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Voyage de 2012

Semaine 6, Turquie

Jeudi 10 mai

de Yaprakhisar à Uçhisar (photos)

Comme nous sommes près de la cathédrale de Selime et que le billet acheté vaut aussi, nous allons voir. Il nous semblait bien avoir lu que les billets n’étaient valable qu’un jour, la confirmation est là : si nous voulons entrer, il faut payer à nouveau. C’est exagéré pour qui veut visiter sans survoler. Il est matériellement difficile d’arriver à faire les deux au complet dans la même journée. Nous ne nous plaignons pas puisque nous avons commencé l’après-midi, mais si nous avions commencé le matin, nous n’aurions pas parcouru toute la vallée si vite et aurions pris le temps de visiter tous les sites, il n’est pas certain que nous serions arrivés à temps ici pour une visite dont nous ignorons la durée. Ce n’est pas grave, d’autres visites sont au programme ces jours-ci. Nous remontons maintenant la vallée en voiture, nous devrions plutôt dire que nous remontons sur le plateau puisque la route quitte la vallée. Elle la quitte en restant au bord. Le temps est moins beau que les autres jours et, dès que nous atteignons le plateau, nous voyons que déjà des nuages noirs d’orage couvrent les sommets vers le Hasan Dağı. Arrêt à Ihlara pour quelques courses. La benne d’un tracteur est pleine de femmes et d’enfants qu’on amène aux champs. Le chauffeur n’est pas là et les plus jeunes jouent à grimper sur son siège, un bon sujet de photo !

Direction : Güzelyurt, un autre village un peu plus à l’est. Le temps est passé au gris faisant mentir son nom qui signifie mot à mot « beau pays », ce qui est peut-être vrai au soleil. Il n’en reste pas moins qu’il offre une belle vue sur le massif voisin où le ciel gris renforce le contraste avec la neige. Ce village est construit sur le flanc d’une petite montagne. En arrivant, la route domine la plaine que nous venons de passer. La rue monte, nous nous arrêtons vers le haut et descendons dans la ville basse pour aller visiter l’église transformée en mosquée. Au passage, nous regardons les maisons, en grande partie troglodytiques, sans nous attarder puisque nous projetons d’aller visiter Derinkuyu dans la journée. En fait, on ne délivre ici qu’un billet, valable pour tout. Nous visitons un peu, sans trop nous enfoncer dans le dédale de pièces et de niveaux à la solidité suspecte par endroit. Les occupants avaient tout creusé dans la roche, la modelant selon leurs besoins. Plus bas, s’il n’y avait le minaret, on penserait que la mosquée est encore une église. En hauteur se trouve une ancienne église rupestre dont les peintures ont souffert.

Au sud du village, la route pénètre dans une zone de terrain calcaire aux allures caussenardes, rocheux avec quelques parcelles planes et des petits chênes rabougris. La végétation commence à se réveiller. Au détour d’un virage une église, l’Église rouge (Kızıl Kilise), apparaît. Elle ressemble à s’y méprendre aux églises d’Arménie mais est très endommagée. Nous continuons vers le sud jusqu’à un croisement vers Çiftlik. Le vent souffle en fortes rafales, la pluie commence pour s’arrêter presque aussitôt. L’altitude nous fait craindre de la neige. À Bağlama, nous allons au marché compléter ce que nous avons trouvé à Ihlara. Il n’y a presque rien, quelques légumes, la région doit être pauvre et isolée. Au magasin, une surprise nous attend. Le patron parle allemand, il a travaillé en Allemagne et est revenu s’installer au pays depuis plusieurs années. À la sortie des classes, des écoliers nous interpellent, les touristes doivent être rares. Le ciel est de plus en plus noir et le vent souffle toujours aussi fort.

Nous partons pour Derinkuyu. Ici, le parking se paie en partant. Le nombre de bus est impressionnant. Ils attendent des groupes scolaires et des asiatiques. Au fur et à mesure qu’ils partent, la place se dégage. À cette heure, il n’en viendra pas d’autre tout de suite. Inutile de demander où se trouve l’entrée, l’alignement des magasins de souvenirs et des restaurants donne la direction. Nous sommes maintenant seuls, nous pouvons y aller. La ville souterraine s’enfonce dans le sol sur une bonne dizaines d’étages dont seulement sept se visitent. Il est bien difficile de se rendre compte de l’étendue une fois sous terre. On circule dans des boyaux qui obligent à marcher un peu courbé. Des escaliers vont vers la droite, d’autres vers la gauche, des espaces menant à plusieurs pièces ou ensembles de pièces sont aménagés… on perd vite toute orientation. Le caractère défensif du réseau est manifeste aux passages de porte où de grosses pierres rondes, comme des meules de nos moulins, placées verticalement pouvaient être roulées et bloquées de l’intérieur et sans prise à l’extérieur. De grands puits d’aération ventilaient la ville. Nous visitons en même temps qu’un couple avec un guide et, au point le plus bas, nous sommes rattrapés par un groupe scolaire qui s’amuse à crier dans les tunnels, le vacarme est assourdissant et heureusement de courte durée. Tout ce groupe veut aller visiter un recoin où se trouvent quelques tombes, mais le boyau ne permet pas le passage simultané dans les deux sens et l’espace à l’arrivée est si petit que seules trois ou quatre personnes peuvent y entrer, nous attendons sagement notre tour, mais sans ressentir un peu de claustrophobie, nous trouvons l’endroit petit. Retour à l’air libre. Un marchand de tapis est installé juste en face de la sortie, il a étendu à l’extérieur de beaux tapis destinés à attirer. Quel contraste entre le magasin, une espèce de hangar sans charme, et la richesse de sa marchandise ! Et quelle différence surtout lorsque nous abordons la question du prix ! C’est inenvisageable. En ressortant, la pluie arrive pour de bon, le parapluie était encombrant, il devient utile. L’espace touristique est désert. Nous partons, le préposé au parking est parti aussi, encore une fois obligés de partir sans payer !

La route continue en direction de Nevşehir. À la recherche de la route pour Uçhisar, une route secondaire, nous nous égarons à plusieurs reprises en raison de travaux. Le temps ne s’est pas arrangé, juste ce qu’il faut pour commencer à remplir la déclaration d’impôts, à condition de trouver un accès internet. Comme d’habitude, il suffit de demander. C’est sur la place principale du village. Le patron parle français et nous pouvons y venir avec notre propre ordinateur ce qui facilite les choses pour la frappe au clavier, pour la sauvegarde des documents et pour recharger sa batterie. Devant l’impossibilité de se connecter début avril, avant le départ, nous avions posé la question de savoir comment procéder et les services compétents avaient conseillé de remplir ce que nous pourrions en temps voulu et de terminer en juillet. Nous venons donc prendre date, sans plus, dans la mesure où nous n’avons pas tous les documents nécessaires. Aucune difficulté, un peu de courrier et la météo en plus pour un prix dérisoire. La pluie a cessé, nous continuons en direction de Göreme. La route entre Uçhisar et Göreme est bordée de points de vues sur les formations coniques de tuf que tout le monde connaît. Nous nous arrêtons souvent, il n’y a pas deux vallons identiques, pas deux cônes identiques et les couleurs, malgré le temps, varient selon les zones. Pour nous rendre compte des lieux, nous allons jusqu’à Göreme et montons au-dessus du Musée en plein air afin de reconnaître les lieux pour demain matin, connaître l’heure d’ouverture et avoir de nouveaux points de vues. La route est pavée et monte en lacets, la pente est très forte, nous ne le referons pas. Il y avait longtemps que nous n’avions pas rencontré de camping-cars, ils sont ici. D’ailleurs nous avons été sollicités par un employé de camping en arrivant. Après réflexion, nous préférons aller passer la nuit dans un endroit moins touristique. Nous passons la soirée, jusqu’à la nuit, à un des points de vues de la descente mais ne souhaitons pas rester là pour la nuit en raison de l’orage. Nous n’aimons pas être secoués au bord d’un ravin ! La nuit venue, nous remontons donc à Uçhisar et nous nous installons sur le parking de la place centrale. Un emplacement de choix pour qui veut être sûr de ne pas rater les appels à la prière ! Les hauts-parleurs sont réglés sur fort et le minaret est de l’autre côté de la place. Nous en sourions parce que nous savons que cela ne dérange pas. Pluie le soir.


Vendredi 11 mai

d’Uçhisar à Zelve (photos)

Changement complet de temps, le ciel est redevenu bleu pur, nous partons avant 7 h. Le ciel est plein de montgolfières, une grande spécialité. Hier en circulant, nous avons vu bon nombre d’établissements et leur parc de véhicules tous terrains et de minibus. À cette heure - sans jeu de mots -, elles sont soit en pleine ascension soit sur la descente. Elles ponctuent le ciel ou le fond de décors de film de jolis points et taches de couleurs.

Nous allons jusqu’en plaine sur la route d’Avanos pour admirer le spectacle. Presque toutes sont posées. Nous allons ensuite prendre place à Göreme et partons à pied au musée. Nous sommes les premiers, les employés arrivent tranquillement alors que nous sommes entrés depuis un moment. Une bonne douzaine d’églises rupestres anciennes ont été creusées dans le tuf des falaises. Les peintures murales vont de quelques lignes à des compositions complexes illustrant des textes fondateurs. Les églises étant petites, nous avons choisi de venir tôt, avant les groupes. La plus belle est sans conteste Tokalı Kilise. En ressortant du musée, nous constatons que trois camping-cars ont pris place sur son parking, un suisse et deux français.

Nous regagnons le nôtre, en ville, et partons pour Zelve. Avant d’y arriver, la route passe au lieu-dit Paşabağı, là où se trouvent les fameuses colonnes de fées aux chapeaux coniques foncés, nous serions tentés de dire là où les fameuses morilles géantes ont poussé, leur forme et leurs couleurs rappelant en effet celles de ces champignons. À notre arrivée, il ne reste qu’une place dans le parking, les autocars ont tout pris, autant dire qu’il y a du monde sur le site. Comme les touristes sont dispersés sur des chemins aménagés entre les colonnes, la balade reste calme, de plus, contrairement à eux, nous avons le temps. Du temps, il en faut, pour découvrir les angles, les alignements, les vues d’en haut… le tout en fonction de l’éclairage, c’est ce dernier qui nous décide à repousser une visite approfondie à un moment plus favorable, en début d’après-midi. En attendant, nous partons pour Zelve, un village troglodytique dont les autorités ont déplacé les habitants en raison de l’affaiblissement de certaines maisons. C’est devenu un parc avec stationnement, kiosques divers, barrières… ce qui nous rebute un peu. Nous restons au milieu de la place en attendant de nous décider. À ce moment, un Turc vient à nous. Il parle très bien français pour avoir vécu et travaillé en France. Il était et pose la question de notre numéro de département. C’est surprenant puisqu’en France peu le connaissent. Il vient nous dire qu’une école de tapisserie à l’entrée d’Avanos a une journée portes ouvertes aujourd’hui et que sa nièce qui y travaille nous y recevra volontiers pour nous guider. Il n’en fallait pas plus pour nous détourner.

Vite, en route. Avanos n’est qu’à quelques kilomètres. Nous y arrivons, trouvons sans peine, entrons, on nous indique une place, et on nous dit par où passer pour entrer dans les lieux. Aussitôt entrés nous sommes pris en charge par la nièce en question qui parle parfaitement français. Dans une salle, elle nous présente trois femmes en train de travailler trois types de tapis différents. Elle explique les différents nœuds, très fière du double nœud turc - consentant toutefois à montrer le nœud simple iranien -, les différentes finesses de matériaux utilisés de la laine à la soie, le nombre de nœuds, la durée du travail, les provenances, la structure de l’école… L’étape suivante est la partie vente où nous rencontrons le patron, un homme affable et gai qui parle aussi français. Dans un vaste salon où l’on nous a servi le thé, on nous montre des tapis de toute beauté, nous n’en avions pas encore vu d’aussi beaux. Notre choix se porterait sur des grands tapis kurdes de la région d’Hakkâri si les prix ne dépassaient pas le coût total de celui de notre voyage. Nous remercions de notre mieux et repartons. Une question demeure bien que nous l’ayons posée et qu’on nous ait répondu : que représente l’école dans ce dispositif ? Maintenant que nous sommes à Avanos, allons jusqu’au centre. Sur la rive droite du Kızılırmak, le marché bat son plein. Les parties touristiques sont sur l’autre rive. Passer le pont n’est pas simple, il est juste pour deux voitures donc je ne peux m’y engager que s’il n’y a pas de voiture en face. J’attends une voiture, puis une autre, une troisième, mais les voitures qui me suivent n’ont pas l’habitude d’attendre et me dépassent ce qui retarde le trafic en sens inverse et laisse le temps à d’autres d’arriver et de même derrière ! On finit toujours par y parvenir. Une fois sur la rive gauche, pas de place, il faut retourner au grand parking du marché, donc repasser le pont ! Le parking est à côté du marché, autant commencer par là. Il est à peu près partagé en deux, en haut les vêtements et en bas les fruits et légumes. Les rayons de vêtements offrent un mélange de vêtements occidentaux et de vêtements féminins plus conformes à certaines prescriptions religieuses. Les fruits et les légumes sont tous plus appétissants de fraîcheur les uns que les autres. Impossible de faire un choix entre les marchands, nous prenons au hasard des carottes, des petits pois, des concombres, des courgettes, des tomates, des aubergines, des fraises… la liste serait longue. Nous y ajoutons des œufs et, dans une boucherie, de la viande. C’est finalement bien chargés que nous revenons à la voiture et que nous décidons de retourner à Paşabağı parce que l’heure va être favorable. Un plein d’eau dans une station-service et nous repartons.

Sur place, nous faisons une balade plus haut que sur les chemins près du parking, au pied des cheminées. Un passage un peu vertigineux nous fait rebrousser chemin, l’endroit où il est on ne peut plus improbable de rencontrer un couple de Français, et pourtant, ils sont bien là, en face et passent le petit fond de ravine qui nous arrête. De retour au camping-car, un homme vient vers nous, le tenancier de la maison de thé la plus proche vient nous offrir un verre de thé chez lui, sa façon de fêter le cinquième anniversaire de son installation. Il nous propose de passer la nuit sur son parking à l’arrière, gardé la nuit. Bonne idée, sans cela, nous serions retournés à Uçhisar. En fin d’après-midi nous avons la surprise de voir arriver les deux camping-cars français vus ce matin au musée. Bavardages, échanges sur les voyages… Invités à leur tour, ils décident de rester pour la nuit. Bien mieux équipés que nous, ils nous offrent l’apéritif, l’occasion de poursuivre les échanges.


Samedi 12 mai

de Zelve à Kamışlı (photos)

Nouveau départ matinal à l’heure où les montgolfières sont de sortie. Les autres Français ne bougent pas, nous partons pour Çavuşin, à six kilomètres pour une balade à pied dans des fonds de vallons entre des cônes de tuf. Il fait beau et frais, le soleil est bas, donnant de belles ombres. Nos déplacements ne sont limités que par nos capacités à monter et descendre dans ces reliefs peu ordinaires. Nous tournons autour de dizaines de formations, marchant la plupart du temps dans le fond, allant visiter les excavations lorsque nous en voyons d’accessibles et montant sur tout ce qu’il est possible d’escalader pour avoir des points de vue. Au fond de la vallée, les formations nous barrent la route, nous escaladons un versant pour redescendre par une autre vallée. Au col, entre les deux vallées, un étal de souvenirs attend son propriétaire, tout a passé la nuit à l’air libre, il doit y avoir peu de voleurs. Au passage, nous allons visiter une église. D’en haut, les points de vue sont très beaux, les formations coniques sont marquées à l’horizontale par des barres de différentes nuances d’ocre. Au retour, nous croisons quelques touristes et dans le centre de Çavuşin, nous retrouvons les deux camping-cars de la veille mais sans leurs passagers.

Pour aller à Ürgüp, la route est celle de Zelve, celle aussi qui passe par Paşabağı, toujours aussi joli. La montée au-dessus de Zelve recèle de nombreux cônes aussi, des autobus attendent leur groupe. Les teintes sont plus foncées. Nous nous arrêtons à plusieurs reprises. Au-delà du col, la densité de cônes et leur taille diminuent, c’est beaucoup moins spectaculaire et il n’y plus personne pour les admirer. Pourtant, certaines formations sont curieuses, émergeant de petits champs ou dans une prairie. À Ürgüp qui s’étage sur le flanc d’une colline, nous cherchons la poste, elle est fermée. Un petit tour à pied dans le centre nous amène devant des magasins de fruits secs, très appétissants. Ils sont les uns contre les autres, nous entrons au hasard dans l’un d’eux. Le jeune vendeur s’exprime en français, à vouloir nous faire goûter ses produits, il nous gaverait si nous ne le limitions pas. L’envie ne manque pas, mais nous n’achetons pas de tout. Il a plusieurs sortes d’abricots séchés, certaines ressemblent à ce que nous avons vu ailleurs, il en a une autre, ceux de sa maman ! Est-ce vrai ? Peu importe, ce sont des abricots séchés de façon artisanale, nous en prenons sans nous restreindre sur le reste. Retour au camping- car. Nous sommes garés sur le parking devant l’entrée de la ville souterraine. Elle n’est pas importante et le beau temps nous incite plus à rester dehors qu’à nous enfermer, mais elle reçoit des visites, par exemple un groupe familial d’Adana que je prends en photo et qui vient bavarder.

Nous partons vers le sud. Les fonds de vallées sont cultivés et bien verts. À mi-hauteur les formations de tuf continuent à nous accompagner tandis qu’au-dessous, des falaises séparent les vallées de plateaux et de collines arides. Lorsque la route cesse de suivre la vallée pour monter sur le plateau, nous sommes frappés de voir d’immenses tas de pommes de terre. Plus bas déjà, nous avons remarqué de grandes portes dans les rochers. En haut, l’une d’elles est ouverte laissant voir ce qu’elles cachent, des caves creusées dans le tuf assez grandes pour laisser entrer un camion semi-remorque que l’on charge de pommes de terre. Manifestement, comme la nouvelle récolte approche, ils vident les caves et jettent leur contenu à côté, des tonnes et des tonnes de pommes de terre. Quel gâchis ! Ici, le plateau est entièrement consacré à l’agriculture, céréales surtout, le reste n’est pas assez développé pour savoir ce que c’est. La route redescend du plateau dans un terrain aride, sans arbre et presque sans herbe avant de retrouver la vallée qui mène à Yeşilhisar. Nous y faisons le plein parce que nous comptons bientôt prendre une petite route. Pour faire le plein de l’autre côté sur une route à deux fois deux voies séparées, il suffit de chercher l’endroit où d’autres ont franchi le terre-plein central et de remonter l’autre sens. Ce n’est pas loin et il n’y a personne. Le pompiste tient à visiter le camping- car. Ensuite il ne tarit pas d’éloges dont nous ne comprenons que güzel (beau). Avant d’arriver à notre petite route, nous devons prendre un morceau de la grande. À intervalles réguliers, des agriculteurs vendent des pommes de terre, nous en prenons un sac. Ce sont de vieilles pommes de terre qu’il faut trier un peu, mais pour la cuisine à bord, c’est parfait. L’approche du massif Ala Dağlar annonce la petite route. Elle commence par aller droit sur ces montagnes dont nous voyons bien qu’elles sont couvertes de nuages sombres et développent des orages. La pluie nous attend pas loin. Elle ne dure pas mais a rendu la chaussée glissante et le ciel reste chargé. La route traverse le village d’Elmalı, un nom qui signifie pomme, non sans raison, les arbres fruitiers, des pommiers surtout, emplissent la vallée. Peu avancés à cette altitude, beaucoup sont encore en fleur, d’autres ont déjà des feuilles. Nous avons décidé d’attendre Kavlaktepe pour chercher un emplacement pour la nuit. Mauvaise idée, de gigantesques travaux sur la route commencent ici. Pendant plus de trente kilomètres, nous roulons sur une mauvaise piste que la pluie a rendue encore pire. La route va être entièrement élargie et refaite, pas un pouce de terrain ne reste sur les bords. À notre vitesse, il faut plus d’une heure pour sortir de là. La route suit le massif montagneux sans sortir de la vallée et de son décor d’arbres fleuris. Le ciel reste sombre mais la hauteur des nuages est variable, laissant de temps à autre voir des sommets, les plus élevés du Taurus, entre 3 500 et 3 700 m d’altitude. De ce côté, le paysage est alpin. La fin des travaux n’arrange pas la situation de recherche, en vallée cultivée, les espaces à plat libres sont peu fréquents et, de plus, les villages sont en dehors de la route. Ce n’est qu’à Kamışlı où l’habitat est dispersé que nous trouvons. Nous ne sommes finalement pas loin de la Méditerranée.


Dimanche 13 mai

de Kamışlı à İskenderun (photos)

La nuit a chassé le mauvais temps. Il fait très beau mais comme nous avons bien avancé hier, nous avons un peu dépassé les hauts sommets, c’est dommage, ils devaient être dégagés ce matin. Nous continuons la route, sans les épouvantables travaux d’hier. Elle quitte la vallée et fait passer dans des forêts de pins avant de descendre dans une grande vallée où elle rejoint la route principale et l’autoroute. D’ailleurs, une erreur à un rond-point nous y amène et nous allons à la sortie suivante pour reprendre une route. Avant de n’être plus qu’un souvenir, la vallée s’élargit. Avec la perte d’altitude, la végétation continue à changer rapidement. Après les forêts viennent des cultures dont des oliveraies. Les figuiers de Barbarie et les lauriers sont en fleur, les premiers en jaune, les seconds en rose. Dans la plaine, les orangeraies dominent.

La première grande route débouche sur la route côtière. Maintenant, les grandes cultures occupent la place. On récolte les pommes de terre nouvelles : dans des champs que des tracteurs ont préparés, des femmes les ramassent et les mettent en sac. Elles sont très nombreuses pour ce travail manuel. À un moment, cela se passe dans un champ au bord de la route. Nous nous arrêtons et allons voir. Un groupe de femmes travaille, quelques hommes bavardent et viennent à notre rencontre. Nous sommes un fois de plus accueillis comme si nous étions attendus. Bien sûr, les femmes n’arrêtent pas leur travail, mais les hommes nous montrent les pommes de terre et les sacs. Ils tiennent absolument à en donner et nous demandent d’aller chercher un sac à la voiture. Il n’en est pas question. On nous donnerait des pommes de terre, à nous qui ne faisons rien, et toutes ces femmes qui travaillent n’auraient droit à rien de plus qu’à leur rétribution. Photos et nous repartons avec seulement quelques pommes de terre.

Nous passons Adana sans nous arrêter pour aller plus loin, au château de Yılanlı, à l’écart, un peu avant Ceyhan. Ce château fort ancien a été construit au sommet d’un escarpement rocheux qui domine les plaines alentour. Ses pierres calcaires grises se fondent dans le décor. Il fait très chaud et l’accès n’est pas ombragé. Nous commençons à monter le sentier, surpris qu’il soit si bien marqué, les guides ne disent-ils pas que l’accès est difficile ? Derrière nous une famille turque de trois générations nous rattrape doucement. La difficulté commence au bout du sentier. Des rochers à escalader. Cela reste raisonnable. Le passage de la première porte est d’un niveau supérieur. Une partie de la famille turque reste en bas, un représentant de chaque génération continue, nous nous aidons. Le passage de la deuxième porte est plus délicat, je continue seul et à quatre, nous nous aidons à chaque rocher. Ici c’est un passage de plusieurs mètres de hauteur qui me fait un peu craindre la descente qui suivra. Et cela continue à l’intérieur de la deuxième enceinte. Je m’arrête et mes trois compagnons continuent. De mon promontoire, je peux voir les enceintes, les tours et la plaine autour, inutile de forcer pour continuer. À leur retour, nous nous prenons en photo et échangeons nos adresses internet. La descente est finalement moins difficile que je ne le craignais. De retour au parking, nous sommes invités à prendre un thé au restaurant ! L’homme travaille dans le domaine de la justice dans la ville voisine, ils sortent en famille le dimanche et ce n’était pas sa première visite dans le château.

Après une pause à l’ombre de pins en contrebas du piton rocheux, nous reprenons la route. Au milieu d’orangeraies, à l’écart de la mer, elle contourne la baie d’İskenderun, l’endroit où le rivage méditerranéen change sa direction est-ouest et passe au nord-sud. Comme la saison avance et que le climat ne sera sans doute pas le même à l’intérieur des terres, de crainte de ne pas trouver aussi facilement des agrumes, nous faisons le plein à Dörtyol. Le fond de la baie est densément peuplé. İskenderun ne semble pas présenter d’intérêt et nous souhaitons aller sur le bord de mer au sud. La sortie de la ville n’en finit pas dans cette direction, et, ensuite, les maisons et les villages de vacances se succèdent de façon presque continue. La mer n’est pas loin, la route ne commence à la longer qu’à Büyükdere Köyü. Cette curiosité que nous avions pour la mer n’était pas fondée, il est évident que le changement d’orientation du rivage ne change rien au paysage. Pour nous, cela représente en quelque sorte le « bout » de la Méditerranée ! Pendant un temps nous avions pensé passer la nuit ici. Le stationnement n’est pas des plus évidents et de plus, malgré le grand soleil ici, l’accumulation de nuages d’orage noirs au nord vers les montagnes nous fait craindre des rafales de vent. Nous repartons donc vers İskenderun. Les pentes commencent dès les abords et la banlieue est. Les lauriers en fleur sous le soleil sont jolis sur fond de mer. Par contre, l’espoir de trouver un emplacement est mince. En montant en direction d’Antioche-sur-Oronte (Antakya), on lave des voitures dans une grande station-service, nous pourrions faire le plein d’eau. Le terrain-plein central est grillagé, il faut aller tourner plus haut. Je demande si l’on peut prendre de l’eau, la réponse aurait été oui si elle avait été bonne. Notre interlocuteur qui était en train de laver un minibus demande où nous allons, réponse vague, « nous ne savons pas, nous allons sans doute redescendre chercher un endroit où passer la nuit… ». En contrepartie, il dit que nous pouvons rester là, sur leur parking et qu’il n’y a aucun problème. C’était inattendu ! Qui est-il pour prendre une telle décision sans demander au personnel de la station ? Mystère, le patron ? Dans ce cas, pourquoi lave-t-il un minibus, même s’il lui appartient ? À défaut d’eau - il en reste - nous avons un terrain. La situation n’est pas idéale, la station-service est très fréquentée et la route un peu bruyante en raison de la pente. Deux gros camions sont installés sur le petit parking de quatre places, nous avons une vue sur une partie de la ville à l’arrière et le sol est presque parfaitement horizontal. S’il l’avait été, je n’aurais pas mis de cales. Nous sentons bien, ensuite, que les gens qui s’arrêtent se demandent quelle panne nous pouvons avoir pour être obligés de caler ! Pour l’eau, il vaut mieux aller en prendre dans la montagne, plus haut, elle est meilleure, ce sera donc pour demain.


Lundi 14 mai

d’İskenderun à Yesemek (photos)

Changement radical de temps, ce matin, ciel bas et gris. Nous n’arrivons pas à voir où prendre de l’eau dans la montagne, c’est encore remis à plus tard. Les nuages sont accrochés juste au-dessus de la route. De l’autre côté, ce n’est pas mieux, ce qui n’est pas grave puisque, dans cette large vallée, nous faisons un aller-retour à Antioche (Antakya). L’entrée dans l’agglomération n’est pas belle, elle ressemble à nombre de faubourgs industriels et commerciaux qui flanquent les villes. Le temps gris en train de passer à la bruine n’arrange rien.

Pour l’instant, la beauté du lieu n’est pas la question, il s’agit de trouver le garage Fiat pour mettre fin au bruit du compresseur d’air conditionné. Nous sommes dans la bonne avenue et le trouvons sans peine. Direction l’atelier. Ils commencent par demander si nous voulons du thé. L’anglais est sommaire, nous nous débrouillons autrement. Un bruit à écouter, c’est facile. Ils comprennent de suite et disent que nous serons pris en charge dès qu’un mécanicien sera libre. L’attente est de courte durée. Nous avons été conviés à passer au salon où le thé est accompagné d’assiettes de petits gâteaux dans lesquelles les clients plongent la main sans retenue. Il pleut maintenant à seaux, comment ferons-nous en ville ? Nous n’avons rien dit de notre connaissance de la panne. Le diagnostic est le même, le remède presque aussi. Simplement, au lieu de couper la courroie, le mécanicien la démonte proprement et nous la remet pour une réparation ultérieure, nous disant simplement que le prix de ce moteur est de neuf cents euros et qu’ils n’en ont pas. La conversation est plus facile avec lui parce qu’il parle un peu allemand. Une fois l’intervention terminée, nous demandons une facture. Ils ne veulent pas. Je dis au mécanicien qu’il a travaillé et que je dois payer pour ce travail, mais c’est non, je peux donner quelque chose si je veux. Cela se termine donc ainsi, mais le procédé est curieux, que gagne le garage ?

Allons visiter la ville, la pluie vient de cesser. Aucun problème pour trouver une place. La visite se limite à celle du bazar, lundi est le jour de fermeture des musées. Avant d’y entrer, une künefecilik nous retient. C’est un magasin où l’on vend des gâteaux prenant en sandwich du fromage frais fondu entre deux couches de cheveux d’ange et qui sont servis tièdes dégoulinant de sirop, des künefe, une spécialité locale. Peu avant le repas, le moment n’est pas choisi, l’occasion a été déterminante, il doit pourtant y en avoir beaucoup d’autres et celle-ci aurait encore été là au retour ! C’est surprenant, à notre goût trop sucré, mais pas mauvais quand même. L’entrée dans le bazar nous fait pénétrer de plain-pied en Orient. Impossible de savoir ce qui provoque ce sentiment. Une atmosphère différente ? D’autres attitudes ? La question demeure. Nous n’y cherchons rien d’autre que de nouvelles découvertes. La production des cheveux d’ange en est une : le cuisinier verse de la pâte assez liquide dans un récipient au-dessus d’une grande plaque chaude circulaire en rotation. La pâte s’écoule sur la plaque par un petit trou à la base du récipient. D’une main, le cuisinier déplace lentement le récipient du centre vers le bord pour que la pâte ne tombe pas au même endroit. Ce faisant, il construit une longue spirale de pâte sur la plaque. Vu la finesse de la pâte, la cuisson est rapide. Le cheveu d’ange - il n’en fait qu’un seul, bien long, à la fois -, se colore à peine que déjà, d’un grand geste souple, le cuisinier le retire, le plie et le dépose dans un panier, prêt à être livré au künefeci, le pâtissier. Ces tout petits ateliers sont nombreux. S’ils sont tous consommés sur place, les habitants doivent en manger beaucoup. Le bazar est constitué d’un réseau de ruelles et de rues dans toutes les directions. Il est bien difficile de se repérer. Les prix sont bas. Ici, lorsqu’on demande à quelqu’un s’il parle anglais, il répond en demandant si nous parlons arabe, les échanges sont très limités, même pour demander son chemin ! Certaines ruelles sont couvertes, ce qui est appréciable un jour comme aujourd’hui. Au retour, n’ayant pas acheté de pain, nous en cherchons et c’est le préposé au parking qui nous amène à un petit dépôt.

Le temps a l’air de s’améliorer, en sortant de la ville le soleil vient illuminer la plaine. Nous quittons cette pointe de Turquie en direction de la Syrie - Alep est indiquée à tous les carrefours et de gros camions aux plaques d’immatriculation écrites en caractères arabes circulent dans les deux sens - et partons vers le nord. La route est en travaux, bien que la chaussée actuelle n’ait pas été modifiée, c’est pénible parce que cela interdit tout arrêt.

Comment faire alors pour admirer le paysage et faire des photos ? Prendre une petite route de montagne, n’importe laquelle, juste pour un court aller-retour. La plaine est cultivée jusqu’à une certaine hauteur du versant ouest de la montagne qui sépare la vallée de la mer. Son versant est se trouve en Syrie. Au-dessus des grandes cultures, sur des sols plus secs, les terrains se partagent entre pâtures et petits jardins. Les ravines sèches resplendissent des lauriers roses en fleur, il faut aller voir. La route a la largeur du camping-car, une promenade. Avant d’avoir fait cinq cents mètres, trois auto-stoppeurs font signe. Ce sont un couple et un très jeune enfant, de petits agriculteurs qui rentrent chez eux. Nous les prenons jusqu’à une piste un peu plus haut. Photos. Et demi-tour parce que les arbres commencent à rendre la route étroite. Arrêts plus bas, le premier pour aller jusqu’à la ravine proche voir tous ces lauriers sauvages et le second pour regarder des apiculteurs tellement pris par leur travail qu’ils ne s’aperçoivent pas de notre présence.

Retour à la route principale où nous prenons bien garde de tourner à droite, par la route qui longe la frontière syrienne. Du côté syrien, des routes descendent de temps en temps vers de petits villages à mi-pente. Nous ne décelons aucun mouvement. La présence militaire turque est marquée. Le but de la fin de journée est Yesemek, un tout petit village à une quinzaine de kilomètres de la route. Parmi les collines couvertes de forêts ou de petits champs, nous ne trouvons pas la voie d’accès. La distance parcourue est trop importante, nous avons dû la dépasser. Arrêt dans un village pour demander « Yesemek? » et constater que le geste désigne la route par laquelle nous venons d’arriver. Demi-tour et confirmation au village suivant. D’après la carte, ce devrait être à l’endroit le plus proche de la frontière, mais elle n’est pas visible, non loin du passage d’une petite rivière et près d’un pont de la voie de chemin de fer. Comment avons-nous fait pour ne pas la voir ? Demande aux militaires qui nous montrent la route, une petite route en contrebas dans la forêt. Un panneau indique Yesemek, mais il n’est visible que pour qui vient de l’est, c’est-à-dire dans notre sens maintenant, pas dans celui de tout à l’heure !

Juste après la forêt, la route suit le beau lac du barrage Tahtaköprü. Sous le soleil, sa couleur dominante est turquoise. Pour compléter le tableau, les montagnes sont plutôt rouges, l’herbe vert tendre et le ciel tout noir vers le nord. Nous nous arrêtons souvent. Le long du lac, la route est petite et sinueuse comme le rivage. Après le lac, en plaine, ils ont fait une route large et droite comme une autoroute dont l’asphalte se fait attendre. Pas une voiture et peu de monde, quelques bergers, pas plus.

Dans le village, pas d’indication, sans poser de question, on nous indique la direction. Vaste parking vide. Notre présence a immédiatement été signalée dans le village et le responsable est arrivé en même temps que nous. L’entrée est gratuite, du coup nous achetons le livret de présentation. Le guide, qui parle anglais, nous montre les principales sculptures et donne leur signification, ce que nous retrouvons dans le livret. Nous montons au-dessus, pour voir d’autres blocs de basalte au travail plus ou moins avancé. Le site est une ancienne exploitation de roches qui servaient à faire des sculptures. L’activité date de royaumes hittites vers le XIVe siècle avant J.-C. On extrayait des roches basaltiques un peu plus haut sur la colline et on les taillait pour en faire des sculptures de dieux ou d’animaux. Des centaines de sculptures, de l’ébauche à la réalisation presque complète, jonchent le sol du site, abandonné depuis plus de 2 500 ans. Après nous avoir fait compléter une enquête sur le tourisme dans la région de Gaziantep, le responsable repart discrètement et nous montons sur une plate-forme au-dessus du parking parce que, d’en face, nous avons vu des sculptures. Ce sont d’originales et intéressantes sculptures modernes dans le même basalte.

Trois enfants qui se sont aperçus de la présence de touristes viennent avec des bouquets, de petites branches de lauriers en fleur. Leurs connaissances en anglais se limitent à ce que nous entendons régulièrement, nom et pays. Ah non, pas tout à fait, ils savent aussi demander des stylos et de l’argent ! Comme nous n’avons pas de stylos et que nous ne donnons pas d’argent, nous cherchons… il reste trois gâteaux au chocolat qu’ils s’arracheraient presque. L’emballage est aussitôt lâché à terre. Ils ne demandent pas plus et repartent contents mais sans doute perplexes parce que je leur ai demandé, dans leur langue, où était l’école. Juste deux mots, mais cela voudrait-il dire que je comprends ? Le parking est un magnifique terrain de camping, pas un bruit.


Mardi 15 mai

de Yesemek à Şanlıurfa (photos)

Pas un nuage. Il n’est pas 8 h, les écoliers sont déjà devant l’école et les agriculteurs déjà aux champs. Nous reprenons la route d’hier. Dans les champs, précisément, l’heure va être à la pause, on s’affaire à préparer la collation, le thé chauffe. Nous nous arrêtons pour voir, mais on nous invite. Il n’en est bien sûr pas question, ils travaillent dur et nous prendrions sur leur nourriture. Une part importante du travail est manuel. Les tracteurs servent pour les gros travaux et pour les déplacements, mais ensuite, le désherbage et l’éclaircissement sont faits à la main, le plus souvent par les femmes. Comme il ne serait pas concevable non plus que nous restions là pendant la collation sans participer, nous partons. Vers le lac, les troupeaux sont importants, des centaines de bêtes, ovins et bovins, plusieurs bergers. À qui appartiennent-elles ? Regroupe-ton les cheptels du village pour les faire garder à tour de rôle par les uns et les autres comme cela se pratique dans d’autres pays ? Des questions sans réponse. Il faudrait pouvoir s’exprimer, elles ne relèvent pas de semblants de conversation simple avec force gestes. La lumière sur le lac est belle, moins jolie cependant qu’hier après-midi, c’est paradoxal, il manque les gros nuages noirs ! Ne nous plaignons pas. Sur près de quatre-vingts kilomètres, au nord d’Alep, la route continue de suivre la frontière avec la Syrie distante de cinq cents mètres à cinq kilomètres. C’est joli, vallonné et varié. Le relief change sans arrêt, la végétation aussi. Nous passons de zones un peu sèches avec des lauriers roses en fleur dans tous les vallons à des collines plantées d’oliviers et coupées de petits champs de cultures vivrières ou de céréales.

La première et seule ville importante sur la route est Kilis. Nous quittons son contournement et entrons en ville pour faire des achats courants comme des bouteilles d’eau. Au vu des regards, nous nous disons que le touriste doit y être rare. Les petites épiceries regorgent de produits divers et variés. L’organisation des magasins est un mystère, mais en allant voir dans les coins ou sur les étagères, on trouve de tout ; nous ressortons avec plus que ce que nous cherchions, comme souvent. De Kilis, la route remonte vers le nord. Le partageant avec les pois chiches, avant d’envahir tout l’espace, les plantations de pistachiers commencent. Nous nous y attendions parce que la ville de Gaziantep vers laquelle nous nous dirigeons est réputée pour ses pistaches. À un carrefour, bien qu’il reste encore une trentaine de kilomètres, Gaziantep est indiquée tout droit et à gauche ! Des policiers en train de verbaliser suite à un contrôle de vitesse et auxquels nous demandons disent les deux ! Disons à ce propos que les contrôles de vitesse sont très fréquents. Nous n’avons pas vu de radars fixes jusqu’à présent, et cela ne prouve pas qu’il n’y en ait pas. Les policiers mettent une voiture blanche en stationnement à contresens sur le bas côté, les radars sont fixés derrière le pare-brise. Un peu plus loin, une autre voiture, un étranglement sur la route et les policiers arrêtent les contrevenants. Comme nous ne roulons jamais vite, cela ne nous concerne pas, nous observons !

Nous partons à gauche. Des quartiers neufs d’immeubles modernes peints de couleurs vives ne tardent pas. Les avenues sont larges et fleuries. La circulation s’intensifie sérieusement à l’approche du centre. En avançant à notre rythme tout en regardant bien toutes les directions, nous trouvons l’avenue dans laquelle nos guides situent le Musée archéologique, puis le musée et une place de stationnement gratuite en face, presque un miracle. Le revers vient du musée qui est bien le Musée d’archéologie, mais dont les collections de mosaïques qui en ont fait la réputation ont été déplacées dans de nouveaux locaux dans une autre partie de la ville ! L’accès est en fait à peine plus compliqué et le stationnement encore plus facile. Le Musée des mosaïques de Zeugma est installé dans de grands bâtiments neufs. Les collections sont absolument extraordinaires. Il s’agit des mosaïques et de quelques objets découverts sur le site de Zeugma dont la fouille a été précipitée par la mise en eau du barrage de l’Euphrate (Fırat) au sud de Birecik. Les mosaïques sont reconstituées ; leur disposition, l’éclairage et les possibilités de les observer ou admirer d’en haut les mettent en valeur. Une salle particulière est réservée à la fameuse Gitane. Nous visitons en même temps qu’un groupe de Français, l’espace est vaste, nous ne nous gênons pas. Après l’air conditionné et la semi-obscurité de l’exposition, le retour sur le grand patio extérieur au sol clair en plein soleil, est saisissant.

Nous repartons et allons nous garer au pied du château. Montée à la citadelle pour le point de vue. Elle est occupée par un musée d’histoire locale, nous n’y allons pas et partons à la découverte du bazar. Deux spécialités méritent d’être signalées : le travail du métal et la pâtisserie. Les ateliers de travail du cuivre et les échoppes où l’on commercialise les métaux sont nombreux. Au bord de la rue, des artisans dessinent des motifs géométriques sur de grands plateaux de cuivre en les martelant. Les baklavas sont omniprésents, toujours bien rangés, couleur caramel, barrés des points verts de brisures de pistaches, tous appétissants, à emporter ou à consommer sur place dans des salons au confort et au luxe variés. Les pistaches méritent aussi une mention puisqu’elles sont une spécialité de la région. Le fait est que le bazar en regorge, plusieurs variétés sont proposées, les origines sont marquées. Les prix par contre nous surprennent, elles sont plus chères ! Couvertes ou non, certaines rues sont piétonnières, d’autres ouvertes à la circulation. Leur plan n’est pas un quadrillage régulier, à plusieurs reprises, nous demandons notre chemin pour rentrer. Achat de légumes frais et départ.

La sortie de la ville n’est pas simple, nous allons vers l’est, mais ce n’est pas la bonne route… Nous faisons plusieurs demi-tours et trouvons l’issue, direction Şanlıurfa. Le paysage est tacheté de plantations de pistachiers de tous âges. Arrêt à une station-service où le gazole est moins cher. Avant de commencer, la question est toujours la même : « est-ce que je peux payer par carte ? ». La réponse est presque toujours la même aussi : « no problem », en anglais même s’ils ne savent rien d’autre dans cette langue. Et comme d’habitude, le plein. Malgré la réponse positive, le paiement pose problème. Ils ont quatre lecteurs de carte de paiement, sans doute pour différents types de carte. Aucun n’accepte ma carte dont le logo figure pourtant en gros au bord de la route. La difficulté provient non de la carte, mais de l’incompatibilité avec les lecteurs. Il ne reste plus qu’une solution, payer en liquide, et précisément, nous avons remis à plus tard le retrait que nous devions effectuer. Je paie avec tout ce qui nous reste et ce n’est pas suffisant. Le pompiste me fait signe que « tant pis ». Par manque de chance, cette station est située au milieu de rien, c’est désertique. Après tous nos remerciements et nos excuses, nous reprenons la route. Cet épisode sert de leçon : avoir toujours assez d’argent liquide pour payer un plein. En attendant, nous n’avons plus un sou. Nizip, la ville suivante, n’est pas sur la route, mais nous y allons. Nous y cherchons le distributeur qui nous remettra à flot. En voici un, il y a la queue. J’arrête le camping-car et vais me mettre à la suite. C’est long, très long. Il semble y avoir un problème, le deuxième de la file, un policier, va donner un coup de main au premier, ils n’y arrivent pas, téléphonent… Il semble qu’ils abandonnent puisque le premier part. Je ne sais pas quelle opération financière il cherchait à faire, mais maintenant tout avance normalement jusqu’à ce qu’arrive mon tour. Le distributeur signale une difficulté et me demande si je veux faire ressortir ma carte, oh oui, et vite ! Nous n’avons pas plus d’argent, mais la carte est là. Recherche d’un autre distributeur. Aucun problème, nous repartons, ouf !

Une quinzaine de kilomètres plus loin, la route descend vers une ville comme une oasis dans le désert. Premier arrêt en haut pour le point de vue. En bas, un pont enjambe une grande rivière, nous réalisons que c’est l’Euphrate (Fırat). Nous n’allons tout de même pas passer ce fleuve quasiment mythique sans nous arrêter ! Entrée dans Birecik, stationnement et petit tour sur la rive est. Nous sommes loin de la mer et, bien que beaucoup d’eau soit prélevée pour l’irrigation, le fleuve est puissant.

En repartant, nous décidons de chercher une place vingt-cinq kilomètres avant Şanlıurfa pour passer la nuit. La campagne est désertique et l’agglomération de Şanlıurfa commence environ vingt-cinq kilomètres avant le centre ! Nous ne trouverons rien ici. Quelques stations-service sont établies au bord de la voie en sens inverse, sur la sortie. Nous descendons en ville sans y entrer et repartons en sens inverse demander à l’une d’elles. La première est une station Shell où on nous donne l’accord. Nous nous garons en bordure de l’herbe, assez loin de la route, c’est parfaitement plat, la place convient et nous nous y installons. Vers 9 h un quart, un camion frigorifique vient prendre place à côté, catastrophe. Une seule issue, partir. Nous n’aimons pas du tout nous installer de nuit, mais c’est indispensable, le moteur de son compresseur est bien trop bruyant. Arrêt à la station-service suivante, même question, même réponse, et pourtant, je les dérange, l’un d’eux avait étendu son tapis à prière et priait. Peu après, ils nous propose du thé, non merci, pas à cette heure. Terrain plat mais non asphalté, les clients ne sont pas assez nombreux pour faire du bruit. Nuit calme.


Mercredi 16 mai

de Şanlıurfa à Şanlıurfa (photos)

Très belle lumière matinale. S’agissant de s’arrêter en ville, nous y partons tôt. Le centre n’est pas loin et il est facile à trouver. Sur place, pour situer les points d’intérêts que nous voulons visiter, nous demandons à un commerçant sur le pas de sa porte. Il parle allemand. Nous sommes arrivés. Et pour le parking, voir plutôt à gauche. Tout fonctionne à merveille. Nous prenons place le long du trottoir et le préposé au paiement vient à nous, non pas pour le paiement, mais pour nous informer de la présence d’un parking meilleur marché juste derrière la palissade sur notre droite. Le fait est qu’à part les stationnements gratuits, nous n’avions encore jamais trouvé un parking à une livre (environ quarante-cinq centimes d’euro) la journée ! Le reste se fait à pied.

Sans perdre notre cap, nous alternons mosquées, parties du bazar et bureau de tourisme de la région. Ce bureau occupe une belle maison en pierre. Nous pensons que ce n’est pas le bureau d’informations touristiques, plutôt le bureau où sont traitées les questions touristiques de la région. D’ailleurs, on ne nous donne pas d’information. Bref, la maison est très belle et nous nous introduisons pour voir au moins la cour. Il n’en faut pas plus pour que l’on vienne et qu’on nous propose de tout visiter. Pas un recoin n’y échappe. L’ensemble est vraiment très beau. Réduite à notre arrivée en ville, l’animation commence.

Notre direction générale est ce qui concerne Abraham, la grotte, la colline et les bassins avec les poissons. On peut lire que Şanlıurfa est la ville natale d’Abraham, comme l’attestent à la fois la bible et le coran. Il est sans doute prudent de tout mettre au conditionnel, les travaux d’historiens ne permettent pas d’être affirmatif. Ici, c’est une certitude : Abraham est né dans LA grotte et y est resté caché jusqu’à ses sept ans. Elle est devenue un lieu de pèlerinage. L’ensemble constitué avec les mosquées est très beau et très agréable, dans un parc verdoyant ombragé - les arbres sont rares dans la région - avec des fontaines et des bassins. Les pèlerins s’attardent devant des kiosques à souvenirs religieux, un groupe de Libanaises qui a installé une grande pipe à eau nous invite, d’autres encore se promènent et découvrent tranquillement les lieux… Les façons de se vêtir reflètent des origines variées. La forteresse domine le complexe. Nous y montons par l’escalier extérieur, la chaleur est suffocante mais sèche. Du haut, la vue embrasse toute la ville. À nos pieds, la tache verte des mosquées et médersas avec leurs grands arbres et leurs jardins. La légende veut qu’Abraham ait été projeté en l’air du château par Dieu pour le soustraire au bûcher de la mort où il se trouvait en punition de ses actes de destruction des dieux païens. On comprendra notre émotion de mettre les pieds dans les pas d’un personnage aussi célèbre. De la colline, la ville se dévoile. Elle a ses parties modernes avec de beaux immeubles, ses parties anciennes, celles qui sont à nos pieds et un peu plus loin, elle comporte aussi des quartiers de maisons basses aux toits plats qui partent à l’assaut des terrains dépouillés, secs et rocailleux d’autres collines. La couleur de tous les lointains est l’ocre. Un groupe de femmes turques visite la citadelle en même temps que nous. Nous en redescendons par l’escalier creusé dans la falaise, les marches sont hautes, mais le soleil ne nous cuit pas. En bas, la visite se poursuit avec les médersas et les bassins. Fameux bassins ! Les carpes sacrées sont nourries avec ferveur par les pèlerins. Ne sont-elles pas les braises du bûcher sur lequel Abraham devait être immolé et que Dieu a transformées ? Des touristes, beaucoup de Turcs et d’autres de tout le Moyen-Orient, font le tour des bassins. Les lieux sont si agréables qu’on vient y passer un moment à bavarder entre amis ou seul pour se reposer de l’activité du bazar voisin. Au retour, nous passons dans des ruelles du bazar, les fruits secs et l’outillage côtoient des milliers de chaussures. Ces quantités de chaussures sont un mystère. La cour d’une ancienne halle est transformée en vaste maison de thé où des hommes jouent.

Si les jardins étaient ombragés, ce n’est pas le cas du camping-car, un four ! En début d’après-midi, beaucoup de monde dans les rues, du côté à l’ombre. Nous sommes à la recherche d’internet que nous finissons par trouver après avoir demandé à plusieurs reprises. Il s’agit de consulter les comptes. Un seul problème : l’accès est bloqué parce que nous avons fait plus de trois tentatives infructueuses, c’était en Albanie dans l’obscurité avec le clavier à demi-effacé ! Nous appelons la banque qui nous attribue un mot de passe simple à changer immédiatement, tout fonctionne parfaitement. Une surprise toutefois nous attend, un SMS disant que notre forfait est presque épuisé et qu’il faut penser à le réapprovisionner. Nous ne nous y attendions pas du tout, pensant avoir assez pour tout le voyage. Il y a une erreur quelque part.

Pour le reste de la journée, nous partons pour Harran, un village au sud, vers la frontière syrienne, avec l’idée d’y rester pour la nuit. La culture du coton a envahi la plaine, la saison n’est pas assez avancée, il commence juste à lever, tout est donc ocre.

Des groupes d’enfants - le taux de scolarisation ne doit pas être élevé ici - gardent des animaux le long des routes, seuls endroits où pousse un peu de verdure. Les rares maisons sont entourées de gros tas de petit bois, des branchages de coton récupérés après la récolte, il n’y a pas un arbre. Il faut attendre l’arrivée à Harran pour en retrouver, et encore en petit nombre et seulement à l’entrée du village, tout le reste est ocre. La route débouche sur une grande esplanade devant une portion de muraille. Sans ordre, quelques voitures, deux ou trois minibus et autant de motos. Un motocycliste nous tombe dessus. Il parle anglais. Il dit être étudiant en tourisme - je dois être évêque - et propose de nous faire visiter le site. Hésitations, puis nous lui disons que nous irons à pied, à notre gré. Nous avançons, je ne sais quelle intuition nous pousse à aller chercher l’entrée dans le village plus au sud, mais c’est parfait. La citadelle apparaît, nous avançons vers l’intérieur. Court arrêt pour prendre une maison en photo. Deux femmes et un enfant en sortent et demandent des photos. Bien sûr, mais immédiatement la question se transforme en « money ». C’est non, nous continuons à avancer. Parking. Le gardien du parking et l’« étudiant » en tourisme nous attendent. La municipalité gagne un peu d’argent avec le parking, mais c’est du vol vu la place partout et l’absence d’infrastructure de stationnement à part le kiosque du préposé. Notre « étudiant » revient à la charge. Il propose des explications, de nous guider ce qui, au vu des alentours, ne semble poser aucun problème, et dit qu’ainsi, nous ne serons pas importunés par des enfants qui viendraient demander de l’argent. Nous pouvons lui donner ce que nous voulons. Nous maintenons notre intention de visiter seuls ce qui l’amène à marchander seul de son côté, nous pouvions donner ce que nous voulions, il passe à vingt livres pour une heure, puis à dix et, là, je dis oui. Ce sera donc le prix de notre tranquillité. Je ne sais pas si des enfants seraient venus, nous n’en voyons aucun. À défaut d’enfants, nous avons donc un guide. Il connaît son sujet, est du village-même, comme tout le monde ici tsigane descendant d’Irakiens installés ici depuis longtemps, et parle arabe, la langue de communication dans cette partie de la Turquie. Pour la nuit, il n’est pas question de rester ici, nous repartirons. Le village est à la limite du désert. Notre guide nous amène à la citadelle dont il ne reste que quelques grandes salles, une partie d’une tour et des pans de murailles. On y pratiquait le culte de Sin, dieu mésopotamien de la lune. Venu d’Ur, Abraham, encore lui, est passé à Harran où son père est décédé et qu’il a quitté, sur ordre divin, à soixante-quinze ans, pour Canaan. Après ces ruines, nous sommes conduits vers des maisons traditionnelles, c’est surtout pour elles que nous sommes venus. Elles sont dispersées dans le village par groupes de trois ou quatre en ligne. Le développement et la modernisation les ont reléguées au rang d’antiquités vouées à la démolition ou à l’effondrement. Les autorités ayant perçu l’attrait qu’elles exerçaient sur les touristes et le bénéfice que l’on pourrait en tirer ont mis en place un programme de réhabilitation et de reconstruction. Les habitants vivent maintenant à côté d’elles dans des blocs de béton parallélépipédiques entourés d’une cour dans laquelle sont disposés de grands lits d’été en fer. Nous ne sommes qu’à la mi-mai, mais la température dépasse largement les 35° C, peut-être même les 40° C. On comprend alors aisément la nécessité de rester à l’extérieur la nuit lorsque le bloc de ciment aura accumulé toute l’énergie solaire de la journée. Passer des maisons traditionnelles aux maisons modernes a pu représenter un progrès dans certains domaines, c’est tout le contraire pour la gestion de la température. Les toits coniques des anciennes maisons, construits en brique, formaient des puits dans lesquels l’air chaud montait préservant ainsi une température modérée en dessous. Nous sommes conduits à un groupe de quatre aménagé pour les touristes. S’il n’y avait pas d’éclairage, nous serions presque dans l’obscurité. L’intérieur est une suite de quatre pièces, comme un long couloir resserré au passage d’un toit au suivant. Des objets, anciens et modernes, sont disposés sur des tables. À l’extérieur, nous sommes attendus par les maîtres des lieux qui ont aménagé une buvette. Mais nous n’avons pas envie de nous arrêter ici où tout sent l’intérêt mercantile. Le préposé nous fait la monnaie pour payer le guide qui n’hésite pas à demander un bakchich !

Nous repartons en nous demandant où aller pour la nuit. Comme il est assez tard pour s’arrêter, nous décidons de retourner à notre station-service. Le personnel n’est pas le même qu’hier ni que ce matin. Nous demandons, ils donnent leur accord et proposent le thé. Ils sont quatre habitués, l’un d’eux qui habite dans l’un des immeubles neufs de l’autre côté de la grande route est venu en voisin, un autre est policier dans une autre ville. Je viens seul pour le thé, accompagné de mon dictionnaire de poche et de quelques photos de famille. L’un d’eux connaît une dizaine de mots français, aucun ne parle anglais, la « conversation » est difficile. Curieux du dictionnaire, ils se le passent de main en main. Ils cherchent à savoir ce que nous avons vu et où nous irons, questions faciles qui ne nécessitent aucune connaissance en turc. Ils font des compliments sur le camping-car et posent la question de sa valeur. Je leur explique qu’il est vieux, qu’il a neuf ans et que sa valeur est finalement assez faible. Ils sont très sensibles aux compliments que je fais sur leur pays. Ils parlent aussi entre eux, semblent contents et ouvrent un paquet de gâteaux. Leurs conversations continuent après mon départ. Le service des clients de la station ne doit pas les surmener.

Suite du voyage de 2012

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