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Voyage de 2012

Semaine 10, Turquie, Bulgarie et Serbie

Jeudi 7 juin

d’Ömerli à İstanbul (photos)

La route pour İstanbul, suite de celle d’hier soir, large comme une autoroute, se transforme vite en véritable autoroute. Le trafic est dense le matin. Nous arrivons au pont sur le Bosphore sans problème et reprenons pied - roue pour l’instant - en Europe. Nous suivons le Bosphore vers le sud, à la vitesse du flot, arrivons au pont Galata (Galata Köprüsü), continuons le long du Bosphore pour constater que le parking où nous avions pris place à l’aller est fermé. Dommage, tout s’était très bien passé jusqu’ici. Il ne reste qu’à aller tenter notre chance ailleurs. Premier essai infructueux au départ de ferries. Second essai infructueux au parking des autocars de tourisme où le gardien demande un prix dissuasif. Troisième essai, le bon, au parking de la criée. Le parking, entièrement fermé, est gardé jour et nuit par la police et se trouve à un quart d’heure à pied de la mosquée Bleue (Sultan Ahmet Camii).

Une passerelle permet de traverser l’avenue côtière (Kennedy caddesi) en toute sécurité. Le quartier de Kumkapı dans lequel on arrive ensuite est un quartier populaire aux rues étroites et encombrées. Nous passons devant le Patriarcat arménien et remontons des rues jusqu’à déboucher sur l’Ordu caddesi, à le traverser pour aller vers l’Université. Dans la rue, l’atmosphère est celle d’examens ou de résultats d’examens. Nous poussons jusqu’à la mosquée de Soliman (Süleymaniye Camii) sans la visiter et retournons plutôt, par de petites rues, vers un terminus de bus, Vezneciler, pour prendre le 36A en direction de Edirnekapı, la Porte d’Edirne, dans les remparts de Théodose. Le ticket s’achète dans le petit kiosque avant de monter. En montant, je demande au chauffeur s’il passe bien à Edirnekapı, non pour sa réponse que je ne comprends pas mais pour qu’il nous dise quand nous serons arrivés. La température dépasse maintenant aisément les 30° en journée, alors dans un bus au soleil… Tout se passe comme prévu, le chauffeur donne le signal et nous descendons.

Leur taille explique que ces énormes remparts aient résisté à de nombreux assauts. Coup d’oeil à l’extérieur et nous repassons à l’intérieur pour aller chercher une église, Saint-Sauveur-in-Chora (Kariye Camii). Longer les remparts n’y mène pas, les personnes interrogées ne savent pas. Il faut dire que même son nom n’est pas évident puisqu’elle a commencé par être une église (kilise) byzantine qui, comme la plupart au moment de la conquête, a été transformée en mosquée (cami) avant de devenir le musée (müze) d’aujourd’hui. Alors que demander ? Nous avons l’impression d’être dirigés vers le lieu touristique du quartier et c’est très bien ainsi. C’est effectivement un lieu touristique fréquenté par des étrangers avec magasins pour touristes. Il aurait été dommage de ne pas le trouver, à elles seules, les mosaïques valent le déplacement. Nous y passons un bon moment, attendant patiemment qu’un groupe s’éloigne pour profiter des lieux avant l’arrivée du suivant.

Nous descendons ensuite vers la Corne d’or (Halıç) par l’intérieur du rempart et, de là, nous partons, toujours à pied, pour le quartier d’Eyüp. Il se trouve sur la rive sud de la Corne d’or, au pied d’une colline, à l’endroit où la baie fait un coude. Après avoir quitté les remparts, la marche jusque là ne présente aucun intérêt. Par contre, la dévotion marquée pour le tombeau d’Eyüp et la prière que viennent faire de très nombreux jeunes circoncis amènent une foule sur les lieux qui se partagent en édifices religieux, esplanades et magasins aux marchandises appropriées pour ce type de public. C’est extrêmement vivant et intéressant. Au travers du cimetière-jardin, nous poursuivons sur la colline jusqu’à la station supérieure du téléphérique. À nos pieds, la Corne d’or se déploie dans toute sa longueur. De nouveau, la vue méritait bien l’effort. À la colline est attaché le nom de Pierre Loti (Piyer Loti en turc) qui y a passé beaucoup de temps et l’a beaucoup utilisée dans ses romans.

Nous avons décidé de rentrer à pied, une petite dizaine de kilomètres de plus ! Nous remontons jusqu’à la Porte d’Edirne et redescendons ensuite les avenues parcourues en bus. Le plus frappant est l’abondance de grands magasins de robes de mariées. Comment tous ces commerces mitoyens identiques donc en concurrence font-ils pour vivre et entretenir plusieurs étages de modèles d’exposition ? Nous passons aussi devant les mosquées Mehmet le Conquérant (Fatih Mehmet Camii) et Şehzade (Şehzade Camii) entre lesquelles se profile l’aqueduc de Valens. En ce qui concerne les visites, ce sera pour une autre fois, pour aujourd’hui, nous en avons vu assez ! Si la redescente dans le quartier populaire de Kumkapı ne pose aucun problème, il n’en va pas de même pour trouver un passage sous la voie de chemin de fer. Il suffit de demander. Un jeune couple nous y amène, lui est kurde comme la plupart des habitants du quartier sans doute, elle est anglaise et se plaît bien à İstanbul. Retour chez nous, au calme.


Vendredi 8 juin

İstanbul (photos)

Ce matin, temps superbe, le planning prévoit de marcher jusqu’à l’embarcadère du ferry pour Dolmabahçe. Sur place, pas d’indication. Aux renseignements, on dit que ce ferry n’existe plus mais l’employé donne l’impression d’hésiter. Un peu plus loin, un comptoir de l’office du tourisme confirme qu’il n’existe plus et qu’il faut prendre un bateau qui va plus loin et descendre au premier arrêt. Personne ne sait d’où part ce bateau, la réponse est du style « de l’autre côté du pont ». Comme de l’autre côté du pont, le Pont Galata (Galata Köprüsü), ce n’est pas un bateau mais une quantité pour toutes sortes de directions, on ne nous explique pas lequel est le bon. Cela commence à devenir compliqué, nous partons à pied. C’est facile, il suffit de traverser le pont et de suivre le rivage du Bosphore. La promenade serait agréable par ce beau temps si l’on n’était pas obligé de suivre une artère importante. En plus, la carte est trompeuse, c’est loin ! Nous finissons bien par y arriver, mais plus tard que nous ne le pensions.

Le palais de Dolmabahçe (Dolmabahçe Sarayı) est la résidence que les sultans se sont fait construire, juste au bord du Bosphore, vers le milieu du XIXe siècle en remplacement du palais de Topkapı (Topkapı Sarayı). La situation, juste en bord de mer, est fort différente mais également très belle. Le style du palais - est-il besoin de le préciser ? - reflète les goûts de cette époque. Il n’est pas dénué de charme. La visite se fait en troupeau avec le choix de la langue, turc ou anglais, et de même ensuite pour le harem. Les deux fois, nous choisissons le premier groupe qui part, c’est donc turc pour le palais et anglais au harem, c’est sans importance, tout est fort bien décrit dans les guides et à l’usage, nous nous rendons compte que nous ne sommes pas les seuls à procéder ainsi !

Pour le retour, il n’est pas question de refaire le trajet à pied, nous prenons le tramway. Pour la suite de la journée, nous traînons dans le quartier d’Eminönü. La rambarde du pont Galata est entièrement occupée par des pêcheurs. La foule et l’animation au pied du pont n’ont pas faibli depuis notre premier passage ici. Nous nous dirigeons doucement vers le bas du bazar en passant par la mosquée Rüstem Paşa (Rüstem Paşa Camii). Cette mosquée de taille modeste est à l’étage, au-dessus de boutiques. On y accède par un escalier. De beaux carreaux de faïence recouvrent l’intérieur et lui donnent un cachet que de plus grand édifices ne peuvent avoir en raison même de leur taille. Les rues alentour sont une partie du bazar que ne parcourent pas beaucoup de touristes. On y trouve entre autres des objets en bois. Si l’on monte, on arrive tout naturellement à la mosquée de Soliman (Süleymaniye Camii). Au contraire de la précédente, on a là une grande mosquée dont la construction est aussi une prouesse technique. L’extérieur avec son jardin et l’intérieur valent la visite. Le rebord nord du jardin domine le Bosphore et le début de la Corne d’or (Halıç). Aujourd’hui, nous rentrons tôt. Il s’agit de préparer la suite, visite d’Edirne et planning de la traversée de la Bulgarie, le passage de la frontière est prévu demain en fin d’après-midi.


Samedi 9 juin

d’İstanbul à Edirne (photos)

Finalement, nous ne partons pas aussi tôt que nous pensions. Le temps est toujours au beau fixe. Paiement du parking, on nous applique le tarif minibus, mais cela reste très bon marché : pourrions-nous loger en ville deux jours à deux pour neuf euros ? Peu de circulation. Nous avons décidé de suivre la mer aussi loin que possible, c’est la bonne direction et cela évite de chercher. Cela va jusqu’à l’aéroport, après quoi nous prenons la route principale par laquelle nous sommes arrivés il y a presque un mois et demi. Achat de pain de Trabzon, le dernier, à un boulanger en bord de route. La bifurcation pour Edirne est après Silivri. La circulation est encore plus réduite. Le paysage rappelle la Beauce avec ses grandes cultures céréalières remplacées vers la fin par celles de tournesol. La route est longue et, maintenant que le rivage est loin, la température monte.

Edirne apparaît enfin. Nous allons jusqu’au centre où commence la recherche d’une place. Les rues autour de la mosquée Selim II (Selimiye Camii) sont petites et déjà bien chargées, d’ailleurs la circulation n’est pas facile. Un tour, retour dans la rue principale en travaux, retour à la mosquée, une autre rue… demi-tour, retour devant la mosquée où la première place est libre, un créneau avec l’aide d’un passant et c’est bon ! Première visite : la mosquée. Au milieu d’un jardin, son aspect extérieur n’est pas sans rappeler les grandes mosquées d’İstanbul avec ses quatre minarets pointus et son grand dôme, elle a d’ailleurs eu pour architecte le fameux Sinan qui a aussi construit plusieurs mosquées dans la métropole et dont la statue orne l’avant de la place. La visite attire les touristes qui sont ici, Turcs ou Bulgares, facilement identifiables. L’accès du côté sud se fait par une rue de bazar couverte où l’on vend aux touristes tout un tas d’objets hétéroclites. Il faut ensuite monter un grand escalier intérieur pour déboucher sur l’esplanade devant la mosquée. Malgré la foule, la cour intérieure à arcades reste un espace paisible. L’intérieur frappe ici encore par ses dimensions.

En ville, après un moment passé sur internet, nous visitons deux mosquées plus modestes mais tout à fait dignes d’intérêt, la mosquée aux Trois Balcons (Üç Şerefeli Camii) et la Vieille Mosquée (Eski Cami). Nous trouvons la balade dans les rues du centre moins intéressante que d’habitude, tant par ce qui s’y vend que par l’atmosphère perçue. Après réflexion, il est trop tard pour passer la frontière en cette fin d’après-midi. Nous ignorons en effet tout de la rapidité des démarches ici et nous n’aimons pas être pressés pour chercher un emplacement dans un pays que nous ne connaissons pas. Nous restons et passerons donc demain.


Dimanche 10 juin

d’Edirne (Turquie) à Perperikon (Перперикон) (Bulgarie) (photos)

Toujours du beau temps chaud. Ce matin, nous commençons par dépenser le peu d’argent turc restant : achat de fruits et de légumes puis lavage du camping-car que nous payons en monnaie et avec un briquet. Le réservoir est assez vide pour faire le peu de route qu’il faudra en Bulgarie et trouver une station-service.

Avant de quitter Edirne, nous cherchons le site Bezayıt Külleiyesi sur l’autre rive de la Tunca (Tunca Nehri), à l’extérieur de la ville. Nous nous attendions à y trouver une mosquée et peut-être quelques autres bâtiments autour, pas du tout à un ensemble médical complexe autour d’une mosquée, le tout transformé en musée. L’entrée est payante, comme nous n’avons plus un sou, on nous laisse visiter sans payer. Il aurait été dommage de ne pas le visiter. Les lieux sont superbes, le musée réparti entre plusieurs salles présente des documents et instruments liés à la médecine et des reconstitutions de scènes de traitement de maladies nerveuses dans lesquelles la musique joue un rôle important. Les bâtiments s’ordonnent autour de cours intérieures et de jardins. Dans une salle, un artiste fait découvrir la technique du papier marbré. Bref, un excellent moment, une visite intéressante.

Nous sommes déjà sur la route, il suffit de continuer. Quelques rizières plus loin, une dizaine de kilomètres, nous atteignons la frontière. Notre séjour turc aura duré exactement six semaines. Côté turc, un vaste poste moderne où attendent déjà quelques voitures dont les deux camping-cars rencontrés en Cappadoce. Le passage est très facile et rapide. Du côté bulgare, des installations vieillottes, de petits bâtiments rouillés et poussiéreux abandonnés, la chaussée est inégale. Le passage ne pose aucun problème, il suffit de payer la vignette routière et une taxe de désinfection, une policière vient juste s’assurer que nous n’avons pas de passager clandestin. Arrêt sur le premier parking, un terrain vague sale, avec ces Français dont nous avons fait la connaissance autour d’un apéritif à Zelve. Cette fois-ci, c’est presque l’heure de l’apéritif, mais nous conduisons, ce sera donc café ou verre d’eau. Nous profitons de ce moment pour échanger sur nos expériences. Comme nous, ils sont ravis de leur séjour. Pour aujourd’hui, nous allons au même endroit, les ruines de Perperikon. Nous n’y allons pas par la même route, à ce soir donc.

Il fait très chaud. Notre téléphone portable nous souhaite « welcome in Greece », c’est juste à côté. Nous prenons la petite route parallèle à l’autoroute pour mieux trouver la route que nous cherchons. Grâce à la carte et au guide, nous avons en effet repéré une route pittoresque qui serpente dans le sud-est du pays. C’est à Ljubimec (Любимец) qu’il faut bifurquer, mais ce n’est pas la bonne direction au premier carrefour, nous partons en nous dirigeant au soleil. Ici, contrairement à la Turquie, il n’est pas possible de demander, non pas tant que notre connaissance du bulgare se limite à bonjour, appris à la frontière, mais plutôt parce qu’il n’y a absolument personne dans les rues, pas même de voiture. La différence avec le pays que nous venons de quitter est énorme. Les maisons sont vieillottes, pas entretenues, nous sommes très choqués par cet écart. La route est la bonne, c’est déjà cela. À la sortie du village, le passage à niveau est fermé. Deux ou trois voitures attendent, moteur arrêté, la barrière est descendue longtemps avant le passage du train. Ensuite, c’est la campagne avec des cultures variées dans des petits champs. La route n’est pas large ce qui n’a pas d’importance puisqu’il n’y a personne. Le changement de direction suivant est à Malko Gradište (Малко Градище), mais la route ne passe pas dans le village et nous le ratons ! Ce n’est pas trop grave puisque, selon la carte, une autre route plus loin part dans la même direction. En attendant, nous montons en lacets dans un belle forêt dense de feuillus. Sur le début de la descente, une route se détache comme prévu sur la droite. Là commencent les difficultés : il ne s’agit plus de naviguer entre des nids de poule sur cette route à voie unique, mais de les prendre au mieux là où le revêtement n’est pas encore complètement parti. À l’approche du lac d’Ivejlovgrad (Язовир Ивайловград), le paysage, que des arbustes poussant en tous sens masquaient, se dégage. Quelques voitures sont arrêtées sur le rivage où l’on profite de l’eau par ce chaud après-midi. Nous en croisons trois, remorques avec bateau, chacun descend un peu sur son côté et cela passe. Nous ne nous arrêtons pas, à la vitesse à laquelle nous allons, il y en a pour un moment sur cette route ! Premier village de la région, Borislavci (Бориславци) fait peur : les rues sont défoncées, la plupart des maisons abandonnées, pas une voiture, peu de personnes, des jardins pas entretenus, pas même de cultures vivrières et pas un champ, on ne vit pas ici, on survit peut-être. Le contraste avec la Turquie ne fait que se renforcer. En ce qui concerne la chaussée, il faut en faire son deuil, elle n’est pas meilleure après. Ce qui est amusant est la répétition des panneaux « Vignette » pour rappeler que la circulation sur cette route est soumise à l’achat de ladite vignette. Son montant est certes modique, mais au lieu d’acheter ces panneaux omniprésents, l’achat d’un peu de goudron aurait facilité la circulation. L’agriculture n’est pas plus développée et il n’y a pas plus de monde. Les villages se suivent et se ressemblent, Dolni Glavanak (Долни Главанак), Topolovo (Тополово), Răženovo (Ръженово), Silen (Силен). La seule culture est celle de tabac, mais si peu étendue que le rapport doit être faible, l’impression de pauvreté demeure. Dans un paysage faisant alterner des forêts, des plateaux dénudés, des zones de parcours, la route monte, descend et oscille dans tous les sens avant de descendre pour de bon dans la vallée de l’Arda (Арда), une belle rivière dans une vallée rocheuse au nord et verte au sud qu’on traverse sur le barrage de Studen Kladenec (Язовир Студен Кладенец). Si nous ne nous en étions pas rendu compte, nous sommes avertis de travaux sur plusieurs dizaines de kilomètres. Nouvelle comparaison, ici, des travaux cela signifie une pelle mécanique arrêtée, une demi-douzaine d’ouvriers avec des pelles et des pioches, deux camions et une camionnette, on fait du ciment sur place. Avec ces moyens, les travaux pourraient durer des années. La route est défoncée, il faut prendre ce mal en patience et regarder le paysage ! Nous rejoignons une route plus importante, meilleure, plus large peu avant Krumovgrad (Крумовград). Entre les forêts, peu à peu des petits champs de tabac apparaissent, ils ne suffisent pas à assurer l’aisance dans la campagne.

La route de Perperikon se détache de la route principale à Kărdžali (Кърджали), elle qui paraît petite sur la carte est large et bonne, nous arrivons rapidement sur le parking du site. Le parking est assez grand pour le stationnement de dizaines d’autocars. Il n’y en a pas, tout au plus une ou deux voitures et bien sûr les deux camping-cars français à la suite desquels nous avons passé la frontière ce matin. Ils ne sont pas encore montés sur le site, préférant attendre l’arrivée d’un peu d’ombre et de fraîcheur. Nous y allons ensemble. Le site occupe le sommet d’une colline rocheuse et le haut de son flanc sud. Bien qu’il soit peu mis en valeur, il possède des restes monumentaux et d’autres plus réduits. Je fais la visite avec un « guide » qui délivre ses explications en bulgare, autant dire que je ne comprends pas un mot. Les gestes, la désignation et quelques noms propres permettent de reconstruire son propos. Le haut de la colline offre une belle vue sur les vallées voisines et la couverture forestière des autres reliefs. Au retour, échanges autour d’un apéritif. Nuit parfaitement calme.


Lundi 11 juin

de Perperikon (Перперикон) à Cherna Mesta (Черна Места) (Bulgarie) (photos)

Le beau ciel bleu augure d’une chaude journée. Nous partons tôt, nos voisins commencent à sortir. Après avoir rattrapé la route principale, la route, un peu moins bonne que celle d’hier, traverse des forêts vallonnées ainsi que des cultures, surtout du tabac mais aussi des céréales, des vivres, des cerisiers…

À Asenovgrad (Асеновград), changement de direction, nous quittons provisoirement la route de Plovdiv (Пловдив) pour aller, quelques kilomètres vers le sud, visiter le monastère de Bačkovo (Бачковски Манастир). Le grand parking en bas est vide, nous montons à celui du haut, passant pour cela entre les kiosques de souvenirs ou de restauration. Le monastère est une oasis au milieu de la verdure, des arbres partout. La photo y est interdite, dommage, l’ensemble est beau. Le bâtiment principal enserre une cour intérieure au milieu de laquelle est construite l’église Notre-Dame (Св. Богородица). Dans cette première cour, un panorama est peint sur le mur sud. Des peintures murales et des boiseries peintes mais sombres ornent l’église où trois femmes récurent les traces de cire sur le sol. À l’extérieur, avec une sorte de chalumeau et des chiffons, deux moines sont occupés à retirer la cire sur des porte-chandelles. Deux autres femmes plument deux poules. Un moine déplace un mouton en laisse pour l’attacher à un endroit où il trouvera à manger. L’information est difficile à trouver : la personne qui garde le réfectoire et la porte sud connaît quelques mots d’anglais. Le guide donne bien des explications, mais comment savoir où aller ? Nous lui désignons une porte, il faut acheter un billet, c’est le réfectoire où l’on ne pénètre qu’accompagné. Son plafond et ses murs sont recouverts de fresques. Dernière étape, la cour sud et l’église Saint-Nicolas (Св. Никола) avec ses fresques qu’il faut aussi demander et pour lesquelles la visite est accompagnée. Nous renonçons, faute de parvenir à nous expliquer, à visiter l’ossuaire qui, selon le guide, possède de belles peintures murales. Au total, c’est une visite intéressante dans un havre de verdure et de fraîcheur. En ressortant, par curiosité, nous descendons à pied l’allée pavée pour voir ce qui s’y vend. Beaucoup de choses qui ne nous intéressent pas. Nous prenons le temps d’acheter un pot de miel et partons pour Plovdiv sans nous arrêter à Asenovgrad.

Comme d’une façon générale, la circulation n’est pas dense, nous arrivons facilement vers le centre-ville sans trouver sa position exacte ni de parking. Un passage souterrain, ce qu’il y a de pire pour des touristes qui cherchent, semble destiné à l’éviter. Nous faisons le tour complet, nous nous arrêtons sur un trottoir pour demander où nous sommes, mais les passants sont rares et ne veulent pas s’arrêter. C’est un jeune qui finit par nous faire comprendre où nous sommes approximativement parce que ce n’est pas sur notre plan et surtout quelle direction prendre. Les indications sont vagues mais suffisantes. Un grand parking presque vide, place Centrale (Площад Централен), on ne pouvait trouver mieux. La place débouche sur la rue Prince Aleksandăr Batenberg (Улица Княз Александър Батенберг I), rue piétonnière qui remonte vers la partie ancienne de la ville. Les vitrines des magasins de mode affichent les mêmes marques internationales que chez nous. À l’écriture près, l’avenue serait presque interchangeable avec une rue de centre-ville française. Qui peut bien se payer de tels vêtements ? C’est propre, net mais inintéressant, il faut regarder en l’air pour apprécier les grosses maisons bourgeoises dont on a déguisé la base. Si la ville se limitait à cela, nous pourrions passer notre chemin. Elle est en partie construite au-dessus du cirque romain que l’on peut voir au carrefour de la mosquée et dans un hall d’immeuble. Derrière la mosquée, une rue monte vers les quartiers plus anciens et débouche, en haut de la colline Nebet Tepe (Небет Тепе), sur les maigres restes de l’ancienne ville thrace d’Eumolpia. De part et d’autre, de belles demeures ottomanes, des maisons qui ont un nom. Nous parcourons bon nombre de ruelles en pente revêtues de gros pavés ronds mal ajustés, essayant de voir le plus possible de ces belles maisons. La plupart sont ouvertes à la visite, sauf qu’un lundi, elles sont fermées. En redescendant, nous passons par la Maison Lamartine, l’église Notre-Dame et le théâtre romain.

De retour à la voiture, nous partons pour la ville voisine de Pazardžik (Пазарджик). Aucune difficulté, c’est la route de la capitale. Un peu plus à l’ouest encore, nous souhaitons la quitter et prendre la direction de Velingrad (Велинград). Une indication de déviation nous fait continuer, une indication dans l’autre sens nous fait revenir, c’est un peu agaçant, nous prenons entre les deux et tombons sur la bonne route si ce n’est qu’à Varvara (Варвара) la route n’est pas bien visible et inaccessible. De nouveau, nous faisons un aller-retour pour rien et finissons par demander, il faut aller plus loin. Mais plus loin, c’est la route principale, tant pis. Nous trouvons une autre route. Elle remonte une gorge étroite, elle serait pittoresque comme le montre la carte si nous n’étions pas dans une file de camions qui crachent une épaisse fumée noire à peiner dans la côte. Comme la route suit le torrent qui a façonné la gorge, elle n’est pas droite. Les camions laissent toutefois doubler dès que la visibilité s’y prête. Impossible de s’arrêter d’une part parce qu’il n’y a pas de place et aussi parce que, sinon, nous serions rattrapés par les camions.

Nous nous arrêterons en haut ! Au lieu d’arriver à Velingrad, c’est à Jundola (Юндола) que la route émerge de cette vallée. Les montagnes sont sans doute prisées comme lieu de villégiature, les kiosques ou simples tables de vente de miel sont si nombreux qu’ils se touchent presque en haut. La chaussée souffre de l’hiver, les nids de poules se suivent sans discontinuité. Des forêts, des prairies, peu de cultures, juste des pommes de terre pour la consommation familiale. À partir de là, nous entamons la recherche de notre halte quotidienne. Après avoir un peu continué à monter, la route descend maintenant une vallée boisée. Les hautes montagnes qui la bordent - la neige n’a pas encore disparu partout - accélèrent la venue du soir. Nous commençons par nous installer le long du bâtiment de la gare de Cherna Mesta mais l’emplacement ne me plaît pas parce qu’il oblige à manœuvrer beaucoup et que la voie qui mène à la gare est si étroite qu’elle ne laisse pas le passage si une autre voiture venait. Nous finissons par nous installer le long de la voie et de la route, sous la mosquée. Ce n’est pas la circulation qui nous empêchera de dormir ! Contrairement à toute attente, il passe un train qui dépose quelques personnes à la gare.


Mardi 12 juin

de Cherna Mesta (Черна Места) à Slivnica (Сливница) (Bulgarie) (photos)

La nuit a été fraîche. Le beau temps continue à nous accompagner. Dans la vallée qui s’élargit progressivement, les agriculteurs sont au jardin ou dans leur prairie à la fenaison. Ici, ni tracteur ni aucune motorisation, tout se fait à la main. Une fois séché, le foin est mis en meule ou transporté dans des charrettes tirées par des mulets. Les pommes de terre et les haricots montants sont les deux principales cultures vivrières. En s’élargissant, la vallée dégage la vue vers l’ouest où une chaîne de sommets et leurs grands lambeaux blancs barre l’horizon, il s’agit du Parc national du Pirin (Национален Парк Пирин). C’est joli. Après une courte déviation par des routes meilleures que celle de la vallée, nous arrivons à la route principale de Sofia (София) aux pistes de ski proches de la capitale et à la Grèce, Thessalonique (Θεσσαλονίκη) n’est pas loin. À la fois par curiosité et parce que nous n’avons plus beaucoup de pain, nous faisons un court arrêt dans un petit supermarché de Blagoevgrad (Благоевград). Après la Turquie, nous avons du mal à concevoir un pays sans magasin, les comparaisons ne sont pas terminées. Il serait exagéré de dire que c’est à peine mieux qu’un magasin d’état sous le régime communiste mais c’est minable, pas attrayant…

Nous prenons la route vers le nord, la circulation est plus intense que tout ce que nous avons vu jusqu’ici. La vallée est large, mais les paysages qui ont peu changé continuent à être plaisants. Le monastère de Rila (Рилски Манастир) est à une trentaine de kilomètres de la route. Après une partie de plaine cultivée, des torrents dévalent les pentes de la vallée boisée de la Rilska (Рилска) dans laquelle serpente la petite route qui y mène. Stationnement devant la porte du monastère, avec les autocars qui amènent des groupes scolaires. L’extérieur est austère, l’intérieur somptueux. Passer le porche d’entrée suffit pour être pris par un tourbillon de constructions colorées. L’église de la Nativité (Църква Рождество Христово) occupe le centre d’une cour fermée par des bâtiments à arcades qui font alterner le rouge et le blanc sur trois ou quatre étages. Leur couleur dominante blanche, leurs toitures de tuiles orange, leurs boiseries entourent l’église à bandes de couleurs noire et rouge ou blanche et rouge et aux coupoles grises. Le tout est niché dans un écrin de verdure sous un beau ciel bleu. Il faut s’approcher de l’église pour prendre la pleine mesure des peintures des murs et plafonds de la galerie couverte qui la borde sur trois côtés. L’intérieur est plus éblouissant encore. Nous passons ensuite beaucoup de temps à détailler ce que le regard a trop vite embrassé. L’accès aux étages de galerie n’est pas autorisé. Le donjon, malgré ses petites ouvertures et sa position un peu à l’arrière de l’église, donne quelques vues intéressantes de plus. Nous allons et venons en tous sens, sortons par la porte arrière, entrons à nouveau, jusqu’à ce qu’il devienne raisonnable de repartir.

Nous nous arrêtons au couvent d’Orlica (Метох Орлица). Sa toute petite église a de belles peintures murales. Arrêt aussi d’abord à une petite laiterie qui fait du yaourt de bufflonne et ensuite au tout petit magasin de Rila pour acheter un pain, un pain tranché en sac plastique. Avant de quitter la vallée, à l’entrée dans la plaine, nous allons à Stob (Стоб) où le guide signale des pyramides, formations rocheuses naturelles, que nous n’avons pas le courage d’aller voir en raison de la température et de leur exposition à cette heure de la journée. Nous reprenons la route de Sofia. De ce côté, on y arrive par un mélange d’immeubles récents et d’immeubles de style soviétique du régime précédent. L’entrée en ville est facile et pas bien belle. Nous n’avons pas l’intention de visiter, seulement de parcourir trois ou quatre grandes avenues du centre en voiture, pour voir. La circulation est facile et nous arrivons du premier coup à passer où nous souhaitions. La ville n’est pas grande, son centre non plus. Sa visite, pour un autre voyage, devrait être rapide d’autant plus que plusieurs centres d’intérêt se trouvent en dehors de la ville. Je me trompe de sortie, j’aurais dû prendre la même avenue que celle par laquelle nous sommes entrés. Au lieu de cela, nous sommes pris par des embouteillages dans un quartier que les habitants regagnent après leur journée de travail. Perte de temps sans importance, nous retrouvons la route, route excellente vers le nord-est en direction de la Serbie où nous passerons demain matin et de Belgrade (Београд). Nous allons assez loin pour être près de la frontière, mais pas trop de façon à pouvoir trouver un emplacement. Nous cherchons à Slivnica qui ne nous inspire pas et que nous quittons après avoir hésité pour un stationnement dans une rue tranquille. Nous n’allons pas loin : en reprenant la route, un grand parking fermé le long d’une station-service attire notre attention. Il s’agit d’un parking pour routiers, quatre gros semi-remorques immatriculés à İstanbul y sont déjà. Renseignements pris au restaurant où le niveau sonore de la télé turque est élevé, nous pouvons rester là, prendre une douche… il suffit de payer et ce n’est pas cher. Impeccable. Dans la soirée, nous avons un voisin, un camping-car immatriculé en France.


Mercredi 13 juin

de Slivnica (Сливница) (Bulgarie) à Brnjica (Брњица) (Serbie) (Bulgarie) (photos)

Pas un nuage, cela devient une habitude. Au moment de payer le stationnement, nous rencontrons notre voisin d’hier. Seul, il revient aussi de Turquie et s’était arrêté ici à l’aller.

La frontière est à un quart d’heure de route. Le poste bulgare est petit, la route est abîmée. En Serbie, la route est nette et le poste plus récent. Comme à l’entrée en Bulgarie, une policière vient visiter le camping-car. Change et nous partons.

De grands travaux de construction d’une autoroute approchent de la frontière. Le nombre d’engins, sans atteindre les moyens mis en oeuvre en Turquie, dépasse largement tout ce que nous avons pu voir en Bulgarie. Le paysage se partage entre des forêts sur le relief et des cultures en plaine et dans les vallées. Les champs sont petits, les moyens doivent être limités. Nous avions l’intention de partir vers le nord, une déviation oblige cependant à faire un crochet vers l’ouest, presque jusqu’à Niš (Ниш). La déviation n’est d’ailleurs pas indiquée. Elle fait continuer la route principale qui passe dans une gorge calcaire sur une quinzaine de kilomètres. Nous retrouvons le trajet prévu à Knjaževac (Књажевац). Malgré le soleil, cette ville aux nombreuses constructions datant du régime communiste n’est pas bien belle, nous y faisons quelques courses, du pain et de l’eau, avant de faire le plein. Retrouver de vrais commerçants fait plaisir. Chez le boulanger, en plus de pains appétissants, nous sommes attirés par un feuilleté que la boulangère et une cliente vantent par gestes. Chez l’épicier, l’accueil est tout aussi chaleureux.

Plus loin dans la campagne, de petites cerisaies de production de cerises acides noires nous donnent l’idée de chercher s’il n’en font pas un alcool. Nous nous arrêtons à Zaječar (Зајечар) pour visiter des supermarchés. Ils ont des alcools, mais pas de cerise, ils sont par contre très bien achalandés en vins de Bordeaux et en blancs locaux. Quelques bâtiments rénovés donnent un cachet plus avenant à cette ville. En sortant de la ville, une hésitation sur la route nous fait faire un crochet par Bor (Бор), une ville avec de grandes usines soit productrices soit grosses consommatrices d’électricité qui enfument les alentours. Ce n’est pas beau. Après Slatina (Слатина), la route suit des falaises d’un calcaire blanc éblouissant puis monte une première vallée en forêt, en descend une autre, en remonte une troisième toujours en forêt avant d’en descendre une dernière et de déboucher sur une route plus importante. Dans le doute, nous marquons un arrêt à l’entrée de Klokočevac (Клокочевац). Avant d’avoir déplié la carte, quelqu’un sort de chez lui et vient nous renseigner. Il ne parle que serbe, mais avec les noms de lieux et surtout celui du Danube, Dunav (Дунав), nous nous comprenons. Quinze kilomètres, indique-t-il avec les doigts.

C’est ainsi que nous arrivons tranquillement à une profonde baie sur le Danube dans la partie très connue des Portes de Fer (Ђердап), frontière naturelle entre la Serbie et la Roumanie. Un pont enjambe la baie vers l’ouest. Une promenade au bord de l’eau, dans un petit parc de la première ville, Donji Milanovac (Доњи Милановац), s’impose ensuite, cette petite ville proprette doit profiter de sa situation. Il faut reconnaître que ce site extraordinaire est à recommander, dans le défilé, toute la majestuosité du fleuve est contenue par deux rives distantes de trois cents mètres à deux kilomètres. C’est très beau et l’éclairage de l’après-midi, en renforçant les contrastes, accentue le relief. À partir de là, nous profitons pleinement de ce défilé étroit du fleuve entre les montagnes et du bel éclairage pour nous arrêter souvent. Nous avions parcouru l’autre rive il y a plus de vingt ans. Autant que des souvenirs anciens permettent de juger, il nous semble que les vues sont plus belles depuis la rive sud que depuis la rive nord.

Nous remontons le fleuve sur une cinquantaine de kilomètres avant de nous préoccuper de la recherche d’un arrêt. Comme la montagne est abrupte, plus ici qu’en Roumanie, elle laisse peu de place à l’activité humaine, les villages ne sont ni fréquents ni développés et peut-être même un peu délaissés.

À Brnjica, la place a été suffisante pour une usine de démantèlement de barges. Nous nous mettons sur l’espace devant. Sans que nous le demandions, à deux reprises, deux personnes différentes viennent nous assurer, en serbe, que nous sommes très bien là, que nous pouvons y rester et que l’usine est gardée et éclairée la nuit. Le beau temps qui nous accompagnait depuis deux semaines est en train de changer, le ciel se charge. Un couple d’agriculteurs se dépêche de rentrer du foin, ils ont un minuscule tracteur et une remorque adaptée. Le tracteur est si petit que seul l’homme peut monter, sa femme suit à pied. Ils passent chargés dans un sens, à vide dans l’autre jusqu’au petit champ que la montagne leur octroie de l’autre côté de la route. Les quelques gouttes qui commencent à tomber ne les découragent pas. Ce soir, nous avons la visite et la garde d’un chien, un pauvre chien qui a dû passer sous une voiture et en réchapper non sans mal, il se déplace avec difficultés, nous lui donnons quelques restes sans savoir si c’est lui qui nous garde ou le contraire.

Suite du voyage de 2012

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