidé de visiter le Palais de Topkapı. C’est raté ! Nous n’y arrivons qu’à 9 h et demie, la queue fait des dizaines de mètres, une heure d’attente, une situation sans doute renforcée par la fermeture hebdomadaire de Sainte-Sophie. On parle beaucoup français dans la file d’attente, vacances de Pâques ? Nous faisons la queue à tour de rôle, c’est moins lassant. Que dire du palais ? Il faut tout voir, tout admirer. Le Trésor est hors du commun. Bien sûr, nous faisons de nouveau la queue pour y entrer et ensuite la queue à chaque vitrine, mais il vaut le déplacement. Au palais, il faut ajouter les jardins et les vues sur le Bosphore. Le temps est toujours aussi beau mais vers le nord, le vent froid se fait sentir. Le harem, nouvelle attente, nous ne les comptons plus, nous a paru moins intéressant, il est fort dépouillé bien qu’il possède des faïences murales remarquables. Une seule visite, mais fatigante. Comme il est impensable de s’arrêter, nous continuons.

La visite suivante est celle de la Mosquée bleue ou Sultan Ahmet Camii. Nous voyons la pointe de ses minarets de chez nous. Elle semble plus dégagée que la basilique Sainte-Sophie qui lui fait face. Elle paraît aussi plus élancée, mais il est possible que cette impression soit due à ses fins minarets. Elle doit entre autres sa célébrité à ses carreaux de faïence à dominante bleue d’İznik. Elle en est comme tapissée. En comparaison de la première visite, celle-ci est presque reposante grâce à la douceur des tapis et à l’atmosphère calme malgré le nombre de visiteurs.

Nous nous replongeons dans le tourbillon de la vie touristique stambouliote et remontons en direction du Grand bazar, un incontournable de toute visite dans cette ville. Il est indescriptible. On s’y presse, beaucoup de touristes, heureusement, ses allées couvertes sont larges. On y trouve de tout, depuis des objets d’usage courant jusqu’à des bijoux et des antiquités de valeur. Le plus remarquable est la façon de présenter les objets, les couleurs qui se côtoient, l’activité et, malgré elle, le calme des transactions. Les livreurs de thé, plateau de verres suspendu à une main, dansent entre les passants pour apporter leur breuvage aux vendeurs. On avance, on tourne, on avance encore, on retourne voir… on se perd. Sans être réellement perdu, on ne sait plus par quelle ruelle on est passé, quelle devanture on a admirée… Pour se retrouver, il suffit de demander une porte. Combien de temps y passons-nous ? Aucune idée, le temps qu’il faut pour le découvrir et y errer. Se limiter au bazar couvert serait réducteur, il faut aller dans les rues adjacentes, le spectacle est aussi pittoresque et un peu moins touristique. De plus, en descendant, ces rues animées conduisent au Bazar égyptien. Beaucoup plus petit, il abrite les commerces d’épices et des fruits secs. Les couleurs et les odeurs sont au rendez-vous. On y découvre des épices que l’on connaît, des épices dont on ne connaît que le nom et d’autres inconnues. Globalement, sur l’ensemble du bazar, les produits ne sont pas bon marché, sans doute trouve-t-on moins dispendieux ailleurs, là où les touristes sont moins nombreux.

Une fois arrivés en bas de ce bazar, nous retrouvons le pont de Galata que nous explorons mieux qu’hier parce qu’il est moins tard. Après un passage sur la moitié de sa partie inférieure du côté de la Corne d’or, nous remontons, regardons les pêcheurs et contemplons l’agitation frénétique sur la rive sud au pied du pont avant de nous y replonger. Les visites de la journée et la densité de la foule ayant été éprouvantes, nous rentrons tranquillement chez nous. Bien sûr, nous ne passons pas à côté du Bazar égyptien sans y entrer une seconde fois, ne serait-ce que pour regarder les prix et nous déterminer en voyage pour des achats en route ou ici au retour. Nous ne passons pas non plus entre la Basilique Sainte-Sophie et la Mosquée bleue sans nous attarder un peu. Le reste devient presque de la routine. Rien n’aurait troublé la soirée si les bennes à ordures n’étaient pas passées vers 11 h.


Mardi 1er mai

d’İstanbul à İznik (photos)

De nouveau une journée qui commence tôt ! Vers 1 h du matin, les balayeuses municipales viennent faire leur travail dans l’avenue et aux abords du parking. Comme chez nous, elles ne sont pas particulièrement silencieuses. Le sommeil a le temps de nous reprendre que quelqu’un vient se garer à côté de nous, il n’est pas loin de 3 h. Le parking est public, rien à dire, et de plus cela ne nous réveille pas. Ce qui nous réveille par contre est son alarme. Le réveil est instantané et du haut de notre lit, nous entrouvrons un rideau pour le spectacle. Le pauvre homme ouvre et ferme chacune de ses portières sans que cela ait la moindre incidence sur la sirène. Il essaie aussi le capot puis le coffre, sans plus de succès. Il lui vient ensuite l’idée de remettre la clé dans le contact et de la retirer, puis de la remettre, de démarrer, d’arrêter le moteur, de la retirer et de fermer les portes, rien n’y fait. Sa petite gymnastique dure environ un quart d’heure, nous n’aimerions pas être à sa place ! Et tout à coup, silence. Quelle idée ou quel geste a-t-il eus ? Nous ne l’avons pas vu, bien au chaud dans notre lit. La nuit aurait été satisfaisante si elle n’avait pas été découpée en tronçons.

Avant de partir, nous voudrions aller visiter quelques mosquées proches. Dès 9 h, nous sommes à la Küçük Aya Sofya Camii, ancienne église Sainte-Sophie, devenue Petite Sainte-Sophie et mosquée. Elle est fermée et ne donne aucun signe d’ouverture. Un jeune qui passe et demande ce que nous cherchons dit qu’elle ouvre à 11 h. Ce sera trop tard. Allons à l’autre, Sokollu Mehmet Paşa Camii. Elle est ouverte. C’est une mosquée de taille plus modeste que toutes ces grandes mosquées qui attirent l’œil et les touristes. Elle n’en est que plus calme et ne manque ni de charme ni d’attrait. Une partie de ses murs est tapissée de carreaux de faïence bleue d’İznik. Sa cour est de tout repos. De retour à l’extérieur, nous profitons de notre présence dans ce quartier pour le visiter. Plus nous nous éloignons vers l’ouest, plus il devient vivant. C’est une zone d’habitation dont les commerces sont le reflet. Les prix ne sont pas non plus ceux pratiqués plus haut. Des enfants vont à l’école… Certaines rues, à mi-hauteur de la colline, sont spécialisées. C’est ainsi que nous passons le long de milliers de paires de chaussures de toutes les formes et de toutes les couleurs. Quelques achats indispensables comme du pain et des légumes et nous rebroussons chemin. En repassant, nous trouvons la Petite Sainte-Sophie, ouverte. Petite, mais jolie aussi.

La question est maintenant de savoir si nous allons devoir payer à nouveau pour le parking. Lorsque les préparatifs sont terminés, nous partons, un geste d’au revoir au gardien qui nous salue et nous prenons la route. La route en question est notre avenue jusqu’au pont de Galata, puis le pont et des avenues jusqu’au pont du Bosphore. La circulation est fluide, l’allure parfaite pour qui n’est pas sûr de lui. Dans le quartier de Tophane, il n’y a même presque plus de voiture sauf des voitures de police, c’est suspect et nous comprenons vite. Des policiers ont barré l’avenue et font signe de faire demi-tour. Inutile de demander pourquoi, ne serait-ce que parce que nous ne savons pas le dire. L’ennui est de devoir repartir dans la direction opposée à celle qu’il aurait fallu prendre. Je fais un essai auprès d’une autre voiture de police peu avant le pont de Galata, en réponse à la question de savoir par où passer pour aller sur le pont, on nous fait le geste de continuer par le pont. Seule issue possible à nos yeux à ce moment-là, remonter la Corne d’or pour aller prendre l’autoroute qui mène directement au pont du Bosphore. Des milliers d’autres automobilistes ont eu la même idée ! Nous avançons moins vite qu’à pied. Les Turcs font tout pour gagner quelques places : dès qu’une ouverture sur la droite se présente, les voitures s’y engouffrent, non pas pour aller à droite, c’est la mer, mais pour doubler par la droite ce qui a pour effet de renforcer les bouchons. Nous mettons une bonne heure pour faire les cinq kilomètres qui nous séparent de l’autoroute. N’étant pas encore venus dans ce quartier, nous ne savons pas s’il est possible de monter sur l’autoroute ou s’il faudra en plus faire un détour. L’allure serait parfaite pour la visite, mais nous ne pouvons pas quitter le camping-car. Le temps est toujours très beau, nous avons de la musique et pas de but fixé pour la fin de la journée. Le temps passe et à notre allure d’escargot, nous finissons par arriver au pied du pont. Il est très haut au-dessus de nous et au-dessus de la mer. Les panneaux indicateurs ne manquent pas, parfait ! Une fois sur l’autoroute, nous avançons bien.

Arrivés sur le pont, pour profiter du paysage, je roule à droite aussi doucement que le permet le flot, nous quittons l’Europe et passons en Asie. L’accueil en Asie est la barrière de péage du pont. Je présente la carte achetée à la frontière, tout va très vite, je ne sais même pas combien le passage a coûté ! Comme nous avons perdu beaucoup de temps en ville et que les cent kilomètres suivants sont largement urbanisés, nous décidons de faire une entorse à notre habitude et de continuer un peu sur l’autoroute.

Il est vrai que nous roulons bien et que les kilomètres passent, les barrières de péage aussi d’ailleurs. Au bout d’un moment, nous décidons de retourner à la route, quittons l’autoroute et perdons pas mal de temps à retrouver la bonne route au milieu de zones industrielles. La route n’est pas intéressante mais ce n’est pas l’uniformité de l’autoroute. Après Derince, il faut quitter la route 100 qui traverse la Turquie dans toute sa longueur, de la frontière avec la Bulgarie à la frontière avec l’Iran, et prendre à droite, c’est-à-dire suivre la baie d’İzmit. La route n’est guère plus intéressante, d’autant que les montagnes que nous devinons sur la gauche sont masquées par une brume de chaleur. Espérons qu’elle disparaîtra en passant la première chaîne. Globalement, notre intention est de suivre la mer de Marmara jusqu’au détroit des Dardanelles ce qui n’empêche pas de faire des incursions vers l’intérieur lorsque les guides signalent des lieux intéressants.

Pour cette raison, nous quittons la côte en direction d’İznik. Nous voyons des carreaux de faïence depuis peu, mais nous en avons vu des milliers, une raison de plus de passer par la ville qui les a produits pendant si longtemps. La ville ne compte sans doute pas beaucoup d’ateliers puisque la production avait cessé et ne fait que reprendre à une échelle plus modeste, mais elle a en plus un passé historique chargé dont il reste des traces. La route coupe au travers de montagnes peu élevées qui découvrent un paysage rural simple. Ce n’est pas une grande route, elle est assez bonne et, de fait, nous traversons des villages, voyons de la verdure, des cultures et des gens au travail. Sur les côtés, à de nombreuses reprises, des fontaines ont été aménagées, parfois avec un terrain pour stationner, deux points importants pour nous, l’eau et le camping. Après la montagne vient la descente sur le lac qui ne se laisse pas approcher, la route passant au milieu de plantations d’arbres fruitiers.

Le plan des principaux axes d’İznik est une croix. C’est une ville de province, c’en est bien fini ici de la mégalopole d’İstanbul et de ses tentacules. Le rythme est posé. La circulation n’est pas dense. Avant de nous décider à prendre une place près de la mosquée Halil Hayrettin Paşa qui se trouve à la porte de Yenişehir, nous parcourons en voiture la rue principale et celle qui mène au lac. Tout va pouvoir se faire à pied. Depuis cette porte, nous marchons dans la rue principale, passons devant la mosquée Sainte-Sophie, une ancienne église aussi, et tournons en direction de la porte de Lefke, à l’est. La rue est bordée de petits commerces d’un peu tout, plus particulièrement de maisons de thé et de magasins de céramique. Les prix pratiqués sont très inférieurs à ceux du Grand Bazar d’İstanbul. Nous constatons de nouveau que les vendeurs ne poussent pas à l’achat, laissent regarder, ne s’en mêlent qu’à la demande, ce qui est bien agréable. Avant la porte de la ville, sur la gauche, une esplanade réunit le musée et la mosquée Verte. Les visiteurs du musée, tous du pays à part nous, sont assez nombreux en cette fin d’après-midi. Le musée possède une collection d’objets très anciens de la région et une autre de céramiques. La mosquée tire son nom des faïences qui couvrent son minaret et lui donnent la couleur des grands arbres du parc. La porte est, une des trois de la ville ancienne, est percée dans les remparts qui la ceignent et comprend un arc de triomphe. Les promeneurs sont des familles. L’une demande des photos, une autre nous parle de la Turquie actuelle, de la liberté pour les femmes de se vêtir comme bon leur semble, des objets que vend un homme, brocanteur improvisé devant une petite table. Au retour, arrêt à la mosquée Sainte-Sophie où seul l’extérieur présente de l’intérêt. Pour la mosquée suivante, Mahmut Çelebi Camii, qui déborde sur la rue, c’est trop tard, l’heure de la prière est arrivée. Nous continuons jusqu’à la porte sud près de laquelle nous avons laissé la voiture. Le rempart est percé d’une double porte renforcée de bastions.

Le soleil commence à baisser, il est temps d’aller chercher une place. Le bord du lac devrait être propice. Nous partons en direction du sud et nous arrêtons non loin du carrefour de la route de Yenişehir. Un morceau de terrain a été empierré, c’est bien, parce que le reste est soit sablonneux soit marécageux. Nous ne sommes pas loin d’une maison et près du lac. Le soleil couchant et les lueurs qui l’accompagnent se reflètent entre les arbres.


Mercredi 2 mai

d’İznik à Edincik (photos)

Partir pour une ville importante, aujourd’hui Bursa, oblige à partir tôt si nous ne voulons pas transformer la recherche d’un parking en quête infernale. Nous pensions que la nuit aurait balayé la brume, eh bien non, elle est toujours là ! Pas un nuage ne vient masquer le ciel bleu, mais les lointains restent vaporeux. Au départ, la route s’élève pour passer un col, le lac se trouble, nous nous éloignons de ce col, il devient trouble à son tour et ainsi de suite jusqu’aux hautes montagnes enneigées qui s’élèvent derrière Bursa et qui ont bien du mal à percer la brume. Ce n’est pas de chance. Une déviation et un contournement aux abords de Bursa me désorientent tant et si bien que je ne sais pas par où nous entrons en ville. Dans la ville ensuite, un système de circulation à sens unique aux différents niveaux continue à me perturber. Comme d’habitude, j’aimerais arriver à m’orienter et à repérer les lieux de visite avant de m’arrêter de façon à savoir si nous aurons beaucoup à marcher ou non, mais ici, je n’y parviens qu’en partie. Le fait de ne pas pouvoir m’arrêter n’aide pas non plus. Les demi-tours sont moins simples en raison du relief. Bref, ce n’est pas catastrophique, juste un peu compliqué. La solution : stationner et demander au préposé au parking ce que nous cherchons. Nous sommes au bon endroit ! Nous voilà partis pour les visites. Au moins, la Grande mosquée est facile à trouver. La préparation d’un tournage par une équipe ne gêne pas la visite. Son centre est un grand puits de lumière, juste au-dessus du bassin aux ablutions. Elle a aussi un beau minbar sculpté. Ensuite, à la recherche du Koza hanı, une ancienne halle au coton, nous traversons une partie du bazar et visitons l’Emir hanı, une autre ancienne halle, cour presque fermée transformée en maison de thé et dont les étages, derrière de belles arches, abritent des magasins.

Vers l’est, après le pont, se trouve un quartier qui s’est révélé avoir un double intérêt pour nous. Les guides invitent à le visiter parce qu’y sont construits une mosquée, la mosquée Verte, Yeşil Camii, et le mausolée Vert, Yeşil Türbe, deux dénominations qui suffisent à savoir comment se dit vert en turc (ş = ch pour nous). Les deux monuments doivent leur nom à l’utilisation de carreaux verts à l’intérieur. Le mausolée est aussi décoré à l’extérieur par des panneaux carrelés bleus turquoise alors que la mosquée est en marbre blanc. Le second centre d’intérêt, fortuit, est une rue en pente transformée en marché de quartier. Ce sont presque exclusivement des denrées alimentaires fraîches, légumes et poisson. Tout mérite d’être observé et, d’ailleurs, les vendeurs se livrent bien volontiers à la démonstration. Le rangement des produits proposés est remarquable, les pommes de terre, les aubergines, les courgettes, les poivrons… sont disposés un à un pour former des beaux tas bien ordonnés. Nous en revenons chargés. De belles fraises fraîches en font partie.

Le départ n’est pas glorieux : nous sommes dans le mauvais sens, je cherche donc des rues pour retourner. En voici justement une à droite, assez large pour la prendre. Assez large au début, mais quand il s’agit de tourner de nouveau à droite, c’est limite et je dois faire des manœuvres avec l’aide de passants. Pour la troisième fois nous passons dans le quartier de la Muradiye et constatons une fois de plus qu’il n’est vraiment pas possible de s’y arrêter. Il restera donc des visites à faire lors d’un autre voyage.

Encore plus qu’en ville, nous sommes frappés par le nombre de magasins de marrons glacés le long de la route, LA spécialité de la région à en croire leurs grands panneaux. Nous l’ignorions, cela ne fait rien, il est encore temps de le découvrir. Le plus frappant est l’absence totale de châtaigniers, d’où peuvent bien venir les marrons ?

Cap à l’ouest, comme pour un retour en arrière. La route ne suit pas la côte et traverse des zones de grandes cultures au relief peu marqué. À plusieurs reprises, nous nous croyons dans la Beauce. Comme de plus la route est désespérément droite et vide, l’intérêt du trajet est réduit. Au niveau de la presqu’île de Kapıda, nous quittons la route principale pour aller jusqu’à Erdek, avec l’espoir de trouver un coin pour passer la nuit. À Erdek, nous allons jusqu’au bout - nécessairement sans issue puisque, après, c’est la mer - pour rien, sans compter que le demi-tour n’est pas une partie de plaisir puisqu’il commence par une longue marche arrière dans un espace de la largeur du camping-car et avec des piétons ! Retour. Nous nous attendions à une route au bord de l’eau comme semblait l’indiquer la carte et nous circulons dans des collines. Un peu avant l’embranchement d’Edincik, quelques pistes dans le sable donnent accès à la mer. Nous y allons et nous nous arrêtons près d’un arbre à une trentaine de mètres de la mer de Marmara. L’endroit n’est pas d’une grande propreté, mais il fera. Sur la plage, une barque. Son propriétaire vient y travailler puis, sa femme aux rames, il part pêcher non loin, le repas du soir, la pêche ne doit pas être miraculeuse. Très beau et lumineux coucher de soleil sur la mer.

Suite du voyage de 2012

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